L’Encyclopédie/1re édition/RÉGALE

RÉGALE, s. f. (Jurisp.) en général signifie un droit qui appartient au roi.

On distingue deux sortes de régales ; la spirituelle & la temporelle.

La régale spirituelle, qu’on appelle aussi simplement régale par excellence, est le droit qui appartient au roi, de conférer tous les bénéfices non cures dépendans de l’évêché ou archevêché vacant, lorsque ces bénéfices se trouvent vacans, ou qu’ils viennent à vaquer, de fait ou de droit, pendant la vacance du siege épiscopal ou archiépiscopal.

La régale temporelle, est le droit que le roi a de jouir de tous les fruits & revenus de l’évêché ou archevêché qui est vacant en régale.

Les auteurs sont partagés sur l’origine de ce droit. Quelques-uns le font remonter jusqu’à la loi divine, & tiennent qu’il dérive de cette noble prérogative qu’avoient les rois de Juda, d’être oints & sacrés, & en conséquence de faire les fonctions du grand-prêtre ; & lorsqu’il étoit absent, d’établir des officiers & de donner les places & les dignités du temple, ainsi qu’il se voit dans le ch. j. des Paralippomenes, & dans le xxiv. des Rois. Qu’à l’exemple des rois de Juda, nos rois sont oints & sacrés comme eux : qu’aussi ne les regarde-t-on pas comme des personnes profanes & purement laïques, mais comme personnes mixtes, c’est-à-dire qui sont tout à la fois ecclésiastiques & laïques. Que c’est de-là qu’ils ont la faculté de tenir des prébendes, & qu’ils sont même premiers chanoines dans plusieurs églises de leur royaume ; ce qui a fait dire à un célebre avocat-général, que c’est-là la véritable source de la régale spirituelle. Ainsi son véritable fondement est sacra unctio concurrens cum fundatione & protectione.

La régale est en quelque chose semblable au droit de patronage, en ce qu’elle attribue au roi le droit de nommer aux bénéfices vacans pendant l’ouverture de la régale ; mais elle donne un droit bien plus étendu que le simple patronage. Car le roi conférant un bénéfice vacant en régale, n’a pas seulement la nomination & présentation, mais la pleine & entiere collation. On verra même dans la suite de cet article, qu’à certains égards le pouvoir du roi dans la régale, est plus étendu que celui de l’ordinaire.

M. Bignon avocat-général, réunit quatre sources d’où procede la régale, lesquelles jointes ensemble en forment les fondemens ; savoir, la souveraineté du roi, sa qualité de fondateur des églises, sa qualité de seigneur féodal des biens qui en composent les revenus, enfin sa qualité de gardien, avocat & défenseur des droits & prérogatives des églises de ses états.

Probus, Buzée & quelques autres, tiennent que la régale vient du concile d’Orléans, tenu sous le regne du roi Clovis I. à qui la nomination des évêchés fut donnée, comme une récompense de la victoire mémorable que ce roi avoit remportée contre Alaric roi des Visigots ; que cette faculté fut donnée à l’empereur Charlemagne par le pape Adrien, pour avoir exterminé les Ariens.

D’autres prétendent que la régale n’a été établie que par le concordat, fait entre Léon X. & François I.

Mais d’autres encore, que le concordat n’a fait que renouveller un droit que les rois de France avoient possédé dès le commencement de la monarchie.

En effet, Grégoire de Tours, Aimoin & nos anciens historiens, sont pleins d’exemples qui prouvent que nos rois de la premiere race disposoient des évêchés. Ils en parlent en ces termes. Talis episcopus ordinatus est jussu regis, ou assensu regis, ou decreto regis.

Le même ordre s’observoit sous la seconde race, puisque Loup, abbé de Ferrieres, rapporte que le roi Pepin obtint le consentement du pape Zacharie, pour nommer aux grandes dignités ecclésiastiques ceux qu’il en jugeroit les plus capables pour le bien de son état.

Hincmar, archevêque de Rheims, parle aussi de ces nominations.

On en trouve aussi la preuve dans le second concile d’Aix-la-Chapelle, sous Louis le Débonnaire.

Les successeurs de Hugues-Capet en usoient aussi de même.

Fulbert, évêque de Chartres, qui vivoit dans le xj. siecle, sous le roi Robert, témoigne la même chose en plusieurs endroits de ses épîtres.

Dans le xij. siecle, plusieurs papes disposerent seuls des grands bénéfices.

Mais sous Philippe-Auguste, vers le commencement du xiij. siecle, les élections furent en usage ; de maniere néanmoins que le roi les autorisoit.

