L’Encyclopédie/1re édition/TROCAR, ou TROISQUARTS

TROCAR, ou TROISQUARTS, s. m. instrument de Chirurgie, poinçon d’acier, long d’environ deux pouces & demi, exactement rond, emmanché par son extrémité postérieure dans une petite poignée faite en poire, terminé par l’extrémité antérieure en pointe triangulaire. C’est des trois angles tranchans qui forment la pointe de cet instrument qu’il tire son nom. Les auteurs latins le nomment acus triquetra. Voyez fig. 4. Pl. XXVI.

Le poinçon dont nous venons de parler, est renfermé dans une canule d’argent proportionnée à son volume. L’extrémité antérieure de la canule est ouverte non-seulement par le bout, mais encore par les côtés, pour donner une issue plus facile aux matieres liquides épanchées dans quelque capacité. Cette canule doit être taillée extérieurement en biseau, afin qu’elle s’adapte si juste au commencement de la pointe triangulaire du poinçon, qu’elle n’excede sa grosseur que le moins qu’il est possible. Par ce moyen le trocar armé de sa canule pénetre plus aisément les parties qu’il doit diviser, & cela épargne beaucoup de douleur au malade.

La partie postérieure de la canule est une plaque exactement ronde, dont la face postérieure est un peu cave, & l’antérieure un peu convexe. Voyez la fig. 3. Pl. XXVI. Cette plaque est percée de deux petits trous pour pouvoir passer des fils en anse, afin d’assujettir au besoin la canule par une ceinture circulaire.

M. Petit a perfectionné la construction de cet instrument. Il a fait alonger le pavillon de la canule en forme de cuillier, terminée en bec d’aiguiere, pour faciliter la sortie du fluide, & empêcher qu’il ne coule sur la peau. Voyez fig. 1 & 2. Pl. XXVI. Cet avantage seroit de petite considération, parce que les fluides épanchés forment une arcade en sortant de la canule, sur tout dans l’opération de la paracenthese ou ponction au ventre des hydropiques, voyez Paracenthese ; mais cet alongement a une utilité marquée, & relative à une autre addition que M. Petit a faite au trocar ; c’est une petite rainure qui s’étend extérieurement tout le long de la canule. Cette dépression est fort avantageuse pour l’ouverture des dépôts internes, des tumeurs enkistées & autres cas où l’on est fort aise de connoître la nature du fluide épanché avant que de se déterminer à faire une opération. Et lorsqu’on veut imiter la cannelure longitudinale qui se trouve à la surface extérieure de la canule, elle sert à conduire le bistouri ; & la gouttiere de la partie postérieure sert de piece de pomme ou de manche à la canule qui remplit parfaitement l’office de sonde cannelée.

On se sert du trocar dans l’opération de l’hydrocele. Voyez Hydrocele. Dans ce cas, quelques chirurgiens ont un trocar plus menu & plus court que celui que nous venons de décrire pour la paracenthese.

M. Foubert se sert d’un grand trocar, Pl. IX. fig. 1. dont la canule, fig. 2. est ouverte pour pratiquer sa méthode de tailler. Voyez cette méthode & les instrumens qui lui sont particuliers, au mot Taille.

M. Petit a imaginé un trocar pour les contre-ouvertures, voyez Pl. XXIII. fig. 2. Sa canule est ronde, garnie d’une rainure sur le long de son corps, & de deux yeux à son extrémité pour y passer une bandelette. La construction du manche de ce trocar est semblable à celle du pharingotome. Voyez Pharingotome.

M. Foubert s’est servi aussi du trocar courbe pour faire la ponction de la vessie au-dessus de l’os pubis, dans le cas de l’impossibilité absolue de sonder les malades attaqués de rétention d’urine, & pour aller à l’urgent, attendu que les bougies se frayent une route dans la vessie par la voie naturelle. M. Flurant, chirurgien de Lyon, où il jouit d’une réputation méritée, se sert d’un pareil trocar pour le même cas ; mais il fait la ponction par l’intestin rectum : c’est une opération nouvelle dont il est l’auteur, & qui a eu des succès. Ses observations sont insérées dans l’ouvrage d’un de ses confreres, intitulé, mélanges de Chirurgie, publié en 1760. (Y)