L’Encyclopédie/1re édition/QUOTIDIENNE, fievre

QUOTIDIENNE, fievre, (Médecine.) espece de fievre intermittente qui vient, cesse tous les jours, & est suivie de quelques heures d’intermission. Elle est beaucoup moins fréquente que la tierce & la quarte ; dans cette fievre la nature tâche de se délivrer elle-même du poids d’une matiere morbifique qui lui est incommode, & qui se trouve communément exister dans les premieres voies.

Ses différences d’avec d’autres fievres. Il ne faut pas confondre la fievre quotidienne intermittente avec la quotidienne continue. Dans cette derniere la chaleur, la langueur, le dégoût, la vîtesse & la foiblesse du pouls, durent jusqu’à ce qu’elle cesse : quand elle persiste long-tems, elle épuise les forces du malade.

La fievre quotidienne intermittente, est encore différente de la fievre quotidienne catharreuse, laquelle est accompagnée de fluxion, & est plus ou moins maligne ; quand elle se trouve de ce dernier caractere, elle détruit les forces, & ne fait que diminuer au-lieu de cesser entierement.

La fievre quotidienne intermittente vraie, differe aussi des autres fievres intermittentes ; car lorsque la fievre tierce devient double de simple qu’elle étoit auparavant, l’accès revient aussi tous les jours, mais les tems de son attaque ne répondent point alternativement les uns aux autres, & comme ses causes sont différentes, les remedes doivent l’être aussi.

Si la fievre quarte revient tous les jours, on l’appelle triple, & son accès ne vient pas tous les jours à la même heure, mais tous les quatre jours, le période de son accession est le même ; comme les causes qui l’occasionnent sont différentes, on doit aussi employer différentes méthodes de traitement.

On distingue enfin la fievre quotidienne intermittente vraie, de la fievre lente, en ce que cette derniere vient d’ordinaire vers le soir après qu’on a mangé, sans aucun frisson, & qu’elle est accompagnée d’une chaleur dans les paumes de la main, & dans les plantes des piés. Elle est aussi beaucoup plus violente dans la nuit que dans le jour ; elle provoque la sueur, & diminue le matin sans cesser tout-à-fait.

Ses signes. La fievre quotidienne a les symptomes suivans. Elle commence ordinairement le matin par le froid & le frisson sans aucun tremblement. Il survient ensuite une légere chaleur ; le pouls qui étoit auparavant débile augmente ; la sueur succede, mais peu abondante ; l’accès cesse au bout d’environ huit heures, & revient le jour suivant à-peu-près à la même heure. Cette fievre est quelquefois accompagnée de dégoûts, de maux de tête, de cardialgie, de vomissemens, ou d’un flux de ventre : l’urine n’est point enflammée, mais crue & d’un jaune pâle.

On appelle fievre quotidienne bâtarde erratique ou anomale celle qui ne conserve point de période fixe, mais qui paroit dans différens tems indéterminés. Cette derniere fievre irréguliere est quelquefois épidémique, sur-tout lorsque les saisons ont été long-tems dérangées.

Ses causes. La principale cause de la fievre quotidienne vraie semble être une matiere visqueuse logée dans les premieres voies, & qui est souvent accompagnée de l’épaississement du sang dans la veine-porte ; les causes occasionnelles sont une nourriture grossiere & épaisse, une vie trop sédentaire, mélancholique, & en genéral toutes les causes de la fievre tierce ; sa cause formelle consiste dans l’affection spasmodique du système nerveux.

Les premieres voies, savoir le ventricule, le duodenum, le jejunum, sont le siége où réside la matiere viciée qui produit cette fievre ; de-là vient qu’elle est ordinairement accompagnée de vents, de dégoûts, de nausées, d’envies de vomir, & d’inquiétudes autour de la région des intestins. Sa durée est longue, quand le vice qui l’occasionne est considérable & enraciné. Elle cesse souvent d’elle-même sans le secours de la nature, au moyen des déjections, ou par l’art qui met en usage les émétiques & les purgatifs joints aux stomachiques.

Ses prognostiques. La fievre quotidienne légitime, & produite par l’atonie des visceres, est de longue durée ; celle au contraire qui est erratique se guérit aisément. La même fievre qui succede à d’autres fievres intermittentes, & sur-tout à la fievre quarte, est dangereuse, suivant la remarque de Celse.

La fievre quotidienne qui laisse une intermission totale de l’accès, prend au contraire un aspect favorable. Si au commencement du paroxysme, il arrive quelque déjection par haut ou par bas, c’est bonne marque, quand les forces sont entieres. Pareillement la sueur qui survient sur le déclin de l’accès, de même qu’une décharge copieuse d’urine avec sédiment après le paroxysme, concourt à annoncer la prompte fin de la maladie.

Sa méthode curative. Elle consiste, 1°. à chasser des premieres voies, par les émonctoires convenables, les humeurs nuisibles qui s’y sont amassées, après les avoir préparées ; 2°. fortifier les visceres qui sont dans l’atonie ; 3°. rétablir la circulation dans les visceres du bas-ventre, qui sont les organes destinés à l’élaboration du chyle.

On remplit la premiere intention par des remedes incisifs & détersifs, ainsi que par les sels neutres. Après avoir évacué les impuretés contenues dans les premieres voies, on fortifie le ton des visceres par des pilules balsamiques ; ensuite on emploie les élixirs amers mêlés avec des chalybés. On varie l’usage de ces remedes suivant le tempérament, l’âge, la constitution, le sexe, & les causes de la maladie. On provoque un peu la sueur qui est sur le point de paroître, par le repos, & des boissons chaudes un peu corroborantes.

Observations pratiques. Le traitement de ces fievres demande de la circonspection pour les empêcher de dégénérer en mal chronique. Il faut sur-tout s’abstenir de tout purgatif, sudorifique, & émétique violent. On doit préparer & disposer la matiere peccante à un flux salutaire, en employant de légers purgatifs ou émétiques avant le retour de l’accès. Si cette fievre est accompagnée d’enflure d’estomac, il faut raffermir cette partie par des épithèmes corroborans appliqués sur la région de l’épigastre. Dans les quotidiennes erratiques & autres, après l’emploi des remedes ci-dessus indiqués, l’électuaire de quinquina & de cascarille est d’un excellent usage. La saignée n’est indiquée que dans la pléthore occasionnée par la suppression du flux menstruel ou hémorrhoïdal, & alors on doit ouvrir la veine dans le commencement de la maladie. (Le Chevalier de Jaucourt.)