L’Encyclopédie/1re édition/PERORAISON

◄  PÉRONNE
PERORSI  ►

PERORAISON, s. f. (Belles Lettres.) en Rhétorique, c’est la conclusion ou la derniere partie du discours, dans laquelle l’orateur résume en peu de mots les principaux chefs qu’il a traités avec étendue dans le corps de sa piece, & tâche d’émouvoir les passions de ses auditeurs.

De-là il s’ensuit que la péroraison est composée de deux parties ; 1°. d’une récapitulation, qui contient l’abregé & l’exposé succint de toutes les choses sur lesquelles a roulé le discours, & auxquelles on tâche de donner une nouvelle force, en les réunissant ainsi d’une maniere précise. Voyez Récapitulation.

2. L’orateur doit y exciter les passions, ce qui est si essentiel à la peroraison, que les maîtres de l’art appellent cette partie du discours sedes affectuum. Voyez Passions.

Les passions qu’on doit exciter dans la peroraison varient, suivant les diverses especes de discours. Dans un panégyrique, ce sont des sentimens d’amour, d’admiration, de joie, d’émulation qu’on se propose d’imprimer dans l’ame des auditeurs. Dans une invective, c’est la haine, le mépris, l’indignation, la colere, &c. dans un discours du genre délibératif ; on s’efforce de faire naître, l’espérance ou la confiance, d’inspirer la crainte ou de jetter le trouble dans les cœurs.

Les qualités requises dans une peroraison sont, qu’elle soit véhémente & pleine de passions, mais en même tems courte ; car selon la remarque de Ciceron, les larmes sechent bien vîte. Il ne faut pas laisser à l’auditeur le tems de respirer pour ainsi dire, parce que le propre de la réfléxion est d’étendre ou d’amortir la passion.

La peroraison étoit la partie principale où Ciceron excelloit. Et en effet, non-seulement il y anime & échauffe ses auditeurs, mais il y semble encore lui-même tout de feu, sur-tout lorsqu’il excite la commisération & la pitié pour un accusé. Il rapporte, que souvent il arrachoit des larmes à son auditoire, & même aux juges, & il ajoute que lorsque plusieurs orateurs étoient chargés de parler dans une même cause, la peroraison lui étoit toujours réservée, & il nous donne une excellente raison de cette préférence. C’étoit moins, dit-il, le génie qui le rendoit éloquent & pathétique dans ces occasions, que la douleur dont il étoit lui-même pénétré & le vif intérêt qu’il prenoit à ses cliens ; c’est ce qu’il est aisé de remarquer dans ces paroles de la peroraison pour Milon : Sed finis sit, neque enim præ lacrymis jam loqui possum, & hic se lacrymis defendi vetat. Et dans celle pour Rabirius Posthumus : Sed jam quoniam, ut spero, fidem quam potui tibi præstiti, Posthume reddam etiam lacrymas quas debeo. Jam indicat tot hominum cœcus quam sit carus tuis, & me dolor debilitat includit que vocem.

Quand on dit que la peroraison doit émouvoir les passions, on suppose que le sujet en est susceptible, car rien ne seroit plus ridicule que de terminer par des traits pathétiques une cause, où il ne s’agiroit que d’un intérêt leger ou d’un objet fort peu important.

On peut enfin observer qu’on conçoit quelquefois la peroraison en forme de priere ; l’éloquence de la chaire est restée en possession de cette derniere méthode, très-convenable aux sujets qu’elle traite. On en trouve cependant quelques exemples dans les orateurs profanes, comme dans la harangue de Démosthènes pour Ctésiphon, & dans la seconde Philippique de Ciceron.