L’Encyclopédie/1re édition/ZAPORAVIENS, ou ZAPOROGES

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ZAPORAVIENS, ou ZAPOROGES, (Géogr. mod.) peuples compris parmi les Cosaques ou Ukraniens ; ils habitent dans les îles qui sont aux embouchures du Borysthène, & sont sous le commandement d’un chef élu à la pluralité des voix, nommé Hetman ou Itman ; mais ce capitaine de la nation n’a point le pouvoir suprème ; les Zaporaviens sont à-peu-près ce qu’étoient nos flibustiers, des brigands courageux. Ils sont vêtus d’une peau de mouton, & alloient autrefois pirater jusque dans le Bosphore ; ils sont aujourd’hui contenus par la cour de Russie, qui envoye un seigneur dans le pays pour y veiller ; mais ce qui distingue les Cosaques zaporaviens de tous les autres peuples, c’est qu’ils ne souffrent jamais de femmes dans leurs peuplades, comme on prétend que les Amazones ne souffroient point d’hommes chez elles. Les femmes qui leur servent à peupler, demeurent dans d’autres îles du fleuve ; point de mariage, point de famille ; ils enrôlent les enfans mâles dans leur milice, & laissent leurs filles à leurs meres ; souvent le frere a des enfans de sa sœur, & le pere de sa fille. Point d’autres lois chez eux que les usages établis par les besoins ; cependant ils ont quelques prêtres du rit grec. On a construit depuis quelque tems le fort sainte Elisabeth sur le Boristhène pour les contenir ; ils servent dans les armées comme troupes irrégulieres, & malheur à qui tombe dans leurs mains.

Mais pour mieux faire connoître les Zaporaviens & leur hetman, nous rapporterons ici comment se fit en 1709, le traité de Mazeppa cosaque, stipulant pour Charles XII. avec ces barbares. Mazeppa donna un grand repas, servi avec quelque vaisselle d’argent à l’hetman zaporavien, & à ses principaux officiers : quand ces chefs furent yvres d’eau-de-vie, ils jurerent à table sur l’Evangile, qu’ils fourniroient des vivres & des hommes à Charles X II. après quoi ils emporterent la vaisselle & tous les meubles. Le maître-d’hôtel de la maison courut après eux, & leur remontra que cette conduite ne s’accordoit pas avec l’Evangile sur lequel ils avoient juré. Les domestiques de Mazeppa voulurent reprendre la vaisselle ; les Zaporaviens s’attrouperent ; ils vinrent en corps se plaindre à Mazeppa de l’affront inoui qu’on faisoit à de si braves gens, & demanderent qu’on leur livrât le maître-d’hôtel pour le punir selon les lois ; il leur fut abandonné, & les Zaporaviens, selon les lois, se jetterent les uns aux autres ce pauvre homme comme on pousse un ballon, après quoi on lui plongea un couteau dans le cœur. Histoire de Russie, par M. de Voltaire. (D. J.)