L’Encyclopédie/1re édition/OSSEMENS

OSSEMENS, s. m. pl. os décharnés des animaux qui sont morts. Les cimetieres sont pleins d’ossemens.

Ossemens fossiles, (Hist. nat. Minéralogie.) on rencontre en plusieurs pays des ossemens, tant de quadrupedes que de poissons enfouis dans le sein de la terre, & qui n’y ont souvent éprouvé aucune altération, de cette espece sont les dents d’éléphant que l’on a rencontrées en Sibérie, en Pologne, en France & en Angleterre, &c. Les os de mammoth que l’on trouve en Sibérie, la licorne fossile qui a été trouvée près de Quedlimbourg, suivant le rapport de M. de Leibnitz, &c. Voyez Ivoire fossile & Licorne fossile.

Ces endroits ne sont point les seuls où ces sortes d’ossemens se rencontrent, on trouve en France aux environs de Dax au pié des pyrénées un amas très-considérable d’ossemens de poissons, de vertebres d’une grosseur prodigieuse, & depuis quelque tems M. de Borda qui cultive l’histoire naturelle dans ce pays, a envoyé à l’académie des Sciences la mâchoire d’un crocodile, trouvée dans ce même canton, & que M. Bernard de Jussieu regarde comme de la même espece que le crocodile, appellé garial, qui se trouve dans le Gange. On voit au même endroit des palais de poissons, des glossopetres d’une grosseur prodigieuse, & une infinité de dépouilles de poissons. Le même M. Bernard de Jussien a vû près de Montpellier en Languedoc des ossemens de poissons cétacés d’une grandeur demesurée, qui étoient mêlées avec des coquilles. On a trouvé près de Mary, village des environs de Meaux, un os de la tête de l’hyppopotame. Toutes ces choses semblent prouver d’une maniere incontestable des révolutions, par lesquelles la mer qui couvroit le continent que nous habitons, s’en est retirée pour aller occuper d’autres lieux. Voyez l’article Fossiles.

Parmi le grand nombre d’ossemens d’animaux que l’on rencontre dans le sein de la terre, il n’y en a guere de plus singuliers, & dont l’origine soit plus difficile à expliquer que ceux que l’on trouve à Canstadt, à une lieue de Stutgard, dans le duché de Wirtemberg. Il y a en cet endroit une colline composée d’une pierre à chaux, sur laquelle on trouve les restes d’un bâtiment antique de forme exagone, que quelques-uns croient avoir été un temple, & d’autres un fort des Romains. Le duc de Wirtemberg ayant fait fouiller dans cette colline en 1700, on y trouva un amas prodigieux d’ossemens de différentes grandeurs ; on y trouva d’abord dans une espece de limon plus de soixante cornes ou dents courbées, depuis un pié jusqu’à dix piés de longueur ; ces dents se trouvoient confondues 1° avec des mâchoires, des dents molaires encore dans leurs alvéoles & d’autres détachées, des omoplattes, des os femur, des crânes, des vertebres d’animaux de la taille des éléphans ; 2° des dents, des mâchoires, des vertebres & d’autres os d’animaux d’une moindre grandeur, tels que sont des bêtes sauvages, des chiens, &c. 3° enfin des os de petits animaux, tels que des souris, de mulots, &c. Tous ces ossemens étoient comme calcinés ou comme ayant un commencement de pétrification, la plûpart étoient en fragmens, cependant quelques-uns étoient restés dans leur état naturel. On a aussi trouvé dans la roche des environs que l’on fit sauter avec de la poudre des ossemens qui y étoient renfermés, ainsi que des petites coquilles. Voyez une dissertation latine qui a pour titre : Œdipus Osteolithologicus, seu dissertatio de cornibus & ossibus fossilibus Canstadiensibus, par David Spleiss.

Quelques auteurs ont eu la simplicité de croire que ces ossemens avoient appartenu à des géans : d’autres ont conjecturé que les Romains avoient amené autrefois des éléphans en Germanie, & que ces ossemens en étoient les débris : d’autres enfin ont imaginé que ces os étoient les restes des animaux qui avoient été immolés dans les sacrifices des anciens Celtes. Mais tous ces sentimens n’ont guere de probabilité ; & il y a lieu de croire que les animaux à qui ces ossemens ont appartenu, ont été ensevelis en terre par quelque révolution arrivée à cette partie du continent.

Près d’Etampes il se trouve un amas d’ossemens de différentes grandeurs, très-semblable à celui de Canstadt qui vient d’être décrit.

Les ouvrages des Naturalistes sont remplis d’exemples de pareils ossemens qui se sont trouvés enfouis dans la terre à différentes profondeurs, & dans différens pays. En 1672 on trouva à Cambourg en Thuringe, & en 1685, près de Hildbourghasen, quelques dents d’éléphans ; & même en 1695 on déterra près de Tonna en Thuringe, un squelette entier d’éléphant, avec quatre dents molaires, & deux défenses chacune de huit piés de longueur. Les Miscellanea Berolinensia parlent du squelette d’un crocodile qui fut trouvé dans les mines de la Thuringe. Dans la grotte de Baumann, & dans celle de Schartzfeld, près du Hartz, on rencontre des vertebres, des côtes, des omoplates, & une grande quantité d’ossemens de toute espece. A l’égard des os de mammoth, nous en avons parlé assez au long à l’article Ivoire fossile.

On voit dans l’Histoire de l’Académie des Sciences de l’année 1719, qu’on trouva en Gascogne un amas considérable d’ossemens de différentes grandeurs, qui furent mis à découvert par la chûte d’un rocher ; il y avoit des dents, des os de cuisses & de jambes, & même un fragment de bois de cerf ou d’élan. On verra une énumération assez longue des différens ossemens d’éléphans & d’autres animaux, trouvés en Angleterre & dans beaucoup d’autres pays, dans un mémoire du célebre chevalier Hans Sloane, inséré dans les Mémoires de l’Académie royale des Sciences, année 1727.

En Angleterre, dans la province de Derbyshire, en fouillant pour découvrir une mine de plomb, on trouva en 1744 un squelette humain, ainsi que des bois de cerf. Ces ossemens étoient recouverts d’une pierre très-dure, au point de faire feu contre les outils des ouvriers ; de sorte qu’ils paroissoient avoir été logés dans une cavité qui étoit dans cette pierre. Voyez les Transactions philosoph. n. 475. On voit aussi à Rome, dans la villa Ludovisia un amas d’ossemens humains, qui sont recouverts d’une incrustation pierreuse, sans être eux-mêmes changés en pierre. Voyez les Transactions philosoph. n. 477.

On a trouvé en Champagne, dans une carriere qui est auprès du village de Lieucoton, distant de trois lieues de Langres, un squelette humain entier, d’une grandeur extraordinaire, dont le femur ou l’os de la cuisse avoit près de deux piés de longueur ; ce squelette se trouva pris entre deux bancs de pierre dont il étoit enveloppé. (—)