L’Encyclopédie/1re édition/TRISAGION

TRISAGION, s. m. dans l’histoire ecclésiastique, est le nom qu’on donne à un hymne où le nom de saint est répété trois fois.

Ce mot est grec, composé de τρεῖς, trois, ou trois fois, & d’ἅγιος, saint.

Le trisagion proprement dit est composé de ces paroles, sanctus, sanctus, sanctus Dominus Deus sabaoth. Saint, saint, saint, Seigneur Dieu des armées, comme nous les lisons dans Isaïe, c. vj. ℣. 3. & dans l’Apocalypse, c. jv. de ces mots l’Eglise a formé un autre trisagion, qu’on chante dans l’église latine seulement le jour du Vendredi-saint, avant l’adoration de la croix. Il est conçu en ces termes : sanctus Deus, sanctus fortis, sanctus immortalis, miserere nobis, que les Grecs ont rendu par ceux-ci, ἅγιος ὁ θεός, ἅγιος ἰσχυρός, ἅγιος ἀθάνατος, ἐλέησον ἡμᾶς ; saint Dieu, saint puissant, saint immortel, ayez pitié de nous ; qu’ils répetent souvent non-seulement dans l’office, mais encore dans leurs prieres particulieres.

Pierre Gnaphée ou le Foulon, patriarche d’Antioche dans le v. siecle, y fit ajouter ces paroles qui crucifixus est propter nos ; attribuant ainsi la passion non-seulement au fils, mais aussi aux deux autres personnes de la sainte Trinité, & prononça anathème contre ceux qui refuseroient de dire la même chose ; mais le pape Félix III. & les Catholiques rejetterent cette addition qui autorisoit manifestement les erreurs des Patripassiens. Voyez Patripassiens & Théopaschites.

Ce dernier trisagion exclusivement aux paroles que Pierre le Foulon y vouloit ajouter, commença à être en usage dans l’église de Constantinople, d’où il passa dans les autres églises d’orient, & ensuite dans celles d’occident.

S. Jean Damascene, Codin Balsamon, & d’autres disent que le trisagion fut introduit à Constantinople à l’occasion d’un terrible tremblement de terre, arrivé la trente-cinquieme année de l’empire de Théodose le jeune, & du tems du patriarche Proclus ; que celui-ci ayant ordonné une procession solemnelle, où l’on chanta pendant plusieurs heures de suite le kyrie eleison, Seigneur, ayez pitié de nous, un enfant fut élevé en l’air, où il crut avoir entendu les anges chanter le trisagion ; que cet enfant à son retour, ayant raconté la chose, le peuple commença aussi-tôt à chanter cette hymne, avec d’autant plus d’ardeur, qu’il attribuoit la calamité présente aux blasphèmes que les hérétiques de Constantinople vomissoient contre le fils de Dieu, & qu’incontinent après ce fléau cessa. Asclépiade, Cedrenus, le pape Félix III. & Nicéphore, racontent la même chose.

Quelques efforts que fît Pierre le Foulon pour introduire dans le trisagion l’addition dont nous avons parlé, cet hymne subsista toujours dans sa pureté primitive, & est demeuré tel dans les offices latins, grecs, éthiopiques, mozarabiques, ou autres qui l’ont adopté.