L’Encyclopédie/1re édition/VERSION

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VERSION, s. f. (Gram.) interprétation littérale de quelque ouvrage.

Versions de l’Ecriture, (Critiq. sacrée.) on peut distinguer les versions de l’écriture en langues mortes & vivantes.

Quant aux langues mortes, on a dejà parlé dans cet ouvrage au mot Bible, des versions arabes, arméniennes, chaldaïques, éthiopiennes, gothiques, hébraïques & persanes. On a indiqué sous le même mot les éditions greques & latines.

On a parlé des polyglottes au mot Polyglotte ; quant à ce qui concerne le travail d’Origene, on en a traité au mot Origene Héxaples, & de celui de S. Jérôme au mot Vulgate.

Pour les versions greques en particulier, voyez Versions greques & Septante.

Pour la version syriaque, voyez Version syriaque.

Pour la version samaritaine, voyez Pentateuque samaritain, & Samaritains Caracteres .

Pour les paraphrases chaldaïques, voyez Targum.

Quant aux traductions de l’Ecriture en langues vivantes, elles ne doivent pas beaucoup nous arrêter, parce qu’elles changent perpétuellement avec le langage.

Luther est le premier qui ait fait une version de l’Ecriture en allemand sur l’hébreu ; ensuite Gaspard Ulenberg en mit au jour une nouvelle pour les catholiques, à Cologne en 1630.

Les Anglois avoient une version de l’Ecriture en anglo-saxon, dès le commencement du huitieme siecle. Wicles en fit une seconde, ensuite Tindal & Coverdal, en 1526 & 1536.

La plus ancienne traduction françoise de la bible est celle de Guiars de Moulins, chanoine ; elle est de l’an 1294, & a été imprimée en 1498.

La premiere version italienne est de Nicolas Malhermi, faite sur la vulgate, & mise au jour en 1471.

Les Danois ont une version de l’Ecriture dans leur langue en 1524. Celle des Suédois fut faite par Laurent Petri, archevêque d’Upsal, & parut à Holm en 1646.

Mais-ceux qui voudront connoître à fond tout ce qui concerne les versions de l’Ecriture, ne manqueront pas de secours.

Ils peuvent donc consulter R. Elias Levita ; épiphanes de ponder. & mensur. Hieronimi commentaria : Antonius. Carassa ; Kortholdus de variis bibliot. edit. & Lambert Roi. Parmi les françois, le P. Morin, exercit. biblicæ ; Dupin, bibliotheq. des aut. eccles. Simon, hist. du vieux & du nouveau Testament ; Calmet, dict. de la bible ; & Lelong, bible sacrée ; enfin on trouvera à puiser chez les Anglois des instructions encore plus profondes, en lisant Usserius, Pocock, Péarson, Prideaux, Grabe, Wower, de græc. & latin. bibliot. interpret. Mill. in N. T. Waltoni prolegomena, Hodius de textib. biblior. Origen. &c. (D. J.)

Versions greques du v. T. (Critiq. sacrée.) on en distingue quatre : celle des septante, d’Aquila, de Théodotion & de Symmaque. Pour ce qui regarde celle des septante, la meilleure de toutes & la plus ancienne, nous en avons fait un article à part. Voyez Septante.

Nous remarquerons seulement ici, qu’à mesure que cette version gagnoit du crédit parmi les chrétiens, elle en perdoit parmi les juifs, qui songerent à en faire une nouvelle qui leur fût plus favorable. Celui qui s’en chargea fut Aquila, juif prosélyte, natif de Sinope ville du Pont. Il avoit été élevé dans le paganisme, & dans les chimeres de la magie & de l’astrologie. Frappé des miracles que faisoient de son tems les chrétiens, il embrassa le christianisme, par le même motif que Simon le magicien, dans l’espérance de parvenir à en faire aussi ; mais voyant qu’il n’y réussissoit pas, il reprit la magie & l’astrologie, afin de passer à son tour pour un grand homme. Ceux qui gouvernoient l’église, lui remontrerent sa faute ; mais il ne voulut pas se rendre à leurs remontrances : on l’excommunia. Là-dessus il prit feu, & renonçant au christianisme, il embrassa le judaïsme, fut circoncis, & alla étudier sous le rabin Akiba, le plus fameux docteur de la loi de ce tems-là ; il fit de si grands progrès dans la langue hébraïque & dans la connoissance des livres sacrés, qu’on le trouva capable d’exécuter la version de l’Ecriture ; il l’entreprit effectivement, & en donna deux éditions.

