L’Encyclopédie/1re édition/SERPHO ou SERFO ou SERFOU

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SERPHO ou SERFO ou SERFOU, (Géog. mod.) île de l’Archipel, connue des anciens Grecs & Romains, sous le nom de seriphos & seriphus. Voyez Seriphus.

Les François nomment cette île Sériphe ; les Anglois, Serfanto ; & les Italiens, Serfino. Le périple de Scylax & Strabon, la mettent au nombre des Cyclades ; mais Etienne le géographe la compte entre les Sporades ; elle est située à 36 degres, 56 de lat. septentrionale, à 20 lieues nord-ouest de Naxie, à 30 de la côte orientale de la Morée, & à 12 milles N. O. de Siphantho. Pline ne donne que 12 milles de circuit à cette île, quoiqu’elle en ait plus de 36.

Son port l’a rendu recommandable, même du tems de la belle Grece ; cependant il ne faut pas chercher des antiquités dans Serpho : cette île n’a jamais été ni puissante, ni magnifique ; c’est un petit pays dont les montagnes sont rudes & escarpées, couvertes de pierres & de rochers, & l’on y trouve encore ceux qui ont donné lieu à la fable de Persée. Séneque parle de cette île, comme d’une île inculte, & le Scholiaste d’Aristophane la qualifie de très-chétive.

Il y a beaucoup d’apparence que les mines de fer & d’aimant de cette île, n’étoient pas connues dans ce tems-là ; car on n’auroit pas manqué d’en attribuer la production au pouvoir de la Gorgone ; cependant ces mines sont à fleur de terre, & les pluies les découvrent tous les jours. La mine de fer y est étoilée en plusieurs endroits, comme le régule d’antimoine étoilé. Celles d’aimant y sont fort abondantes ; mais pour en avoir de bons morceaux, il faudroit creuser profondément, ce qui est très-difficile dans un pays où parmi tant de fer, à peine trouve-t-on des outils propres à arracher les oignons qu’ils cultivent parmi leurs rochers dans de petits fonds humides ; ces oignons sont fort doux, au lieu que les oignons de Siphanto sont aussi âcres que ceux de Provence.

Enfin, les habitans de Serpho sont si glorieux d’avoir de si bons oignons, & ils les trouvent si délicieux, qu’ils ne s’avisent pas de prendre les perdrix qui mangent la moitié de leurs grains & de leurs raisins. Il n’y a dans cette île qu’un bourg qui porte le même nom, & un méchant hameau appellé San-Nicolo.

Le bourg est autour d’une roche affreuse à 3 milles du port, & ce port qui est d’une grande beauté ne sert de retraite qu’à des vaisseaux dévoyés dans une violente tempête, qui viennent s’y mettre à couvert de la fureur des vagues ; car les habitans de l’île sont aussi fainéans & aussi méprisables que leurs ancêtres. Ils sont pauvres, grossiers, parlent un grec fort corrompu, & le prononcent d’une maniere niaise & risible. Ils ne recueillent qu’un peu d’orge & de vin, ne forment dans toute l’île qu’environ mille personnes, qui payent huit cens écus de taille réelle & de capitation.

L’île est gouvernée pour le spirituel par un vicaire de l’évêque de Siphanto. Les meilleures terres appartiennent aux moines de S. Michel, dont le couvent est au nord, à deux lieues du bourg, & habité par des caloyers sous la direction d’un abbé. Nous remarquerons en passant, que quoiqu’en France on comprenne tous les moines grecs sous le nom de caloyers, il n’en est pas de même en Grece ; il n’y a que les freres qui s’appellent ainsi, car pour ceux qui sont prêtres, ils se nomment Iéromonaches.

M. de Tournefort étant à Serpho, dit qu’après les mines d’aimant, la plus belle chose qu’il y ait dans cette île en fait d’histoire naturelle, est une espece d’œillet, dont le tronc vient en arbrisseau dans les fentes de ces horribles rochers qui sont au-dessus du bourg ; c’est le caryophyllus græcus, arboreus, leucoii folio peramaro. Corol. I. R. H. 23. (D. J.)