Enfin le concordat accorde au roi le droit de nomination aux bénéfices consistoriaux, quoique l’on tienne que ce droit appartienne au roi, en vertu de sa souveraineté ; parce que le choix des prélats est une chose importante pour le bien de l’état, & que le roi, comme on l’a déjà dit ci-devant, est le premier patron & le protecteur des églises de son royaume : & c’est de ce droit de nomination aux grands bénéfices, que dérive le droit de régale.

Mais il n’est pas facile de rapporter des preuves que la régale, telle qu’elle se pratique présentement, étoit déjà établie dès le commencement de la premiere race.

Ce que l’on trouve de plus certain sur ce point, c’est qu’il est fait mention de ce droit de régale dans le testament de Philippe-Auguste, en forme d’ordonnance, de l’an 1190 ; dans une bulle du pape Innocent III. de l’an 1210 ; en l’ordonnance du roi Philippe-le-Bel, de l’an 1302, articles 3. & 4 ; dans celle de Philippe de Valois, de l’an 1334 ; de Charles VII. de l’an 1453, articles 5. & 76 ; de Louis XII. en 1499, articles 11. & 12.

Il y a ouverture à la régale par la vacance de l’évêché ou archevêché ; savoir, 1°. par mort.

2°. Par la promotion de l’évêque ou archevêque au cardinalat, ce qui vient de ce que le prélat promu à cette dignité étant attaché d’une maniere plus particuliere à l’église de Rome, attachement que l’on regardoit comme incompatible avec le service & la résidence que le prélat doit dans son diocèse, on regardoit l’évêché comme vacant. La promotion au cardinalat, sub expectatione tituli, opere le même effet ; mais la régale n’a lieu, par la promotion au cardinalat en général, que du jour que l’évêque a accepté.

3°. La régale est ouverte par la démission simple entre les mains du roi, & par la résignation en faveur, ou permutation, du jour que la résignation ou permutation est admise par le pape.

4°. Par la translation de l’évêque à un autre évêché ou archevêché, du jour du serment de fidélité prêté pour l’église à laquelle l’évêque a été transféré.

5°. Il y auroit aussi ouverture à la régale par la rébellion publique & notoire de l’évêque. Ce seroit une espece de commise, semblable à celle qui a lieu contre le vassal, pour cause de félonie.

Un bénéfice est dit vaquer en régale, lorqu’il se trouve vacant au moment que la régale s’ouvre dans un évêché, ou qu’il vient à vaquer depuis l’ouverture de la régale.

On distingue trois sortes de vacances par rapport à la régale ; savoir, 1°. la vacance de droit, qui arrive quand le pourvu a pris possession en personne sur un titre nul & vicieux : 2°. la vacance de fait, quand celui qui est pourvu par un titre canonique, n’a pris possession que par procureur ; car en matiere de régale, la prise de possession faite par procureur, quoique fondé de procuration spéciale, n’empêche pas que le bénéfice ne soit réputé vacant, si ce n’est un bénéfice à charge d’ames. 3°. La vacance de fait & de droit, quand un clerc possede un bénéfice sans titre canonique, & sans avoir pris possession en personne. Dans tous ces différens genres de vacance, le roi dispose des bénéfices qui vaquent en régale.

Le litige fait aussi vaquer en régale les bénéfices qui se trouvent contestés pendant qu’elle est ouverte ; mais il faut que l’affaire soit au moins problématique, & que l’un des contendans ne soit pas évidemment mal fondé.

Néanmoins si l’un des contendans avoit seulement pour lui le bon droit, & que l’autre fût en possession actuelle, le bénéfice contesté entre eux vaqueroit en régale ; parce que pour empêcher la vacance en régale, il faut que le bénéfice soit rempli de fait & de droit, par la même personne : & dans ce cas on reservoit à celui qui avoit droit son action en dommages & intérêts contre l’injuste possesseur.

Le seul litige injuste ne fait pas vaquer le bénéfice en régale, à-moins que la possession de fait & de droit ne soit divisée entre les collitigeans.

Pour faire vaquer un bénéfice en régale, à cause du litige, une simple assignation ne suffit pas ; il faut, suivant la déclaration du 10 Février 1673, qu’il y ait contestation en cause six mois avant le décès des évêques & archevêques. Cependant s’il étoit certain que le litige fût sérieux & de bonne foi, il feroit vaquer le bénéfice en régale, quoiqu’il n’y eût pas encore six mois depuis la contestation en cause.

La grand’chambre du parlement de Paris est le seul tribunal qui ait droit de connoître de la régale dans toute l’étendue du royaume.