La premiere parut la 12e année de l’empire d’Adrien, l’an de J. C. 128. Ensuite il la retoucha, & publia sa seconde édition qui étoit plus correcte. Ce fut cette derniere que les juifs hellénistes reçurent ; & ils s’en servirent par-tout dans la suite, au-lieu de celle des septante. De-là vient qu’il est souvent parlé de cette version dans le talmud, & jamais de celle des septante.

Ensuite on s’alla mettre en tête, qu’il ne falloit plus lire l’Ecriture dans les synagogues, que conformément à l’ancien usage, c’est-à-dire, l’hébreu premierement, & puis l’explication en chaldéen ; & l’on allégua les decrets des docteurs en faveur de cet usage. Mais comme il n’étoit pas aisé de ramener les juifs hellénistes à des langues qu’ils n’entendoient point, après avoir eu si longtems l’Ecriture dans une langue qui leur étoit en quelque maniere naturelle.

Cette affaire causa tant de fracas, que les empereurs furent obligés de s’en mêler. Justinien publia une ordonnance, qui se trouve encore parmi les nouvelles constitutions, portant permission aux juifs de lire l’Ecriture dans leurs synagogues dans la version greque des septante, dans celle d’Aquila, ou dans quelle autre langue il leur plairoit, selon les pays de leur demeure. Mais les docteurs juifs ayant réglé la chose autrement, l’ordonnance de l’empereur ne servit de rien, ou de fort peu de chose ; car bientôt après les septante & Aquila furent abandonnés, & depuis ce tems là, la lecture de l’Ecriture s’est toujours faite dans leurs assemblées en hébreu & en chaldéen.

Peu de tems après Aquila, il parut deux autres versions du vieux Testament : l’une par Théodotion, qui florissoit sous l’empereur Commode, & la seconde par Symmaque qui vivoit sous Severe & Caracalla. Le premier, selon quelques-uns, étoit de Sinope dans le Pont, & selon d’autres d’Ephese. Ceux qui tâchent de concilier ces contradictions, prétendent qu’il étoit né dans la premiere de ces villes, & qu’il demeuroit dans la seconde.

Pour Symmaque, il étoit samaritain, & avoit été élevé dans cette secte ; mais il se fit chrétien de la secte des Ebionites, & Théodotion l’ayant été aussi, on a dit de tous deux qu’ils étoient prosélytes juifs. Car les Ebionites approchoient de la religion des juifs, & se croyoient toujours obligés de garder la loi de Moïse ; de sorte qu’ils se faisoient circoncire, & observoient toutes les autres cérémonies de la religion judaïque. Aussi les chrétiens orthodoxes leur donnoient ordinairement le nom de juifs. De-là vient que les deux traducteurs dont il s’agit, sont quelquefois traités de juifs par les anciens auteurs ecclésiastiques, mais ils n’étoient qu’ébionites.

L’un & l’autre entreprit la version par le même motif qu’Aquila, c’est-à-dire, tous les trois pour corrompre le vieux Testament, Aquila en faveur des juifs, & les deux autres en faveur de leur secte. Tous trois s’accordent parfaitement à donner au texte le tour qu’il leur plait, & à lui faire dire ce qu’ils veulent pour les fins qu’ils se proposent. On ne convient pas tout-à-fait laquelle de ces deux versions fut faite avant l’autre. Dans les héxaples d’Origene, celle de Symmachus est placée la premiere, d’où quelques-uns concluent qu’elle est la plus ancienne. Mais si cette maniere de raisonner étoit concluante, on prouveroit aussi par-là que sa version & celle d’Aquila étoient toutes deux plus anciennes que celle des septante ; car elles sont toutes deux rangées avant celle-ci dans l’ordre des colonnes. Irénée cite Aquila & Théodotion, & ne dit rien de Symmachus ; ce qui paroît prouver qu’elle n’existoit pas de son tems.

Ces trois traducteurs ont pris des routes différentes. Aquila s’attachoit servilement à la lettre, & rendoit mot à mot autant qu’il pouvoit, soit que le génie de la langue dans laquelle il traduisoit, ou le sens du texte le souffrissent, ou ne le souffrissent pas. Delà vient qu’on a dit de cette version que c’étoit plutôt un bon dictionnaire, pour trouver la signification d’un mot hébreu, qu’une explication qui découvre le sens du texte. Aussi S. Jérome le loue souvent pour le premier, & le blâme pour le moins aussi souvent pour le second.

