L’Encyclopédie/1re édition/OB

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OB, (Art. numismat.) M. Patin rapporte une médaille frappée à l’honneur de l’empereur Adrien (peut-être à cause de la connoissance qu’il avoit de la Médecine), où l’on voit d’un côté Esculape avec Hygéia, & de l’autre Télesphore, avec cette inscription autour : Περγα επι κεφαλαιονος. Auprès du Télesphore il y a ces lettres ob. Cet antiquaire explique les premiers mots de cette maniere, pergamenorum sub cephalione, ajoutant en caracteres italiques Telesphorus. Il dit ensuite, après Pausanias, que Télesphore étoit une divinité des Pergaméniens, qui avoit été ainsi nommée par le commandement de l’oracle, & que quelques-uns traduisoient ce mot par celui de devin ou de ventriloque.

Voici comme en parle Selden. « On traduit ordinairement le mot ob, par celui de pithon ou de magicien ; mais Ob étoit un esprit ou un demon, qui donnoit ses réponses comme si les paroles étoient sorties des parties que l’honnêteté ne permet pas de nommer, ou quelquefois de la tête, & quelquefois des aisselles ; mais d’une voix si basse, qu’il sembloit qu’elle vînt de quelque cavité profonde, comme si un mort avoit parlé dans le tombeau ; en sorte que celui qui le consultoit, ne l’entendoit souvent point du tout, ou plutôt entendoit tout ce qu’il vouloit ». Selden ajoute peu après ce qui suit. « Voyez l’histoire de Samuel, dont la figure fut montrée à Saül par une femme, des parties honteuses de laquelle Ob parloit, ou étoit censé parler. L’Ecriture, dans le premier livre de Samuel, ch. xxxviij. appelle cette femme pithonisse ou ventriloque, comme traduisent les septante, une femme qui avoit Ob. De-là vient que Saül lui parle ainsi : Prophétise-moi, je te prie, par Ob, ce que les septante ont traduit, prophétise-moi par le ventriloque. Ob étoit donc un esprit qui parloit du ventre. Nos traducteurs ont rendu le mot des septante, ἐνγαστρίμυθος, par esprit familier ».

Buxtorf interprete le mot hébreu ob, par celui de pithon, ou d’esprit qui rend des réponses par quelque puissance diabolique, & qui travaille à éloigner les hommes de Dieu. Levit. xix. 31. & xx. 27. Il remarque que ob, signifie encore en hébreu, bouteille, Job, xxxij. 19. Ce qui a fait dire à Aben Etra, qu’on l’avoit transporté par métaphore à un esprit qui enfloit le ventre de celui qui en étoit possédé, comme une bouteille, & rendoit ses oracles par cette partie, d’où le possédé étoit appellé ἐνγαστρίμυθος.

On a vu de nos jours des gens qui savoient ménager leur voix, de façon qu’elle sembloit sortir de quelque endroit hors d’eux, soit éloigné de leur corps, soit voisin, & cela d’un ton tel que celui de l’Ob, décrit par Selden. Il y avoit aux environs de Londres un garçon âgé de 25 ans, qu’on appelloit en anglois The speaking-smith (ce qui revient à vocifaber, qu’on ne peut rendre en françois), qui possédoit ce talent dans une grande perfection. Il ne lui eût pas été difficile de se faire passer pour sorcier parmi la populace ; mais il se contentoit d’effrayer des portiers, des charretiers, & d’autres gens de cette espece, qui ne connoissoient point son art.

J’ai entendu parler d’une femme qui parcouroit l’Angleterre en mendiant, & qui savoit si bien menager sa voix qu’elle paroissoit s’entretenir avec plusieurs personnes à la fois ; elle disoit, pour émouvoir la compassion, que les interlocuteurs étoient son mari & ses enfans, qu’elle avoit perdus il y avoit plusieurs années, & qui pendant leur vie, avoient mangé tout son bien. (D. J.)