L’Encyclopédie/1re édition/VIERGE

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VIERGE, s. f. (Gramm.) fille qui n’a jamais eu commerce avec aucun homme, & qui a conservé la fleur de sa virginité. Voyez Virginité.

Vierge chez les Hébreux, (Critiq. sacrée.) le mot hébreu signifie une personne cachée, parce que les filles qui n’étoient pas mariées, demeuroient dans des appartemens séparés & ne sortoient que voilées, sans paroître jamais à découvert, excepté devant leurs proches parens ; c’est l’usage de tous les pays orientaux. C’étoit chez les juifs une espece d’opprobre pour une fille, de n’être pas mariée, de-là vient que la fille de Jephté va pleurer sa virginité sur les montagnes. Juges, xj. 37.

Il ne faut pas croire que dans le nouveau Testament, les Apôtres ayent élevé l’état du célibat des filles au-dessus de celui de leur mariage. Quand S. Paul dit, 1. Cor. vij. 38. que celui qui marie sa fille fait bien, mais que celui qui ne la marie point fait mieux ; c’est que, suivant la remarque d’Epiphane, comme il y avoit dans ce tems là peu de chrétiens, & tous fort pauvres, il étoit encore plus à-propos de garder sa fille, que de la marier à un payen ou à un juif ; cependant, ajoute l’apôtre, si le pere craint encore d’être deshonoré par sa fille, en la laissant venir dans un âge avancé sans la marier, qu’il la marie, à celui qui se présentera. Epiph. hæres. c. ixj. p. 510. (D. J.)

Vierge chez les premiers chrétiens, (Critiq. sacrée.) παρθένος ; le célibat auquel une vierge se dévoue, commença de prendre faveur dès le second siecle. Les chrétiens se glorifioient déja d’avoir plusieurs hommes & filles qui professoient la continence. Les faux actes de Paul & de Thecle qui couroient alors, y contribuerent beaucoup. Il paroît par le livre de Tertullien, de velandis virginibus, que de son tems les filles faisoient déja vœu de chasteté ; elles n’étoient pas enfermées dans des maisons, cette précaution n’est venue que dans la suite des tems ; mais elles ne portoient point de voile, & tandis que les femmes mariées ne paroissoient jamais en public sans voile, les filles avoient droit, & ne manquoient pas de paroître dans les temples & ailleurs le visage découvert. Elles étoient installées dans la profession de vierges par une espece de consécration. On les produisoit à l’église ; & là en présence des fidèles, elles déclaroient leur dessein ; alors l’évêque instruisoit toute l’assemblée, qu’une telle fille se dévouoit à demeurer vierge le reste de sa vie. On les combloit pour cette action, d’honneurs & de bienfaits.

Cependant le sévere Tertullien ne fait pas trop l’éloge de ces vierges de son tems ; il les représente beaucoup moins modestes que les femmes mariées. Non seulement elles se montroient en public sans voile, mais extrèmement ajustées & parées, se donnant tout le soin possible d’étaler leur beauté, mieux coëffées, mieux chaussées qu’aucune femme, consultant soigneusement leur miroir, usant du bain pour être encore plus propres. Ce pere de l’Eglise va même jusqu’à soupçonner qu’elles mettoient du fard ; nous devons citer ici ses propres paroles : Vertunt capillum, & in acu lasciviore comam sibi inferunt, crinibus à fronte divisis.... Jam & concilium formæ à speculo petunt, & faciem morosiorem lavacro macerant, forsitan & aliquo eam medicamine interpolant, pallium intrinsecus jactant, calceum stipant multiformem, plus instrumenti ad balnea deferunt, cap. xij. de velandis virginibus. Nos religieuses ne connoissent point cet attirail de luxe : elles sont pauvres, cloîtrées, & trop souvent forcées à faire des vœux malgré elles. (D. J.)

Vierge sainte, la, (Hist. & critiq. sacrée.) c’est ainsi qu’on nomme par excellence la mere de Notre-Seigneur. Les hommes naturellement cherchent toujours à joindre aux idées spirituelles de leur culte, des idées sensibles qui les flattent, & qui bientôt après étouffent les premieres. Voilà l’origine du culte de la sainte Vierge. Lorsque le peuple d’Ephese eut appris que les peres du concile avoient décidé, qu’on pouvoit appeller la Ste Vierge, mere de Dieu, il fut transporté de joie, il baisoit les mains des évêques, il embrassoit leurs genoux ; tout retentissoit d’acclamations ; toutes les meres étoient comblées d’aise. Tel est l’effet du penchant naturel des peuples pour les choses sensibles qui entrent dans ses dévotions. Le titre de mere de Dieu, qu’on donna la premiere fois dans ce concile à la Ste Vierge, étoit une relation qui s’accommodoit aux idées grossieres dont ils étoient remplis. Aussi dès-lors on rendit des hommages singuliers à la mere de Dieu ; toutes les aumônes étoient pour elle, & dans certains tems Jesus-Christ notre rédempteur n’avoit aucune offrande.

