L’Encyclopédie/1re édition/PUY, le

PUY, le (Géogr. mod.) ville de France dans le gouvernement du Languedoc, & la capitale du Vélay, à 14 lieues au nord-est de Mende, à 18 de Viviers, 58 au nord-est de Toulouse, & 112 de Paris. Elle est située près de la Borne & de la Loire, sur la petite montagne d’Anis, d’où elle a pris les noms d’Anicium & de Podium ; car le mot puig ou pueck, signifie en langue aquitanique, une montagne.

Le Puy est aujourd’hui une des plus grandes villes de Languedoc ; il y a sénéchaussée & présidial. Quand cette ville se fut accrue, on y transféra l’évêché de Ruescium, qui est aujourd’hui Saint-Paulien, bourg d’Auvergne dans l’élection de Brioude.

On prétend que Louis le Gros donna la seigneurie de cette ville à l’évêque en 1134. Cet évêché n’a que 129 paroisses ; il vaut au moins 36000 liv. de revenu, & ne releve que du saint siege ; mais pour la police intérieure, l’évêque du Puy est de la province ecclésiastique de Bourges. Son diocèse est renfermé dans une petite contrée appellée le Vélay. Le pape Clément IV. avoit été évêque du Puy ; mais avant qu’il eut embrassé l’état ecclésiastique, il avoit pris alternativement le parti des armes, celui de l’étude, de la jurisprudence, & s’étoit même marié. S. Louis le fit son secrétaire.

La ville du Puy est bâtie en amphithéatre, & a plusieurs communautés de l’un & de l’autre sexe. Sa cathédrale a vû dans les siecles de superstition, des princes, & même des souverains, s’y rendre en pélerinage. MM. de Saint-Sulpice ont le séminaire, & les Jésuites y tenoient un college. Long. 21. 33. 20. latit. 45. 25. 2.

Tardif (Guillaume) en latin Tardivus, naquit dans le quinzieme siecle à Puy. Il devint professeur en Belles-lettres & en éloquence au college de Navarre dans l’université de Paris. Il étoit outre cela lecteur, ou comme on s’exprimoit alors, liseur en titre d’office du roi Charles VIII. Il nous reste encore quelques écrits de sa composition, comme un grammaire latine, une rhétorique assez bonne, une édition de Solin, qu’il mit au jour en 1498, & l’art de Fauconnerie & des chiens de chasse, imprimé à Paris en 1492 in-folio. Ce dernier ouvrage a été réimprimé fort souvent dans la suite, comme en 1506 in-4°, en 1567, en 1606, & ensuite en latin à Bâle en 1578, & à Augsbourg en 1596 in-8°.

C’est aussi à Puy en Velay qu’est né en 1661, le cardinal Melchior de Polignac. Six mois après sa naissance, il fut exposé par sa nourrice qui étoit fille, & qu’une premiere faute n’avoit pas rendu plus sage. Frappée de ce qu’elle avoit à craindre dans cet état, elle disparut après avoir porté l’enfant sur un fumier, où il passa toute la nuit. Heureusement c’étoit dans la belle saison ; on le retrouva le lendemain en bonne santé ; & comme son corps étoit formé par les graces, l’enfant devint après cette avanture encore plus cher à ses parens. Il fit ses études à Paris, & s’est illustré dans les lettres, dans l’église, dans le sacré college, & dans plusieurs négociations.

Etant envoyé en Pologne en 1694, il y devint un objet d’admiration & de crainte. Orné des dons du corps & de l’esprit, aimable courtisan, génie agréable, beau parleur, politique délié plus que profond, il n’étoit venu que pour l’ambassade, & on l’eût pris pour le premier ministre de Pologne. Avant son arrivée, les Allemands primoient à la cour ; les François prirent le dessus. Il étoit de tous les conseils secrets ; & pendant que le roi étoit obligé de penser à sa santé, il s’enfermoit souvent avec la reine. Les femmes & les courtisans oisifs en plaisantoient, sans penser que la reine avoit renoncé aux foiblesses des femmes pour les passions des hommes.

Quoi qu’il en soit, sa négociation ne réussit pas, & à son retour le roi l’exila pour quelque tems dans son abbaye de Bonport. Etant rentré en grace, il fut employé dans des négociations à la cour de Rome, & ensuite il fut nommé plénipotentiaire aux conférences d’Utrecht. Durant la régence, le cardinal de Polignac fut exilé dans son abbaye d’Anchin, d’où il ne fut rappellé qu’en 1721. Il mourut à Paris en 1741 âgé de 80 ans, membre de l’Académie françoise, de celle des Sciences, & de celle des Belles-lettres.

Il aima toujours les beaux Arts & les Sciences. Il paroît dans son anti-Lucrece, aussi bon poëte qu’on peut l’être dans une langue morte. Malheureusement pour lui, en combattant Lucrece, il attaqua Newton. M. de Bougainville, secrétaire de l’academie des Belles Lettres, a donné une traduction françoise de ce poëme du cardinal de Polignac ; mais déja peu de physiciens lisent le poëme même. Le Chevalier de Jaucourt.