L’Encyclopédie/1re édition/TEUTONIQUE

TEUTONIQUE, (Hist. mod.) ce qui regarde les Teutons, ancien peuple d’Allemagne qui habitoit les côtes le long de l’Océan germanique.

La langue teutonique ou le tudesque est l’ancien idiome de l’Allemagne, qui est mis au rang des meres-langues. Voyez Langue & Mere-langue.

La langue teutonique s’appelle aujourd’hui l’allemand, & on le distingue en haut & en bas allemand.

Le premier a deux dialectes considérables, savoir 1°. le scandien, le danois, ou peut-être le gothique ; de ce ressort sont les langues qu’on parle en Danemarck, en Norwege, en Suede, & en Ysland ; 2°. le saxon qui a pour dialectes les différens idiomes des Anglois, des Ecossois, des Frisons, & de ceux qui habitent le côté septentrional de l’Elbe. Voyez Anglois, &c.

Le bas allemand ou le flamand est la langue des Flamands, Brabansons, Hollandois & autres peuples des Pays-Bas. Voyez Flamand.

Teutonique, ordre, (Hist. des ordres milit. relig.) bientôt après l’établissement des Hospitaliers & des Templiers, un nouvel ordre naquit encore vers l’an 1190 en faveur des pauvres Allemands abandonnés dans la Palestine, & ce fut l’ordre des moines Teutoniques, qui devint après une milice de conquérans.

Des particuliers allemands fonderent cet ordre pendant le siege d’Acre, & Henri Valpot en ayant été nommé le chef, bâtit après la prise d’Acre, une église & un hôpital qui fut la premiere maison de l’ordre. Le pape Calixte III. en confirma l’institution en 1192, & accorda aux chevaliers tous les privileges dont jouissoient les Templiers & les Hospitaliers de saint Jean de Jérusalem ; mais à condition qu’ils seroient soumis aux patriarches, & qu’ils paieroient la dixme de tous leurs biens. L’habit de l’ordre étoit un manteau blanc chargé d’une croix noire.

Conrard duc de Suabe appella les freres Teutoniques en Prusse vers l’an 1230, pour soutenir les chevaliers de Dobrin qu’il avoit fondés, & leur assigna en pleine propriété tout le territoire de Culm.

Ils devinrent extrèmement puissans sous leur quatrieme grand-maître, Hermand de Salza ; ils conquirent la Prusse, y bâtirent les villes d’Elbing, de Marienbourg, de Thorn, de Dantzig, de Konisberg, & quelques autres. Ils soumirent aussi la Livonie. Leur nom de freres se changea en celui de seigneurs, & comme tels Conrard Wallerod ayant été nommé grand-maître de l’ordre, se fit rendre les honneurs qu’on rendoit aux plus grands princes.

Quelque tems après la division s’étant mise dans l’ordre, les rois de Pologne en profiterent ; la Prusse se révolta, & Casimir IV. reçut les chevaliers à hommage. Enfin Albert, marquis de Brandebourg, grand-maître de cet ordre, quitta la religion romaine, renonça à sa dignité de grand-maître, soumit la Prusse, & en chassa le petit nombre de chevaliers qui ne voulurent pas imiter son exemple, & suivre sa profession de foi. Ceux-ci se retirerent à Mergentheim, ou Mariendal en Franconie, qui leur appartient encore.

C’est par cet évenement que l’ordre teutonique si riche & si puissant, qui a possédé en toute souveraineté la Prusse royale & la ducale, la Livonie, les duchés de Curlande & de Semigal, se trouve n’avoir présentement que quelques commanderies qui suffisent à peine à l’entretien du grand-maître & d’une poignée de chevaliers.

Vaisselius dit dans ses annales, que dans le tems que l’ordre teutonique jouissoit de sa splendeur, il avoit 28 commandeurs (& il a oublié dans ce nombre le grand hospitalier, le drapier & le trésorier) 46 commandeurs de châteaux, 81 hospitaliers, 35 maîtres de couvens, 65 celleriers, 40 maîtres d’hôtel, 35 proviseurs, 18 pannetiers, 39 maîtres de la pêche, 93 maîtres de moulins, 700 simples freres qui pouvoient aller en campagne, 162 prêtres ou freres de chœur, 6200 serviteurs.

Pierre de Dusbourg, prêtre de cet ordre, en a écrit toute l’histoire dans sa chronique de Prusse réimprimée par Hartknock avec des notes ; on peut consulter cet ouvrage. (Le chevalier de Jaucourt.)