Quand le pourvu en régale trouve un autre en possession du bénéfice, il doit former verbalement sa demande en la grand’chambre, par le ministere de son avocat, & réquerir permission de faire assigner tous les contendans.

On adjuge toujours l’état, c’est-à-dire la provision, au régaliste, en attendant le jugement du fond.

En matiere de régale, la cour connoît du pétitoire des bénéfices ; c’est pour quoi elle ne se sert pas du terme de maintenue : elle adjuge le bénéfice à celui qui y a droit.

Le régaliste ne peut pas au préjudice du roi, se désister de son droit au profit d’un pourvu par le pape, ou par l’ordinaire ; mais un régaliste peut céder son droit à un autre régaliste.

Entre plusieurs pourvus en régale, celui dont le brevet est le premier est préféré, à-moins que le second ne fût pourvu sur le véritable genre de vacance. Si les brevets se trouvent de même date, il faut s’adresser au roi, pour savoir quel est le pourvu qu’il veut préférer.

La régale a lieu en Bretagne dans le mois du pape, jusqu’à ce que l’évêque ait satisfait aux formalités nécessaires pour la clôture de la régale.

La régale est ouverte jusqu’à ce que le nouveau prélat ait fait au roi le serment de fidélité, qu’il en ait fait enregistrer l’acte en la chambre des comptes de Paris, & les lettres patentes de main-levée de la régale ; enfin qu’il ait levé l’arrêt de la chambre des comptes, & qu’il l’ait fait signifier avec l’attache & le mandement des auditeurs, au commissaire nommé pour la perception des fruits, aux substituts de M. le procureur-général, & aux officiers à la requête desquels la saisie des fruits a dû être faite, quand même il n’y auroit pas eu de saisie du temporel, ni d’économe constitué.

Lorsque le roi veut bien recevoir le serment de fidélité d’un nouvel évêque par procureur, & lui accorder la délivrance des fruits, la régale n’est pas close pour la collation des bénéfices, à-moins que la dispense accordée par le roi n’en contienne une clause formelle.

Le nouvel évêque qui a fait ses diligences pour prêter le serment de fidélité, & qui ne peut le prêter à cause de la guerre, ne doit plus être privé de ses droits pour la régale ; il doit avoir main-levée de son temporel, & pourvoir aux bénéfices dépendans de son évêché, à l’exclusion des régalistes.

Dans les collations en régale, le roi exerce le droit des évêques de la même maniere dont ils ont coutume d’en user avec leur chapitre.

Son pouvoir est même plus étendu que celui de l’ordinaire ; car le roi use du droit épiscopal tel qu’il étoit anciennement, lorsque les évêques avoient le pouvoir de conférer pleinement & librement toutes sortes de bénéfices ; il peut d’ailleurs admettre les résignations en faveur, & n’est point sujet à la prévention du pape.

La dévolution n’a pas lieu non plus au préjudice du roi, quoique l’évêque dont l’évêché est ouvert en régale, eût perdu son droit, & qu’il fût dévolu au métropolitain.

Quelques églises ont prétendu être exemptes de la régale, & Henri IV. déclara lui-même par un édit de 1606, qu’il n’entendoit pas qu’elle fût étendue aux églises exemptes.

Mais nonobstant cette déclaration, il intervint arrêt le 24 Avril 1608, sur les conclusions de M. l’avocat-général Servin, qui déclara que la régale avoit lieu dans l’église de Bellay, comme dans tous les autres archevêchés & évêchés du royaume.

En conséquence le roi usa de la régale dans les églises du Dauphiné, de la Provence & du Languedoc, qui jusqu’alors avoient passé pour exemptes.

La Sainte-Chapelle de Paris à laquelle la régale temporelle avoit été cédée, fit saisir les revenus des évêchés vacans dans ces provinces Elle jouissoit ainsi de la régale, en vertu d’une concession de 1542, qui fut d’abord à tems, puis continuée par les rois successeurs pendant leur vie. Enfin par un édit de 1641, elle lui fut ôtée, & le roi lui donna comme une espece d’indemnité, la mense abbatiale de S. Nicaise de Rheims.

Le clergé s’étant plaint de ce que l’on avoit étendu la régale dans des églises où le roi n’en avoit point usé par le passé, Henri IV. par des lettres patentes du 26 Novembre 1609, évoqua au conseil tous les procès pendans au parlement, sous prétexte de provisions accordées en régale, au préjudice de l’édit de 1606.

Il y eut en 1615, 1624 & 1636, divers contrats entre Louis XIII. & le clergé, par lesquels le roi promit de ne rien innover aux droits de l’Eglise.

