L’Encyclopédie/1re édition/PHARISIEN

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PHARISIEN, (Hist. & critiq. sacrée.) les Pharisiens formoient la secte la plus nombreuse des Juifs, car ils avoient non-seulement les scribes & tous les savans dans leur parti, mais tout le gros du peuple. Ils différoient des Samaritains, en ce qu’outre la loi, ils recevoient les prophetes & les Hagiographes, & les traditions des anciens ; ils differoient des Sadducéens, outre tous ces articles, en ce qu’ils croyoient la vie à venir & la résurrection des morts ; & dans la doctrine de la prédestination & du franc-arbitre.

Pour le premier de ces points, il est dit dans l’Ecriture, qu’au lieu que les Sadducéens assurent qu’il n’y a point de résurrection, ni d’anges, ni d’esprits, les Pharisiens confessent l’un & l’autre, c’est-à-dire ; 1°. qu’il y a une résurrection des morts ; 2°. qu’il y a des anges & des esprits. A la vérité, selon Josephe, cette résurrection n’étoit qu’une résurrection à la pythagoricienne ; c’est-à-dire simplement un passage de l’ame dans un autre corps, où elle renaissoit avec lui.

Pour ce qui est de l’opinion des Pharisiens sur la prédestination & le franc-arbitre ; il n’est pas aisé de la découvrir au juste ; car selon Josephe, ils croyoient la prédestination absolue, aussi-bien que les Esséniens, & admettoient pourtant en même tems le libre-arbitre, comme les Sadducéens. Ils attribuoient à Dieu & au destin tout ce qui se fait, & laissoient pourtant à l’homme sa liberté. Comment faisoient-ils pour ajuster ensemble ces deux choses qui paroissoient si incompatibles ? C’est ce que personne n’expliquera.

Mais le caractere distinctif des Pharisiens étoit leur zele pour les traditions des anciens, qu’ils croyoient émanées de la même source que la parole écrite ; ils prétendoient que ces traditions avoient été données à Moise en même tems que la parole sur le Mont-Sinaï ; & aussi leur attribuoient-ils la même autorité qu’à celle-là.

Cette secte qui faisoit son capital de travailler à leur propagation, & à les faire observer où elles étoient déja établies, commença en même tems qu’elles ; & les traditions & la secte s’accrurent si bien avec le tems, qu’enfin la loi traditionale étouffa la loi écrite ; & ses sectateurs devinrent le gros de la nation juive. Ces gens-là, en vertu de leur observation rigide-de la loi ainsi grossie de leurs traditions, se regardoient comme plus saints que les autres, & se séparoient de ceux qu’ils traitoient de pécheurs & de profanes, avec qui ils ne vouloient pas seulement manger ou boire ; c’est de-là que leur est venu le nom de Pharisiens, du mot de pharas, qui signifie séparé, quoique cette séparation dans leur premiere intention, eût été de s’écarte du petit peuple, qu’ils appelloient am haaretz, le peuple de la terre, & qu’ils regardoient avec un souverain mépris comme la balayure du monde ; leurs prétentions hypocrites d’une sainteté au-dessus du commun, imposerent à ce petit peuple même & l’entraînerent, par la vénération & l’admiration qu’elles lui causerent.

Notre-Seigneur les accuse souvent de cette hypocrisie, & d’anéantir la loi de Dieu par leurs traditions. Il marque plusieurs de ces traditions, & les condamne, comme nous le voyons dans l’Evangile ; mais ils en avoient encore bien d’autres, outre celles-là. Pour parler de toutes, il faudroit copier le talmud, qui n’a pas moins de douze vol. in-fol. Ce livre n’est autre chose, que les traditions que cette secte imposoit & commandoit, avec leurs explications. Quoiqu’il y en ait plusieurs qui sont impertinentes & ridicules, & que presque toutes soient onéreuses ; cette secte n’a pas laissé d’engloutir toutes les autres ; car depuis plusieurs siecles, elle n’a eu d’opposans qu’un petit nombre de Caraïtes. A cela près, la nation des Juifs, depuis la destruction du temple jusqu’à présent, a reçu les traditions pharisiennes & les observe encore avec respect.

Les Pharisiens ne se contenterent pas des vaines spéculations sur la résurrection, les anges, les esprits, la prédestination & les traditions ; ils s’intriguoient dans toutes les affaires du gouvernement, & entr’autres choses ils soutinrent sous main le parti qui ne vouloit point d’étranger pour roi. De-là vient, que pendant le ministere de notre Sauveur, ils lui proposerent malignement la question, s’il étoit permis de payer le tribut à César ou non ; car quoique la nécessité les obligeât de le payer, ils prétendoient toujours que la loi de Dieu le défendoit ; mais ce n’est pas à Notre-Seigneur seulement, qu’ils tendirent des pieges ; long-tems avant sa naissance, ils persécuterent avec violence tous ceux qui n’étoient pas de leur faction. Enfin leur tyrannie ne finit qu’avec le regne d’Aristobule, après avoir tourmenté leurs compatriotes depuis la mort d’Aléxandrie Jannée. (Le Chevalier de Jaucourt.)