L’Encyclopédie/1re édition/RANULE

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RANULE, terme de Chirurgie ; tumeur qui vient sous la langue, & qui est produite par la dilatation du conduit excréteur des canaux salivaires inférieurs. Voyez Grenouillette.

La saignée des veines ranules a été fort préconisée par les anciens dans les esquinancies ; ils la regardoient comme un secours dérivatif, capable d’évacuer immédiatement le sang qui cause l’inflammation. Hippocrate, Alexandre de Tralles, & parmi les modernes, Riviere, le Pois, (Nicolas Pison) & Sydenham, dont l’autorité est d’un si grand poids en pratique, s’accordent tous à faire tirer du sang des veines sublinguales, après quelques saignées faites au bras. M. Van Swieten expose la doctrine de ces grands maîtres sur le choix des saignées, en adoptant la précaution des saignées préliminaires au bras, sans laquelle celle des ranules seroit, dit-on, dangereuse, parce qu’elle attire le sang sur les parties enflammées. A ces raisons, tirées de la connoissance de la circulation du sang, & de la distribution des vaisseaux ; pour expliquer cet effet, M. Van Swieten joint l’expérience de Tulpius, qui condamne l’usage prématuré de la saignée des ranules, dont il a observé des inconvéniens très-fâcheux. Il convient de rapporter une autorité plus ancienne ; c’est celle de Lanfranc, qui professoit la Chirurgie à Paris à la fin du treizieme siecle : voici ce qu’il dit au chapitre de l’esquinancie, dans sa grande Chirurgie. « Qu’on se donne bien de garde de suivre le conseil de ceux qui prescrivent d’abord la saignée des veines qui sont sous la langue : il arrive souvent que le malade périt par cette saignée qui n’a point été précédée de celle du bras, principalement si le sujet est pléthorique » ; cette réfléxion ne porte que sur la saignée des ranules faite prématurément. Quoique les auteurs anciens y ayent eu grande confiance lorsqu’elle étoit placée à propos ; nous ne devons pas blâmer la pratique de nos jours où elle est absolument négligée. La saignée des veines jugulaires auroit tous les avantages que les anciens tiroient de celle des ranules. Alexandre de Tralles dit expressément, que n’ayant pû découvrir les veines sublinguales, il se détermina à ouvrir les jugulaires, & que cette saignée eut tout le succès possible. Joubert présume à cette occasion, que la difficulté de saigner les ranules venoit de la tuméfaction considérable des parties de la bouche. Quoi qu’il en soit, l’ouverture de ces veines est d’une foible ressource, & a beaucoup d’inconvéniens ; elles fournissent rarement la quantité de sang qu’on desireroit, & dans d’autres circonstances, on peut être fort embarrassé à en arrêter l’hémorrhagie ; il y en a des exemples funestes. Cette discussion se trouvera quelque jour exposée dans les mémoires de l’académie royale de Chirurgie, dans une dissertation qui aura pour titre…… du choix des saignées, & du danger de la métastase sur le poumon, par l’effet des saignées du pié dans les esquinancies inflammatoires. (Y)