En France, pays plus éclairé que l’Espagne, il y a six églises métropolitaines & trente-trois cathédrales, dediées à la mere de Dieu. Chaque roi à son avénement à la couronne, fait présent à Notre-Dame de Boulogne sur mer, d’un cœur d’or, valant 6 mille livres. Louis XIII. en 1638 consacra sa personne, sa famille royale & son royaume à la Ste Vierge, par un vœu dont il ordonna la publication dans toute la France. Le chœur de Notre-Dame de Paris achevé par Louis XIV. est l’effet de ce vœu solemnel ; enfin, c’est à ce culte, que sont dûes tant de processions solemnelles en l’honneur de la mere de Dieu, & où assistent les corps les plus illustres des villes où elles se font. (D. J.)

Vierge sainte, (Peint.) tous les Peintres se sont exercé à l’envie à faire des tableaux de la Ste Vierge ; & plusieurs d’eux ont pris leurs maîtresses pour modele. Raphaël qu’on doit mettre de ce nombre, a perfectionné la nature, en peignant une multitude de Vierges, qui sont d’une beauté admirable ; mais son chef-d’œuvre, au jugement de tous les connoisseurs, est celui du palais Chigi, représentant la Ste Vierge, tenant l’enfant Jésus par la main, & Joseph qui s’approche pour le baiser. (D. J.)

Vierge, (Astronomie.) nom d’une constellation d’un des signes du zodiaque dans lequel le soleil entre au commencement d’Août.

Les étoiles de la constellation de la Vierge, suivant le catalogue de Ptolomée, sont au nombre de 32, suivant celui de Tycho de 39, & suivant le catalogue britannique, de 89.

Vierge, la, (Mythol.) ce signe du zodiaque où le soleil entre au mois de Septembre, est chez les poëtes, la maison de Mercure. Hésiode disoit que la Vierge étoit fille de Jupiter & de Thétis ; Aratus la prétendoit fille d’Astrée & de l’Aurore. Hygin soutient que c’est Erigone fille d’Icare, & d’autres que c’est Cérès. (D. J.)

Vierge, la, (Iconolog.) les uns ont cru qu’elle étoit Cérès, Manilius dit Isis, la même que la Cérés des Grecs ou Erigone. D’autres auteurs ont pensé que la Vierge étoit déesse de la justice. Les orientaux donnent aussi à ce signe le nom de la Vierge ; les Arabes l’appellent Eladari, qui signifie une vierge ; les Persans la nomment secdeidos de darzama qu’on traduit par virgo munda puella.

Sur les monumens anciens & modernes, la Vierge tient tantôt un épi, & tantôt une balance ; quelquefois elle est représentée avec les attributs de la paix, portant d’une main une branche d’olivier, & de l’autre un caducée.

On ne connoît presque qu’une pierre gravée du cabinet du roi, & un camée du cabinet de M. le duc d’Orléans, où la Vierge soit représentée avec la licorne. C’étoit une opinion presque générale que la licorne naturellement sauvage & féroce ne pouvoit être prise que par une fille vierge. La licorne que les naturalistes modernes regardent comme un animal fabuleux, étoit représentée par les anciens comme le symbole de la pureté, & c’est d’après une ancienne tradition sans doute, que la Vierge, signe du zodiaque, a été représentée sur quelques monumens sous l’image d’une fille qui prend une licorne. (D. J.)

Vierge salienne, (Antiq. rom.) prêtresse de la suite des Saliens ; ces sortes de femmes portoient des especes d’habits de guerre avec des bonnets élevés comme les Saliens, & les aidoient dans leurs sacrifices. Voyez Rosinus, l. III. c. vj.

Vierge, île des, (Géog. mod.) c’est un amas de petites îles & de rochers situés en Amérique, dans la partie du nord-ouest & du nord-ouest quart de nord des îles Antilles, à l’orient de celle de S. Jean de Portorico ; les principales sont S. Thomas, S. Jean, Paneston ou la grande Vierge, Anegade, Sombrero & plusieurs autres. Voyez S. Thomas, Sombrero & l’épithete Saint ou Sainte. Les passages qui se trouvent entre ces îles servent de débouquement aux vaisseaux qui retournent des Antilles en Europe, lorsqu’étant contrariés par les vents & les courans, ils ne peuvent débouquer entre Nieves & Mont-Serate.

On ne croit pas hors de propos d’avertir ici que le mot débouquer s’emploie dans ces parages pour dire franchir un détroit, & s’éloigner des terres, afin de pouvoir cingler en haute-mer. Sur les côtes d’Europe on dit décaper, se mettre au large des caps.