L’Encyclopédie/1re édition/ORNITHOMANCIE

ORNITHOMANCIE, s. f. (Art de divin.) divination qu’on tiroit de la langue, du vol, du cri ou du chant des oiseaux. Ὤρνις, ὄρνιθος, oiseau, & μαντις, devin, nom que les Grecs donnoient à ce qui s’appelloit chez les Romains, un augure. Ils tiroient des présages heureux ou malheureux des oiseaux, & cela de deux manieres ; ou de leur cri, de leur chant ou de leur vol. Les oiseaux dont on consultoit le cri, le chant, étoient proprement nommés oscines, comme le corbeau, la corneille, le hibou ; ceux dont on ne consultoit que le vol, étoient appellés alites & præpetes, comme l’aigle, le busard, le vautour. Il y en avoit qui étoient oscines & alites ; tels étoient le pivert, le corbeau, &c.

Mais tous les gens un peu sensés se moquoient de ces présages & des augures qui les tiroient. Pacuve parloit très-bien d’eux.

Istis qui linguam avium intelligunt
Plusque ex alieno jecore sapiunt quam ex suo,
Magis audiendum quam auscultandum censeo.

« Pour ces devins qui se piquent d’entendre le langage des oiseaux, & qui tirent plus de sens du cœur des animaux que de leur propre cœur, je suis d’avis qu’il vaudroit mieux leur prêter l’oreille que notre confiance ».

Ces trois vers de Pacuve contiennent une réflexion digne des siecles éclairés. Cependant comme les maladies de l’esprit ne se guérissent guere parmi les hommes, l’Astrologie, & l’art de prédire par les objets vus dans l’eau, succederent chez les Chrétiens aux extispices, c’est-à-dire, aux divinations par les entrailles des victimes & à l’Ornithomancie.

Je voudrois bien n’avoir pas à reprocher à Montagne un discours pitoyable, où, selon lui, de toutes les prédictions, les plus certaines étoient celles qui se tiroient du vol des oiseaux. « Nous n’avons rien, dit-il, de si admirable : cette regle, cet ordre du branler de leurs aîles dont on tire des conséquences des choses futures, il faut bien qu’il soit conduit par quelque excellent moyen à cette noble opération ; car l’attribuer à une ordonnance naturelle, ce seroit une idée évidemment fausse ».

Il est plaisant de voir un pyrrhonien, qui se joue de l’histoire, traiter d’idée évidemment fausse, celle des Physiciens de tous les âges. Montagne devoit bien être physicien autant que Virgile, qui n’attribue qu’à la diversité de l’air les changemens réglés du mouvement de leurs aîles, dont on peut tirer quelques conjectures pour la pluie & le tems serein ; Montagne, dis-je, devoit connoître aussi-bien que moi, ces beaux vers des Géorgiques.


Non equidem credo quia sit divinitus in illis
Ingenium, aut rerum fato prudentia major ;
Verùm ubi tempestas & cœli mobilis humor
Mutavere vias, & Jupiter humidus austris
Densat, erant quæ rara modo, & quæ densa relaxat ;
Vertuntur species animorum, ut corpora motus
Nunc hos, nunc alios : dùm nubila ventus agebat,
Concipiam, hinc ille avium concentus in agris,
Et lætæ pecudes, & ovantes gutture corvi.

Enfin, si Montagne n’a pas cru un mot de ce qu’il disoit, il est inexcusable de s’être joué ainsi de ses lecteurs, en leur inspirant de fausses & de puériles opinions. (D. J.)