L’Encyclopédie/1re édition/VULTURIUS

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VULTURIUS, s. m. (Mytholog.) surnom donné à Apollon, suivant Conon, narrat. 35. Voici l’histoire qui y donna lieu.

Deux bergers ayant mené paître leurs troupeaux sur le mont Lyssus, près d’Ephèse, ils apperçurent un essein de mouches à miel qui sortoit d’une caverne fort profonde, & ou il n’y avoit pas moyen d’entrer ; aussitôt l’un d’eux imagine de se mettre dans un grand manequin, d’y attacher une corde, & de se faire descendre dans la caverne par son camarade. Quand il fut au bas il trouva le miel qu’il cherchoit, & beaucoup d’or qu’il ne cherchoit pas : il en remplit jusqu’à trois fois son manequin que l’autre tiroit à mesure. Ce trésor épuisé il cria à son camarade qu’il alloit se remettre dans le manequin, & qu’il eût à bien tenir la corde ; mais un moment après il lui vint à l’esprit que l’autre berger pour jouir tout seul de leur fortune, pourroit bien lui jouer un mauvais tour : dans cette pensée, il charge le panier de grosses pierres : en effet, l’autre berger ayant tiré le panier jusqu’en haut, croyant que son camarade est dedans, lâche la corde, & laisse retomber le panier au fond du précipice, après quoi il enfouit tranquillement son trésor, fait courir le bruit que le berger a quitté le pays, & invente des raisons qui le font croire.

Pendant ce tems-là son pauvre compagnon étoit fort en peine, nulle espérance de pouvoir sortir de la caverne : il alloit périr de faim lorsqu’étant endormi, il crut voir en songe Apollon qui lui disoit de prendre une pierre aiguë, de s’en déchiqueter le corps, & de démeurer tout étendu sans remuer, ce qu’il fit. Des vautours attirés par l’odeur du sang, fondent sur lui comme sur une proie, & font tant de leur bec & de leurs ongles, qu’ils l’élevent en l’air, & le portent dans un prochain vallon.

Ce berger ainsi sauvé comme par miracle, va d’abord porter sa plainte devant le juge ; il accuse son compagnon non-seulement de l’avoir volé, mais d’avoir voulu lui ôter la vie : on cherche le malfaiteur, on le prend : atteint & convaincu, il subit la peine qu’il méritoit : on l’oblige à découvrir le lieu où il avoit caché son trésor : on en consacre la moitié à Apollon & à Diane, l’autre moitié on la donne au bon berger, qui par-là devenu riche, érige un autel à Apollon sur le sommet du mont Lyssus, & en mémoire d’un évènement si extraordinaire, le Dieu fut surnommé Vulturius. Voila une fable mythologique bien longue ; c’est un conte de fée bon pour occuper un moraliste. (D. J.)