L’Encyclopédie/1re édition/VAUCOULEURS

VAUCOULEURS, (Géog. mod.) petite ville de France, dans la Champagne, au Bassigny, sur le bord de la Meuse, à 5 lieues au couchant de Toul, à 8 au sud-ouest de Nanci, & à 65 au levant de Paris.

Comme la vue de ce lieu est belle, & qu’elle donne sur une vallée ornée de fleurs naturelles de toutes sortes de couleurs, la ville en a pris le nom de vallée des couleurs ou Vaucouleurs. Elle faisoit autrefois une petite souveraineté possédée par les princes de la maison de Lorraine ; mais à cause de l’importance de son passage, Philippe de Valois en fit l’acquisition de Jean de Joinville en 1335. On y voit une collégiale, un couvent de religieux, un monastere d’Annonciades & un prieuré.

Vaucouleurs est le siege d’une prevôté composée de vingt-deux paroisses qui sont du diocèse de Toul. Long. 23. 18. latit. 48. 31.

Le pays de Vaucouleurs est connu pour avoir donné la naissance dans le village de Domrémy, à cette fameuse fille appellée Jeanne d’Arc & surnommée la pucelle d’Orléans. C’étoit une servante d’hôtellerie, née au commencement du xv. siecle, « robuste, montant chevaux à poil, comme dit Monstrelet, & faisant autres apertises que filles n’ont point accoutumé de faire ». On la fit passer pour une bergere de 18 ans en 1429, & cependant par sa propre confession elle avoit alors 27 ans. On la mena à Chinon auprès de Charles VII. dont les affaires étoient réduites à un état déplorable, outre que les Anglois assiégeoient alors la ville d’Orléans. Jeanne dit au roi qu’elle est envoyée de Dieu pour faire lever le siege de cette ville, & ensuite le faire sacrer à Rheims. Un gentil-homme nommé Baudricourt avoit proposé au duc de Dunois d’employer cet expédient pour relever le courage de Charles VII. & Jeanne d’Arc se chargea de bien jouer son rôle de guerriere & d’inspirée.

Elle fut examinée par des femmes qui la trouverent vierge & sans tache.

Les docteurs de l’université & quelques conseillers du parlement ne balancerent pas à déclarer qu’elle avoit toutes les qualités qu’elle se donnoit ; soit qu’elle les trompât, soit qu’ils crussent eux-mêmes devoir entrer dans cet artifice politique : quoi qu’il en soit, cette fille guerriere conduite par des capitaines qui ont l’air d’être à ses ordres, parle aux soldats de la part de Dieu, se met à leur tête, leur inspire son courage, & bientôt après entre dans Orléans, dont elle fait lever le siege.

Les affaires de Charles VII. commencerent à prendre un meilleur train. Le comte de Richemont défit les Anglois à la bataille de Patay, où le fameux Talbot fut prisonnier. Louis III. roi de Sicile, fameux par sa valeur & par les inconstances de la fortune pour la maison d’Anjou, vint se joindre au roi son beau-frere. Auxerre, Troyes, Châlons, Soissons, Compiegne, &c. se rendirent à Charles VII. Rheims lui ouvre ses portes ; il est sacré, la pucelle assistant au sacre, en tenant l’étendart avec lequel elle avoit combattu.

L’année suivante elle se jette dans Compiegne que les Anglois assiégeoient ; elle est prise dans une sortie, & conduite à Rouen. Le duc de Bedford crut nécessaire de la flétrir pour ranimer ses Anglois. Elle avoit feint un miracle, le régent feignit de la croire sorciere ; on l’accusa d’hérésie, de magie, & on condamna en 1431 à périr par le feu, celle qui ayant sauvé son roi, auroit eu des autels dans les tems héroïques. Charles VII. en 1454 réhabilita sa mémoire assez honorée par son supplice même.

On sait qu’étant en prison elle fit à ses juges une réponse admirable. Interrogée pourquoi elle avoit osé assister au sacre de Charles avec son étendart, elle répondit : « il est juste que qui a eu part au travail, en ait à l’honneur ». Les magistrats n’étoient pas en droit de la juger, puisqu’elle étoit prisonniere de guerre ; mais en la condamnant à être brûlée comme hérétique & sorciere, ils commettoient une horrible barbarie, & étoient coupables de fanatisme, de superstition & d’ignorance. D’autres magistrats du dernier siecle ne furent pas moins coupables en condamnant en 1617 Léonora Galligaï, maréchale d’Ancre, à être décapitée & brûlée comme magicienne & sorciere, & elle fit à ses juges une aussi bonne réponse que Jeanne d’Arc.

On peut lire ici les mémoires de du Bellay, l’abbé Langlet, hist. de la pucelle d’Orléans, & la dissertation de M. Rapin dans le iv. volume de son histoire. Au reste Monstrelet est le seul auteur qui ait été contemporain de Jeanne d’Arc.

Delisle (Claude) naquit à Vaucouleurs en 1644, & mourut à Paris en 1720, à 76 ans. On a de lui quelques ouvrages, entr’autres une relation du voyage de Siam, & un abrégé de l’histoire universelle en sept vol. in-12 ; mais sa principale gloire est d’être le pere de Guillaume Delisle, un des plus grands géographes de l’Europe. (Le chevalier de Jaucourt.)