Cependant comme il y eut encore des provisions en régale, & des saisies de la part de la Sainte-Chapelle, le clergé renouvella ses plaintes, ce qui donna lieu à un arrêt interlocutoire, portant que les évêques du Dauphiné, de la Provence & du Languedoc, envoyeroient au greffe du conseil les titres en vertu desquels ils se prétendoient exempts de la régale.

Enfin le 10 Février 1673 intervint une déclaration, par laquelle le roi déclara que la régale lui appartenoit dans tous les évêchés & archevêchés de son royaume, à l’exception seulement de ceux qui en seroient exemts à titre onéreux.

Il y a eu depuis divers arrêts conformes à cette déclaration ; & encore en dernier lieu un du 20 Mars 1727 pour l’église d’Arras.

Les églises de Lyon & d’Autun sont exemtes de la régale ; parce que pendant la vacance de l’une de ces deux églises, c’est l’évêque de l’autre qui a l’administration de l’église vacante, mais l’archevêque de Lyon ne jouit pas du temporel d’Autun.

Le roi confere en régale tous les bénéfices qui auroient été à la disposition de l’évêque, si le siege eût été rempli, à l’exception des cures dont la disposition appartient au chapitre.

Si la cure est unie à un canonicat, ou autre bénéfice simple, le roi la confere aussi en régale ; il en seroit autrement, si c’étoit le bénéfice simple qui fût uni à la cure, l’accessoire devant suivre le sort du principal.

Mais les prieurés-cures ne vaquent point en régale, excepté les prieurés-cures réguliers où les religieux ont cessé de faire les fonctions curiales, dont ils se sont déchargés sur des vicaires perpétuels.

Le roi confere pendant la régale les bénéfices qui sont en patronage, soit ecclésiastique ou laïc, mais seulement sur la présentation du patron ; & si celui-ci négligeoit de présenter dans le tems qui lui est accordé pour cet effet, le roi conféreroit librement : il y a encore cela de particulier pendant la régale, que le pape ne peut prévenir le patron ecclésiastique qui doit présenter au roi.

Dans les églises ou cathédrales, le chapitre confere les dignités & les prébendes ; le roi ne les confere pas en régale, mais il y a collation alternative ; le roi confere dans le tour de l’évêque ; & si la collation se fait conjointement par l’évêque & par le chapitre, le roi, pendant la régale, nomme un commissaire pour conférer avec le chapitre ; enfin si le chapitre présente & que l’évêque confere, la présentation du chapitre doit être faite au roi, lequel donne les provisions.

Lorsqu’une abbaye se trouve vacante tandis que la régale est ouverte, le roi confere en régale les bénéfices dépendans de cette abbaye, quand même ils vaqueroient en commende, ensorte qu’il jouit indirectement de la régale sur les abbayes.

Les bénéfices nouvellement érigés sont sujets comme les autres à la régale.

Le roi peut aussi conférer en régale ceux qui ont été unis depuis cent ans, à-moins que l’union n’ait été faite en vertu de lettres-patentes dûement omologuées.

Il peut aussi conférer en régale à des séculiers les bénéfices réguliers, dépendans des abbayes vacantes, lorsque les bénéfices sont situés dans les diocèses où la régale est ouverte, & que les trois derniers titulaires ont été pourvus en commende.

Tant que la régale est ouverte, le pape ne peut admettre aucune résignation en faveur, démission pure & simple, ni permutation ; il ne peut pas même conférer les bénéfices vacans in curiâ.

La résignation d’un bénéfice ne peut être admise par le pape durant l’ouverture de la régale ; c’est un droit qui n’appartient qu’au roi seul.

La regle de chancellerie de verisimili notitiâ obitûs n’a pas lieu pour les provisions en régale.

Les provisions en régale doivent être signées d’un secrétaire d’état, & sont sujettes à insinuation, ainsi que les prises de possession. Voyez les preuves des libertés de l’église gallicane ; le tome XI. des mémoires du clergé ; le président Guymier, sur la pragmatique ; le président le Maître, dans son traité des régales ; Chopin, lib. II. de domanis, cap. ix. Buzée & Probus ; Pasquier, liv. III. de ses recherches, ch. xxvij. xxviij. & xxix. Pinson, traité de la régale ; du Perray, sur le concordat ; les lois ecclésiastiques, de Héricourt ; Drapier, recueil de décision, & la déclaration du 18 Avril 1673.