Symmachus prit la route opposée, & donna dans l’autre extrémité ; il ne songeoit qu’à exprimer ce qu’il regardoit comme le sens du texte, sans avoir aucun égard aux mots ; & ainsi il fit plutôt une paraphrase qu’une version exacte.

Théodotion prit le milieu, & ne se rendit pas esclave des mots, ni ne s’en écarta par trop non plus. Il tâchoit de donner le sens du texte par des mots grecs qui répondissent aux hébreux, autant que le génie des deux langues le lui permettoit. C’est, à mon avis, ce qui a fait croire à quelques savans, qu’il avoit vécu après les deux autres ; parce qu’il évite les deux défauts dans lesquels ils étoient tombés. Mais pour cela il n’est pas besoin qu’il les ait vûs, le bon sens seul peut lui avoir donné cette idée juste d’une bonne version. La sienne a été la plus estimée de tout le monde, hormis des juifs qui s’en sont toujours tenus à celle d’Aquila, tant qu’ils se sont servis d’une version greque.

Cette estime fit que quand les anciens chrétiens s’apperçurent que la version de Daniel des septante étoit trop pleine de fautes pour s’en servir dans l’église, ils adopterent pour ce livre celle de Théodotion ; & elle y est toujours demeurée. Et par la même raison, quand Origene dans son héxaple est obligé de suppléer ce qui manque aux septante, qui se trouve dans l’original hébreu, il le prend ordinairement de la version de Théodotion. Le même Origene l’a mise dans sa tétraple, avec la version d’Aquila, celle de Symmaque & les septante. (Le chevalier de Jaucourt.)

Version syriaque de l’Ecriture, (Critique sacrée.) c’est une des versions orientales des plus précieuses de l’Ecriture sainte : ce qui m’engage de lui donner un article particulier.

Cette version fut faite ou du tems même des apôtres, ou fort peu de tems après, pour les églises de Syrie où elle est encore en usage, ainsi qu’une seconde version syriaque faite environ six cens ans après la premiere.

Les Maronites & les autres chrétiens de Syrie vantent beaucoup l’antiquité de la vieille ; ils prétendent qu’une partie a été faite par ordre de Salomon, pour Hiram, roi de Tyr, & le reste qui contient tous les livres écrits depuis Salomon, par ordre d’Abgar, roi d’Edesse, qui vivoit du tems de notre Seigneur. La principale preuve qu’ils en donnent, c’est que S. Paul dans le iv. chapitre de son épître aux Ephésiens, v. 8, en citant un passage du ps. 68. 18, ne le cite pas selon la version des septante ni selon l’hébreu ; mais selon la version syriaque ; car c’est la seule où il se trouve comme il le cite. Par conséquent, disent-ils, cette version étoit faite avant lui. Les termes de ce passage, tels que S. Paul les cite, sont : il a mené captive une grande multitude de captifs, & il a donné des dons aux hommes. Cette derniere partie n’est ni selon les septante ni selon l’hébreu, mais seulement selon la version syriaque ; car selon les deux premieres, S. Paul eût dit : & il a reçu des présens ou des dons pour les hommes. Il ne se trouve dans le pseaume, comme S. Paul le cite, que dans la version syriaque.

Il est bien certain que cette version est fort ancienne, comme Pocock l’a prouvé dans la préface de son commentaire sur Michée. Il y a même beaucoup d’apparence qu’elle est faite dans le premier siecle, & que son auteur est un chrétien, juif de nation, qui savoit très-bien les deux langues ; car elle est fort exacte, & rend avec plus de justesse le sens de l’original, qu’aucune autre qui se soit jamais faite du nouveau Testament avant la restauration des lettres dans ces derniers siecles. Ainsi comme c’est la plus ancienne de toutes, excepté les septante & la paraphrase chaldaïque d’Onkélos sur la loi, & celle de Jonathan sur les prophetes, c’est aussi la meilleure de toutes celles des anciens, en quelque langue que ce soit. Ce dernier éloge lui convient même aussi bien pour le nouveau Testament que pour le vieux.

