L’Encyclopédie/1re édition/TAENIA

TÆNIA, s. m. (Hist. nat. Insectologie.) autrement le ruban ; c’est une espece de ver fort i régulier du corps humain ; il est d’une grandeur indéfinie, car on prétend en avoir vu de dix à vingt toises de long ; en même tems il n’a guere que quatre à cinq lignes de largeur ; enfin il est plat comme un lacet, d’où lui vient son nom de ruban. Son corps est composé d’anneaux enchâssés régulierement les uns dans les autres, mais avec quelques différences ; les onze premiers anneaux, du côté de la tête, sont unis par une membrane fine, qui les sépare tant-soit-peu les uns des autres ; ils sont encore un peu plus épais, & plus petits que les anneaux du reste du corps ; au-dessous des six premiers articles, il y a plusieurs petites éminences rondes, placées en long, comme les piés des chenilles ; la partie supérieure de chaque articulation, c’est-à-dire celle qui est vers la tête, est reçue dans l’articulation précédente, & la partie inférieure reçoit l’articulation suivante ; ce qui fait une articulation perpétuelle ; la cavité où chaque articulation est jointe, paroît traversée par des fibres musculeuses, qui laissent entre elles de petits espaces, par où les visceres communiquent d’un anneau à l’autre. Sur les côtes de chaque articulation, on apperçoit une petite ouverture en forme d’issue, où aboutit un canal qui s’étend jusqu’au milieu de l’articulation. M. Andry a le premier observé ces ouvertures ; il les prend pour des trachées, parce que certaines especes d’insectes en ont effectivement qui sont disposées ainsi tout le long de leur corps, à chaque articulation ou incision.

La peau du tænia en fait toute la substance ; c’est un véritable muscle, formé de fibres disposées en plusieurs sens, & entrecoupées aux jointures. Elle ne paroissent cependant qu’à l’intérieur de la peau. Le ver se plie facilement dans toute son étendue, mais principalement aux jointures.

Il est à présumer que ce ver vient d’un œuf comme tous les autres animaux ; mais comment cet œuf se trouveroit il dans le corps d’un homme ? y est-il venu de dehors, enfermé dans quelque aliment, ou même, si l’on veut, porté par l’air ? on devroit donc voir sur la terre des tænia, & l’on n’en a jamais vu. On pourroit bien supposer que le chyle dont ils se nourrissent dans le corps humain, leur convient mieux que toute autre nourriture qu’ils pourroient trouver sur la terre, sans y parvenir jamais à plusieurs toises de longueur ; mais du moins devroit-on connoître les tænias de terre, quelque petits qu’ils fussent, & l’on n’en connoit point.

Il est vrai qu’on pourroit encore dire que leur extrème petitesse les rend absolument méconnoissables, & change même leur figure, parce que tous leurs anneaux seront roulés les uns dans les autres ; mais que de cette petitesse qui les change tant, ils puissent venir à avoir dix à vingt toises de longueur, c’est une supposition un peu violente ; quel animal a jamais crû selon cette proportion ? il seroit donc commode de supposer que puisque le tænia ne se trouve que dans le corps de l’homme, ou de quelqu’autre animal, l’œuf dont il est éclos, est naturellement attaché à celui dont cet animal est venu ; & ceux qui soutiennent l’hypothèse des vers héréditaires, s’accommoderoient fort de cette idée.

Ce qu’il y a de plus sûr, c’est qu’on peut long-tems nourrir un tænia, sans s’en appercevoir. Cet hôte n’est nuisible que par des mouvemens extraordinaires, & il n’y a peut-être que de certains vices particuliers des humeurs, qui l’y obligent en l’incommodant, & en l’irritant ; hors de-là il vit paisiblement d’un peu de chyle, dont la perte se peut aisément supporter, à moins que le ver ne soit fort grand, ou qu’il n’y ait quelqu’autre circonstance particuliere, difficile à deviner. (D. J.)