L’Encyclopédie/1re édition/TE-DEUM

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TE-DEUM, s. m. (Hist. des rits ecclésiast.) on appelle de ce nom un cantique d’usage dans l’église catholique. Il est ainsi nommé, parce qu’il se dit ordinairement à la fin des matines, les jours qui ne sont point simples fériés, ni dimanches de carême & d’avent ; on attribue ce cantique à S. Ambroise ou à S. Augustin. Au commencement du xj. siecle, on se plaignit dans un concile que les moines chantoient le te Deum pendant l’avent & le carême, contre l’usage de l’église romaine ; mais ils répondirent qu’ils le faisoient suivant la regle de S. Benoît approuvée par S. Grégoire, & on les laissa dans leur usage.

Loisel, dans son dialogue des avocats, fait mention d’une fameuse cause qui fut plaidée au parlement de Paris par Mrs Boulard & Desombres, & que l’on nomma la cause du te Deum laudamus. Voici le fait tel qu’il est raconté par l’auteur. Un chanoine de Chartres avoit ordonné par son testament qu’on chantât le te Deum en l’église au jour & heure de son enterrement, ce que l’évêque Guillard trouva non seulement nouveau, mais si scandaleux, qu’il lui refusa ce qu’il avoit desiré, ajoutant que c’étoit une hymne de louange & de réjouissance non convenable au service des trépassés. L’avocat du mort soutenoit au contraire qu’il n’y avoit rien que de bon & de pieux dans cette hymne, & pour le prouver, il parcourut tous les versets dont elle est composée, avec de belles recherches & interprétations dont il les orna ; enfin il justifia qu’il contenoit même une priere formelle pour les morts, en ces mots : te ergo quoesumus, famulis tuis subveni, quos pretioso sanguine redemisti. Æternâ fac cum sanctis tuis in gloriâ numerari. Bref, la cause fut si bien plaidée, que le testament & le te Deum ordonné par icelui furent confirmés par arrêt qu’on baptisa du nom de te Deum laudamus.

Le te Deum se chante encore extraordinairement en pompe & en cérémonie, pour rendre publiquement graces à Dieu d’une victoire remportée par terre ou par mer ; C’est ce qui fit dire à une dame d’esprit du dernier siecle, que le te Deum des rois étoit le de profundis des particuliers. Un poëte écrivoit dans le même tems à ce sujet :

J’ai vu les nations avides de carnage.
En faire un métier glorieux,
Et des tristes effets de leur funeste rage,
Aller pompeusement rendre graces aux dieux.

(D. J.)