C’est pourquoi de toutes les anciennes versions que consultent les Chrétiens pour bien entendre l’Ecriture du vieux ou du nouveau Testament, il n’y en a point dont on tire tant de secours que de cette vieille version syriaque, quand on la consulte avec soin, & qu’on l’entend bien. Le génie de la langue y contribue beaucoup ; car comme c’étoit la langue maternelle de ceux qui ont écrit le nouveau Testament, & une dialecte de celle dans laquelle le vieux nous a été donné ; il y a quantité de choses dans l’un & dans l’autre, qui sont plus heureusement exprimées dans cette version, qu’elles ne le sauroient être en aucune autre. (D. J.)

Version angloise de la Bible, (Hist. des versions de la Bible.) elle fut faite au commencement du regne de Jacques I. & par ses ordres. Il écrivit à ce sujet une lettre en date du 22 Juillet de la seconde année de son regne, au docteur Whitgift, archevêque de Cantorbery, pour encourager & avancer cette traduction.

Il informe ce prélat qu’il a nommé cinquante-quatre habiles gens pour cet ouvrage, parmi lesquels il remarque qu’il y en a plusieurs qui ne possedent point du tout de bénéfices, ou qui n’en possedent que de très-petits, qui sont, dit sa majesté, fort au-dessous de leur mérite, à quoi nous-mêmes ne sommes pas en état de remédier dans l’occasion. Il charge donc l’archevêque d’écrire en son nom, tant à l’archevêque d’Yorck, qu’aux évêques de la province de Cantorbery, que lorsqu’il viendra à vaquer quelque prébende ou cure marquées dans le livre des taxes, l’une & l’autre de vingt livres sterlings au-moins, soit à leur nomination ou de quelqu’autre personne quelle qu’elle soit, ils n’y admettront aucun sujet, « sans nous informer, dit-il, de la vacance ou du nom du patron (si le bénéfice n’est pas à leur nomination), afin que nous puissions recommander tel habile homme que nous jugerons digne d’en être pourvu . . . . Ayant nous-mêmes pris les mesures pour les prébendes & bénéfices qui sont à notre disposition ».

Le roi charge aussi ce prélat d’engager tous les évêques à s’informer eux-mêmes quels sont les habiles gens qui se trouvent dans leurs diocèses, surtout ceux qui sont particulierement versés dans les langues hébraïque & grecque, & qui ont fait une étude particuliere de l’Ecriture-sainte, soit pour éclaircir ce qu’il y a d’obscur dans les expressions de l’original hébreu ou grec, soit pour lever les difficultés ou corriger les fautes de l’ancienne version angloise, « que nous avons, dit-il, donné ordre d’examiner à fond & de corriger. Nous souhaitons qu’on leur écrive, & qu’on les charge très expressément, en leur faisant connoître notre volonté, qu’ils envoyent leurs observations de ce genre à M. Pivelie, notre professeur en hébreu à Cambridge, ou au docteur Harding, notre professeur en hébreu à Oxford, ou au docteur Andrews, doyen de Westminster, pour les communiquer à leurs confreres, afin que de cette maniere on ait le secours des lumieres de tous les savans qui se trouvent dans l’étendue de notre royaume, pour la version que nous avons projettée ».

Le docteur Fuller nous apprend que le roi prit soin de recommander aux traducteurs d’observer les regles suivantes : 1°. de suivre & de changer aussi peu que l’original le permettoit, la bible qu’on lisoit ordinairement dans les églises, appellée communément la bible des évêques ; 2°. de conserver les anciens termes ecclésiastiques, comme celui de l’église, & de ne le point rendre par celui d’assemblée, &c. 2°. de retenir les noms des prophetes, des écrivains sacrés, & les autres qui sont dans l’Ecriture, le plus qu’il se pourroit selon l’usage vulgaire ; 4°. lorsqu’un mot auroit diverses significations, de suivre celle que les plus illustres peres y ont donnée, lorsqu’elle s’accorderoit avec le sens du passage & avec l’analogie de la foi ; 5°. de ne changer la division des chapitres que le moins qu’il se pourroit, & lorsque la nécessité le demanderoit ; 6°. de ne point faire de notes marginales, sinon pour expliquer les mots hébreux ou grecs, qu’on ne pourroit exprimer dans le texte que par une circonlocution ; 7°. de mettre en marge les renvois nécessaires aux autres endroits de l’Ecriture ; 8°. que tous les membres d’une des compagnies travaillassent sur le même ou sur les mêmes chapitres, & qu’après les avoir mis chacun en particulier dans le meilleur état qu’il leur seroit possible, ils confrontassent leur travail, pour décider ce qu’ils jugeroient devoir conserver ; 9°. qu’après qu’une des compagnies auroit ainsi achevé un livre, elle l’envoyât aux autres pour être mûrement examiné, sa majesté souhaitant qu’on y regardât de près ; 10°. que si dans cette révision il se trouvoit quelque chose sur quoi les examinateurs doutassent, ou fussent d’un avis différent des traducteurs, ils en informassent ceux-ci, en leur indiquant le passage & les raisons de leur avis : que s’ils ne pouvoient s’accorder, la décision seroit renvoyée à l’assemblée générale qui se tiendroit à la fin de l’ouvrage, composée des principaux de chaque compagnie ; 11°. que lorsqu’on douteroit du sens de quelque passage obscur, on écriroit expressément à quelque habile homme à la campagne pour en avoir son avis ; 12°. que chaque évêque écriroit à son clergé pour l’informer de cet ouvrage, & pour enjoindre à ceux qui seroient versés dans les langues, & qui auroient travaillé en ce genre, d’envoyer leurs observations à Westminster, à Cambridge ou à Oxford ; 13°. que les présidens de Westminster seroient le doyen & celui de Chester : & dans les deux universités, les professeurs royaux en hébreu & en grec ; 14°. qu’on se serviroit des versions de Tindal, de Matthieu, de Coverdale, de Whitchurch & de Genève, lorsqu’elles seroient plus conformes à l’original que la bible des évêques.