Régale signifie aussi dans quelques coutumes, la perte des fruits de l’héritage, ou le droit que le seigneur féodal a de prendre, & appliquer à son profit les fruits des héritages de fief ou côtiers à faute de les relever & droiturer, comme en la coutume d’Artois, articles 23 & 24. Voyez le glossaire de M. de Lauriere au mot régale, & l’auteur des notes sur Artois, article 24.

Régales au pluriel, ou droits régaliens, sont tous les droits qui appartiennent au roi à cause de sa souveraineté.

On distingue deux sortes de régales, les grandes & les petites.

Les grandes régales, majora regalia, sont celles qui appartiennent au roi, jure singulari & proprio, & qui sont incommunicables à autrui, attendu qu’elles ne peuvent être séparées du sceptre étant des attributs de la souveraineté, comme de se qualifier par la puissance de Dieu, de faire des lois, de les interpreter ou changer, de connoître en dernier ressort des jugemens de tous magistrats, de créer des offices, faire la guerre ou la paix, traiter par ambassadeurs, faire battre monnoie, en hausser ou baisser le titre & la valeur, mettre des impositions sur les sujets, les ôter ou en exempter certaines personnes, donner des graces & abolitions pour crimes, accorder d’autres dispenses de la rigueur des lois, naturaliser les étrangers, faire des nobles, ériger des ordres de chevalier & autres titres d’honneur, légitimer les bâtards, donner des lettres d’état, amortir les héritages tombés en main-morte, fonder des universités, ériger des foires & marchés publics, instituer des postes & couriers publics, assembler les états généraux ou provinciaux, &c.

Les petites régales, minora regalia, sont celles qui n’étant point nécessairement inhérentes à la couronne, peuvent en être séparées, au moyen de quoi elles sont communicables & cessibles ; telles sont les grands chemins, les grandes rivieres, les péages & autres droits semblables. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race ; le Bret, traité de la souveraineté ; Dargentré, sur l’article 56. de la coutume de Bretagne. (A)

Régale, eau, (Chimie.) l’eau régale est un acide composé de deux autres, le nitreux & le marin. La plus grande & la plus remarquable de ses propriétés est de pouvoir dissoudre le roi des métaux, sans toucher à l’argent dont il fait le départ ; si ces deux substances sont unies, on observera ici que pour peu qu’un des deux acides domine, une partie de l’argent sera entraînée dans la dissolution, sur-tout si c’est le nitreux.

On a plusieurs manieres de préparer l’eau régale : 1° on fait fondre dans l’esprit-de-nitre du sel ammoniac, l’acide marin s’unit avec le nitreux, pendant que l’alkali volatil dégagé par ce dernier acide, comme ayant avec lui plus d’affinité, forme le nitre brûlant : 2° on mêle de l’esprit-de-sel à l’eau-forte : 3° on verse dans une cornue l’acide nitreux sur du sel marin décrépité, & on les fait distiller : 4° on fait distiller ensemble du nitre & du sel marin mêlés avec une terre bolaire. La méthode la plus suivie, parce qu’elle est plus simple & moins dispendieuse, est la premiere, mais la meilleure est la seconde.

De toutes les substances solubles dans les acides, l’argent est presque la seule qui ne soit point dissoute dans l’eau régale. C’est ici que les merveilles inexplicables se présentent bien. Les deux acides qui composent l’eau régale, dissolvent séparément l’argent, & ne l’entament pas seulement quand ils sont unis.

On a peu travaillé sur cet acide, on n’a examiné avec soin aucun des sels qu’il peut produire, à peine sait-on qu’il en donne avec l’or. On n’a point tenté de le dulcifier, & encore moins d’en retirer un éther qui auroit pû conduire peu-à-peu à l’éther marin, en diminuant successivement la quantité de l’acide nitreux, & observant ce qui arriveroit dans ces différentes combinaisons. Cet acide peut, comme les autres, former des savons étant uni avec les huiles ; les procédés qu’il faudroit suivre ne sont point connus. Enfin nous ne soupçonnons pas qu’il ait jamais été d’aucun usage médicinal ; il peut donc devenir le sujet d’une multitude de recherches & de découvertes.

Régale, s. f. (Musiq.) sorte d’ancien instrument composé de plusieurs bâtons de bois résonnant, attachés près-à-près, & qui vont en augmentant ; on les touche avec une boule d’ivoire, qui est au bout d’un petit bâton. Il est dit dans la satyre Ménippée : « Le charlatan espagnol étoit monté sur un petit échafaud, jouant des régals ». Surquoi M. Dupuy fait cette note : Régal est une épinette organisée, autrement un petit jeu d’orgue & de flûte, fort commun en Espagne & en Italie. En France, cet instrument s’appelle un positif. (D. J.)