L’Encyclopédie/1re édition/VENDOMOIS

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VENDOMOIS, (Géog. mod.) petit pays de France, borné au nord par le Perche, au midi par la Touraine, au levant par le Blaisois, & au couchant par le Maine. On le divise en haut & en bas Vendômois. Le haut comprend Vendôme, capitale, & quarante-six paroisses.

L’ancien nom de Vendômois étoit Vendocinum ; il faisoit dès le tems de Charles-le-chauve, un pays séparé qu’on nommoit pagus Vendocinus ; il étoit ci-devant de l’évêché de Chartres ; mais aujourd’hui il est de l’évêché de Blois. Ce pays a eu dès la fin du dixieme siecle ses comtes héréditaires qui devinrent aussi comtes de Castres en Languedoc.

C’est d’eux que descendoit Charles de Bourbon, créé duc de Vendôme par François I. Antoine de Bourbon, fils de Charles, épousa l’héritiere de Navarre, & laissa son fils unique Henri IV. qui fut premierement roi de Navarre & ensuite roi de France. Ce prince donna le duché de Vendôme son ancien patrimoine, à César son fils naturel, qu’il avoit eu de Gabrielle d’Estrée. César épousa Françoise de Lorraine en 1609, & laissa le duché de Vendôme à Louis son fils. Louis épousa en 1652 Victoire Mancini, niece du cardinal Mazarin, de laquelle il eut Louis Joseph duc de Vendôme, marié en 1710 avec Marie Anne de Bourbon-Condé, & mort en Catalogne en 1712, sans laisser de postérité.

Ronsard (Pierre de) poëte françois du xvj. siecle, naquit dans le Vendômois en 1525. Il devint page du duc d’Orléans, & ayant passé au service de Jacques Stuart, roi d’Ecosse, il demeura deux ans dans ce royaume. De retour en France il se livra tout entier à la poésie, & y acquit une réputation extraordinaire. Les rois Henri II. François II. Charles IX. & Henri III. le comblerent de faveurs. Marie Stuart lui fit présent d’un buffet fort riche, où étoit un vase en forme de rosier, représentant le Parnasse & un Pégase au-dessus, avec cette inscription : à Ronsard l’Apollon de la source des muses.

La ville de Toulouse lui envoya une Minerve d’argent massif pour le premier prix des jeux floraux qu’elle lui décerna, & le présent fut accompagné d’un decret qui déclaroit Ronsard le poëte françois par excellence. On peut juger par tous ces faits de la grande réputation dont jouissoit ce poëte. Il mourut en 1585, âgé de 60 ans. Du Perron qui fut depuis cardinal, prononça son oraison funebre.

Ronsard avoit véritablement la sorte de génie qui fait le poëte. Il y joignoit une érudition assez vaste. Il s’étoit familiarisé avec les anciens, & sur-tout avec les poëtes grecs, dont il savoit la langue. Mais le manque de goût de son siecle, & le peu qu’il en avoit lui-même, au lieu de perfectionner en lui la nature, ne firent que la corrompre. Imitateur servile des Grecs qu’il adoroit avec raison, il voulut enrichir notre langue de leurs dépouilles. Il remplit ses ouvrages d’allusions fréquentes à leurs histoires, à leurs fables, à leurs usages. Il admit dans ses vers le mélange de différens dialectes de nos provinces. Il habilla même à la françoise une quantité prodigieuse de termes grecs ; il en devint inintelligible. Ainsi malgré tous ses talens sa réputation ne lui survécut guere ; & depuis Malherbe ses ouvrages ne sont plus lus.

Il supprima dans son édition de 1585, un sonnet qu’il avoit fait en 1557, & que Binet, auteur de sa vie, a transformé en satyre contre Philibert de Lorme, ajoutant que cette satyre fut cause que l’architecte ferma la porte des tuileries au poëte. Quoique l’anecdote de Binet me paroisse une fable, je vais transcrire ici le sonnet dont il s’agit, d’autant mieux qu’il est peu connu.

Penses-tu, mon Aubert, que l’empire de France
Soit plus chéri du ciel que celui des Médois,
Que celui des Romains, que celui des Grégeois,
Qui sont de leur grandeur tombés en décadence ?
Notre empire mourra, imitant l’inconstance
De toute chose née, & mourront quelquefois
Nos vers & nos écrits, soit latins ou françois ;
Car rien d’humain ne fait à la mort résistance.
Ah, il vaudroit mieux être architecte ou maçon
Pour richement timbrer le haut d’un écusson
D’une crosse honorable, en lieu d’une truelle.
Mais de quoi sert l’honneur d’écrire tant de vers,
Puisqu’on n’en sent plus rien quand la parque cruelle,
Qui des muses n’a soin, nous a mis à l’envers.

(Le Chevalier de Jaucourt.)