L’Encyclopédie/1re édition/TREMBLANT DOUX

TREMBLANT DOUX, (Luth.) c’est dans l’orgue une soupape AB, fig. 58. Pl. d’Orgue, cette soupape est posée obliquement en travers du porte-vent qui s’élargit en cet endroit ; ensorte que son plan décline du plan vertical d’environ 22 deg. 30′, le dessous de la soupape doit regarder le côté d’où vient le vent ; cette soupape qui est doublée de peau dont le duvet est tourné en-dehors, est attachée par la partie de la peau qui excede à la partie supérieure du chassis HI, par le moyen du morceau de bois F entre lequel est la barre supérieure du chassis ; la peau qui sert de queue se trouve prise & serrée par le moyen de trois vis en bois qui traversent le petit morceau F, & dont les pas entrent dans la barre supérieure du chassis.

On met ce chassis dans la boîte Kk, qui est plus grosse que le porte-vent qui doit y entrer par les deux bouts, & on voit dans la figure où il pose obliquement, ensorte qu’il soit incliné vers la partie G d’où vient le vent, & on le fait tenir dans cette position, par le moyen de deux tasseaux ou avec des vis qui traversent les planches latérales de la boîte & entrent dans les côtés du chassis HI.

Sur la soupape on met un ressort AC qui est une lame de laiton bien écrouie, à l’extrémité C de cette lame élastique, on met un poids de plomb pesant environ une demi livre, plus ou moins, selon que le tremblant exige pour mieux articuler ou marquer. Pour attacher le lingot de plomb qu’on a fondu dans un moule au bout du ressort ; on l’ouvre en deux avec un fermoir, sorte de ciseau, & on introduit l’extrémité du ressort à laquelle on a fait des griffes dans la fente que le fermoir a faite ; on rabat ensuite le plomb sur le ressort à coups de marteau, ensorte que les griffes & l’extrémité du ressort s’y trouvent renfermés.

Il y a des facteurs qui attachent le plomb au bout du ressort d’une autre maniere ; ils font entrer la partie du ressort où le plomb doit être attaché, & qui est de même armée de griffes, dans le moule où ils fondent le plomb qui enveloppe par ce moyen le bout du ressort & s’y unit fermement ; mais cette pratique a cet inconvénient, que la chaleur du plomb fondu est capable de recuire la bande & de lui ôter son élasticité, d’où dépend en partie l’effet qu’on attend du tremblant. Ce ressort ainsi armé d’un poids de l’une ou de l’autre maniere, s’attache par son autre extrémité à la partie supérieure du dessus de la soupape avec deux clous à tête ; on courbe ensuite la lame de laiton, ensorte que le poids de plomb ne porte pas sur la soupape comme on peut voir dans la figure.

A environ trois pouces de l’ouverture ou lunette quarrée ln, on perce un trou, par ce trou on fait passer la bascule de fer abce qui gouverne le tremblant ; cette bascule courbée à la partie cba qui entre dans le porte-vent pour atteindre la soupape AB, en-dessous par son extrémité a, est fixée au point c par une goupille qui la traverse & autour de laquelle elle peut se mouvoir. L’extrémité e de la bascule qui sort du porte-vent d’environ quatre pouces, est percée d’un trou dans lequel passe une cheville qui assemble la bascule avec le bâton quarré fe ; ce bâton communique par un rouleau de mouvement à un bâton quarré qui sort comme ceux des registres auprès du clavier. Voyez Mouvemens.

Pour empêcher le vent contenu dans le porte-vent de sortir, on met sur le trou par où la bascule ecba entre, une boursette d qui est nouée autour de la bascule & collée sur le porte-vent. L’ouverture ou lunette ln par où on regarde au tremblant est fermée comme la laie, avec une planche entaillée en drageoir & doublée de peau de mouton, collée par le côté glabre ; cette planche est tenue appliquée sur l’ouverture de la boîte par des vis qui la traversent & dont les pas pénetrent dans les planches latérales, ou par un étrier qui entoure le porte-vent, & sous le sommet duquel on passe un coin qui appuie d’un côté sur la planche ln, & de l’autre contre l’étrier qui lui sert de point fixe.

On se sert d’un morceau de bois bien dressé que l’on fait chauffer pour réchauffer la colle avec laquelle on colle la peau de mouton, dont les devants de laie & la piece ln sont doublées ; au lieu d’un linge trempé dans l’eau chaude & ensuite exprimé, dont on ne doit se servir, que lorsque la peau est collée par le côté du duvet, ensorte que le côté glabre est en-dehors.

Il suit de cette construction, que si on pousse le bâton quarré fe, que l’extrémité a de la bascule abcde s’approchera du dessous de la soupape AB, la poussera & la tiendra élevée, ce qui laissera un libre passage par l’ouverture du chassis nm ou HI au vent qui vient des soufflets par G, en cet état le tremblant restera immobile & ne fera aucune fonction ; mais si on retire l’extrémité a de la bascule en retirant le bâton fe, ensorte qu’elle ne touche plus la soupape, la soupape s’appliquera sur le chassis nm, comme elle est dans la figure en cet état ; si le vent vient des soufflets, il se condensera dans l’espace aG jusqu’à ce que son ressort soit augmenté au point de vaincre la résistance que la soupape AB & son pas dc lui opposent, & de s’ouvrir le passage en soulevant la soupape ; mais le vent n’aura pas sitôt forcé la résistance de la soupape, & passé en se dilatant dans l’espace CM, que son ressort s’affoiblira d’autant plus qu’il se sera dilaté davantage ; ensorte que la soupape qui ne pourra plus être soutenue par un effort égal à son poids, retombera & fermera de nouveau le passage au vent par l’ouverture du chassis nm ; ce qui donnera lieu à une nouvelle condensation de l’air qui vient des soufflets par G vers a : cette condensation sera suivie de même que la premiere de l’ouverture de la soupape, & de l’explosion ou dilatation subite de l’air comprimé, contenu dans la partie Ga du porte-vent, dans la partie CM, ce qui fera retomber la soupape & recommencer ainsi alternativement le même effet.

Il est essentiel de remarquer, que lorsque la soupape AB commence à se lever, le poids C reste immobile, ce qui se fait par la contraction du ressort AC qui ne transmet point l’action de la soupape au lingot de plomb C, dès le premier instant qu’elle commence à se mouvoir, comme feroit une lame infléxible ; ainsi le lingot de plomb C par son inertie, sert de point fixe au ressort CA qui se contracte par la pression de la soupape autant que la résistance du lingot le permet, ce ressort ainsi contracté fait effort pour se rétablir ; cet effort se partage entre le lingot & la soupape, qui en est renvoyée avec plus de vîtesse & plus de force, ce qui donne le moyen à l’air qui occupe la partie aG de se condenser davantage, & d’acquerir plus de ressort que la seule résistance du poids de la soupape & du lingot de plomb, n’est capable de lui en faire prendre.

Les dilatations & condensations alternatives & réitérées de l’air dans l’espace M qui communique à la laie du sommier, & par les soupapes ouvertes aux gravures & aux tuyaux, se sont sentir à ces derniers auxquels le vent vient par ce moyen alternativement plus fort & plus foible, ce qui produit un tremblement fort agréable.

Un tremblant est bien fait lorsqu’il bat quatre fois par seconde d’heure, on le fait battre plus vîte en augmentant le poids de la soupape & du lingot de plomb.