Outre cela pour faire d’autant mieux observer la quatrieme regle, le vice-chancelier de chacune des universités devoit nommer, de l’avis des chefs, trois ou quatre des plus anciens & des plus graves théologiens, de ceux qui n’avoient point de part à la traduction, pour être réviseurs de ce qui seroit traduit tant de l’hébreu que du grec.

L’ouvrage fut achevé au bout de quatre ans, & on envoya trois copies de toute la bible de Cambridge, Oxford & Westminster, à Londres, après quoi six nouveaux commissaires revirent toute la besogne, avant que de la mettre sous presse. (D. J.)

Version du vieux Testament en espagnol, (Hist. crit. ecclés.) version faite de l’hébreu en espagnol dans le seizieme siecle par Abraham Usque, juif portugais, & non chrétien, comme M. Arnauld se l’étoit persuadé.

Cette version a été imprimée pour la premiere fois à Ferrare en 1553. Elle répond tellement mot pour mot au texte hébreu, qu’on a de la peine à l’entendre, outre qu’elle est écrite dans un vieil espagnol, qu’on ne parloit que dans les synagogues.

L’auteur de la préface assure qu’on a suivi, autant qu’il a été possible, la version de Pagnin & son dictionnaire ; mais le p. Simon croit qu’il n’a parlé de cette maniere que pour empêcher les inquisiteurs de traiter cette version comme hérétique.

Il y a de l’apparence qu’Abraham Usque aura fait usage de quelques anciennes gloses de juifs espagnols : ce qui rend sa traduction entierement barbare & inintelligible.

Le compilateur (car ce n’est qu’une espece de compilation) étoit tellement persuadé de la difficulté qu’il y avoit à traduire l’Ecriture-sainte, qu’il a cru être obligé de marquer avec des étoiles un grand nombre de passages où le sens lui paroissoit douteux & incertain. Mais ceux qui ont fait réimprimer cette version en l’an 1630 avec quelques corrections, ont retranché la meilleure partie de ces étoiles, au lieu qu’on les devoit plutôt augmenter.

Cette traduction ne peut être utile qu’à des juifs espagnols, si ce n’est qu’on s’en veuille servir comme d’un dictionnaire, pour traduire à la lettre les mots hébreux. Elle peut même servir de grammaire, parce que les noms & les verbes y sont aussi traduits selon la rigueur grammaticale.

Le traducteur n’est pas néanmoins parvenu à cette grande exactitude qu’il s’étoit proposée, & il ne paroît pas avoir toujours bien rencontré dans le choix des rabbins qu’il suit ; car il a laissé plusieurs endroits que l’on pourroit traduire encore plus exactement, tant selon le sens que selon la grammaire. Il s’attache tantôt à la paraphrase chaldaïque, tantôt à Kimhi ou à Rasci, tantôt à Aben-Ezra ou à quelque autre rabbin ; mais il ne le fait pas avec discernement. Ajoutez que cette grande exactitude grammaticale ne s’accorde pas toujours avec le sens, il ne l’a pas même attrappée ; car il l’a retranché en divers passages, & par-là il a entierement bouleversé le sens de ces passages. (D. J.)