L’Encyclopédie/1re édition/ZAGARA

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ZAGARA, (Géog. mod.) montagne de la Turquie, en Europe, dans la Livadie, & connue anciennement sous le fameux nom d’Hélicon. Le nom moderne de Zagara lui a été donné à cause de la grande quantité de lievres qu’on y trouve. Il ne laisse pas néanmoins d’y avoir d’autres chasses : on y rencontre sur-tout des sangliers & des cerfs.

Par la description que Strabon nous a laissée de l’Hélicon, il est aisé de juger que c’est aujourd’hui la montagne Zagara. L’Hélicon étoit sur le golfe Crisséen ou de Corinthe, & bordoit la Phocide qu’il regardoit au nord, inclinant un peu à l’ouest. Ses hautes croupes pendoient sur le dernier port de la Phocide, qui de-là s’appelloit Mycus. Il n’étoit pas fort éloigné du Parnasse, & ne lui cédoit ni en hauteur, ni en étendue ; enfin ces deux montagnes n’étoient presque que rochers, & leurs croupes se trouvoient toujours couvertes de neiges. C’est-là l’état de la montagne de Zagara ; mais il ne faudroit pas y chercher les monumens d’Orphée, ni ceux des muses, d’Hésiode, que Pausanias dit y avoir vûs de son tems.

Pour ce qui est de la fontaine d’Hippocrène, où les muses avoient coutume de s’assembler, Wheler (Voyage d’Athenes, dans les lieux voisins, t. II. l. III.) qui me fournit cet article, n’assure pas l’avoir distinguée ; il n’en parle que par conjecture. « Ayant avancé une lieue & demie, dit-il, vers le haut de la montagne, jusqu’aux neiges, il fallut m’arrêter & me contenter de descendre de cheval, & de tâcher de grimper sur quelque rocher plus haut, d’où je pusse découvrir les pays de dessous & le haut des montagnes ; ensorte que l’espace qui y étoit renfermé, me parut comme un lac glacé, & couvert de neiges ; mais mon guide me disant qu’il n’avoit passé par ce chemin qu’en tems d’été, avec M. de Nointel, ambassadeur de France, & qu’il y avoit vû une belle vallée couverte de verdure & de fleurs, avec une belle fontaine au milieu ; je me trouvai porté à croire que c’étoit-là la fontaine d’Hippocrène, & le bois délicieux des muses »

Il croît sur cette montagne quantité de sapins mâles, dont la gomme, ou le benjoin, a l’odeur de la muscade, & celle de l’herbe que les Anglois appellent léopards-bane, dont la racine ressemble a un scorpion. Du haut de la montagne on découvre les plaines de la Livadie au nord ; directement à l’est on voit le mont Delphi d’Egripo, & une autre montagne de la même île à l’est-nord-est. En laissant le chemin de San Georgio, & tournant à main gauche, on descend dans une plaine qui se trouve entre le mont Zagara & une autre petite montagne, dont l’extrémité orientale n’est pas éloignée. Elle s’appelloit anciennement Laphytius de ce côté là, & du côté de l’occident on lui donnoit le nom de Telphysium.

En descendant de la montagne de Zagara, on trouve du côté qui regarde Livadia, quelques fontaines, qui sortent de terre, & dont il y en a qui se rendent dans la plaine de Livadie, & dans le lac où elles se perdent, tandis que d’autres se rassemblent dans une riviere de la vallée. Il y en a une qui fait une belle cascade presque du haut de la montagne, & qui sort apparemment du lac, qui est sur le haut du mont Zagara. Il croît quantité de narcisses sur le bord de cette riviere : ils ont une odeur agréable, & multiplient extrèmement. (D. J.)