L’Encyclopédie/1re édition/TARSE

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TARSE, s. m. en Anatomie, est ce qu’on appelle communément le cou du pié. C’est le commencement du pié, ou l’espace qui est entre la cheville du pié & le corps du pié, qu’on appelle métatarse. Voyez Pied & Métatarse.

Le tarse répond au carpe ou poignet de la main. Il est composé de sept os, dont le premier est appellé astragale, & par les Latins, talus & os balistæ. (Voyez Astragale) ; le second calcaneum ; le troisieme est l’os naviculaire, que les Grecs appellent scaphoïde ; le quatrieme, cinquieme & sixieme sont innominés, & appellés par Fallope cunéiformes, à cause de leur figure ; le septieme est le cuboïde. Voyez chacun de ces os décrit dans son article propre, Naviculaire, Cunéiformes, &c.

Tarse, est aussi le nom que quelques anatomistes donnent aux cartilages qui terminent les paupieres, & d’où naissent les cils ou poils des paupieres. Voyez Paupiere.

Ces cartilages sont extrèmement minces & deliés, ce qui les rend légers & flexibles. Leur figure est demi-circulaire ; celui de la paupiere supérieure est un peu plus long que celui de l’inférieure : ils servent tous deux également à fermer l’œil. Voyez Cils.

TARSE, (Géog. anc.) Tarsus, ville d’Asie dans la Cilicie, la plus belle, la plus ancienne & la plus peuplée de la province.

Sans nous arrêter à toutes les fables qu’on a débitées sur le nom & l’origine de Tarse, il est constant que cette ville avoit été fondée par les Argiens, ou du moins qu’elle avoit été augmentée par une colonie greque, & que ses habitans excellerent dans l’étude des belles lettres, de la philosophie & de toutes les sciences qui étoient cultivées chez les Grecs, puisque Strabon ne craint point de dire qu’ils surpasserent en cela Athènes, Alexandrie & toutes les autres académies du monde ; il ajoute que leur ville étoit fort puissante, & soutenoit avec éclat sa dignité de métropole.

Le Cydnus traversoit la ville de Tarse, selon le témoignage de Denys le périégete, de Strabon, de Pomponius Mela, de Pline, d’Arrien & d’Ammien Marcellin. Pline l’appelle ville libre ; elle l’avoit apparemment été anciennement, comme colonie greque, & il nous apprend qu’elle jouissoit aussi de sa liberté sous les Romains.

Quelques-uns croyent qu’elle mérita aussi les privileges de colonie par son grand attachement à Jules César, & que ce privilege communiqua à tous ses concitoyens la qualité de citoyens romains. S. Paul qui étoit né à Tarse, comme il le dit lui-même, act. xxij. 3, jouissoit de ce droit par sa naissance. D’autres soutiennent que Tarse étoit seulement ville libre, & non colonie romaine, du tems de S. Paul, parce que l’on ne trouve dans les médailles aucun vestige de ce titre de colonie romaine, avant le regne de Caracalla ou celui d’Héliogaballe, & qu’ainsi le privilege de citoyen romain n’appartenoit pas à l’apôtre simplement comme citoyen de Tarse, mais par quelque droit particulier que son pere ou ses ayeux avoient acquis.

C’est à Tarse que se rendit Cléopatre mandée par Antoine, & c’est-là qu’il en devint amoureux. Elle fit ce voyage, dit Plutarque, sur un vaisseau brillant d’or & orné des plus belles peintures ; les voiles étoient de pourpre, les cordages d’or & de soie, & les rames d’argent. Ces rames étoient maniées au son des flutes, qui joint à celui des chalumeaux & des lyres, faisoit un concert délicieux.

Cléopatre parée galamment comme on peint la déesse Vénus, étoit couchée sous un pavillon broché d’or ; ses femmes toutes d’une excellente beauté représentoient les nymphes & les graces. La poupe & la proue étoient remplies des plus beaux enfans déguisés en amour, & quelques-uns d’eux étoient à ses côtés, avec des éventails dont ils l’éventoient pour la rafraîchir. Elle avançoit dans cet équipage sur le fleuve Cydnus, au son de mille instrumens de musique.

Les deux rives du fleuve étoient embaumées de l’odeur de parfum que l’on brûloit dans son vaisseau. Tout le peuple de Tarse la prit pour Vénus qui venoit chez Bacchus pour le bien de l’Asie. On quitta le tribunal d’Antoine pour courir au-devant d’elle ; ce romain lui-même alla la recevoir, & en devint éperdument amoureux.

Il soupa chez elle, & y trouva des préparatifs d’une magnificence qui lui étoit inconnue. Ce qui le surprit davantage, ce fut la quantité de flambeaux dont les appartemens étoient éclairés ; ils étoient suspendus, appliqués & rangés avec tant d’art, de variété & de symmétrie, que de toutes les fêtes qui se trouvent décrites dans l’histoire, l’on prétend que c’étoit celle qui faisoit le spectacle le plus ravissant.

J’ai dit à l’article de Soli en Cilicie, que Chrysippe y vit le jour ; cependant quelques auteurs lui donnent Tarse pour patrie. Quoi qu’il en soit, c’étoit un esprit fort subtil en matiere de raisonnement ; l’art de la dialectique la plus déliée ne lui échappoit point ; & la solution de ses argumens étoit si difficile, qu’elle passa en proverbe pour exprimer une chose impossible. Il composa un grand nombre d’ouvrages qui ont péri. Après sa mort les Athéniens éleverent en son honneur une statue dans le céramique.

Hermogène nâquit à Tarse en Cilicie dans le second siecle de l’ere chrétienne. Ce fut un prodige en toute maniere. A l’âge de dix-sept ans il publia ses livres de rhétorique que nous avons encore. Il mit au jour à vingt ans son livre des idées, & à vingt-cinq ans il oublia tout ce qu’il savoit.

Athénodore, célebre philosophe stoïcien, étoit aussi de Tarse en Cilicie ; il vint à la cour d’Auguste, qui l’éleva aux plus grands honneurs, & le fit précepteur de Tibere ; mais il n’eut pas le bonheur de pouvoir corriger le mauvais caractere de ce prince. Il mit au jour divers ouvrages qui ne nous sont pas parvenus. Strabon en cite un sur l’Océan & sur son flux & reflux.

Nectaire, évêque de Constantinople vers la fin du quatrieme siecle, eut Tarse pour patrie. Il n’étoit pas moins distingué par ses vertus, que par sa naissance & par son rang ; car il exerçoit la préture. Il fut fait évêque n’étant pas encore baptisé, de sorte qu’il passa de l’état de cathécumene à celui de pasteur de l’église. Sa douceur envers les autres sectes, & les Apollinaristes en particulier, lui attira une lettre de Grégoire de Naziance, où il le pressoit de sévir contre les hérétiques, & de gagner l’empereur Théodose. Il mourut en 397, & les Grecs l’honorent dans quelques-uns de leurs livres, comme un saint ; il étoit du moins un évêque sage, modéré & pieux. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tarse ou plutôt Tarson, (Géog. mod.) en latin Tarsus ; cette ville d’Asie autrefois la plus belle de la Cilicie, n’est aujourd’hui qu’un tas de ruines, dans la Caramanie, à huit lieues d’Adana. Il y a dans le voisinage de ses ruines une église d’Arméniens passablement belle. Latit. 37. 12. (D. J.)