L’Encyclopédie/1re édition/MONOGRAMME

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MONOGRAMME, s. m. (Monnoies. Inscriptions. Médailles.) caractere composé d’un chiffre, formé de plusieurs lettres entrelacées. Ce caractere ou chiffre étoit autrefois une abréviation de nom, & servoit de signe, de sceau, ou d’armoiries.

La signature avec des monogrammes étoit fort en usage au vij. & viij. siecles. Charlemagne se servoit du monogramme dans ses signatures, comme une infinité de titres de ces tems-là le justifient, il le fit même graver sur un calice dont Louis-le-Débonnaire, ou plûtôt le foible, fit présent à S. Médard, ainsi que l’assure l’auteur de la translation de saint Sébastien ; calicem cum paterâ patris sui magni Caroli monogrammate insignitâ. L’on commença pour-lors, à l’imitation de l’empereur, à se servir en France plus fréquemment du monogramme. Eginard rapporte que Charlemagne ne savoit pas écrire ; qu’il tenta sans succès de l’apprendre dans un âge avancé, & que son ignorance fut cause qu’il se servit pour sa signature du monogramme, qui étoit facile à former, ut imperitiam hanc, honesto ritu suppleret, monogrammatis usum, loco proprii signi invexit. Nombre d’évêques de ce tems-là étoient obligés de se servir du monogramme par la même raison.

On trouve aussi le monogramme de Charlemagne sur les monnoies de ce prince, & c’est une preuve que Charles-le-Chauve n’a pas été le premier, comme l’a cru le pere Sirmond, qui ait ordonné qu’on mît son monogramme sur les monnoies, il ne sert de rien pour défendre l’opinion du savant jésuite, de dire qu’il a seulement prétendu que Charles le-Chauve étoit le premier, qui avoit ordonné par un édit, qu’on marquât les monnoies avec son monogramme, puisqu’il est certain que sans l’ordre exprès du souverain, on ne s’avise jamais de toucher à la marque de la monnoie, qui est une chose sacrée. Sous la seconde race de nos rois, on mit presque toujours le monogramme du prince sur la monnoie, & cette coutume dura jusques sous le roi Robert. Du Cange s’est donné la peine de recueillir les monogrammes des rois de France, des papes, & des empereurs.

Mais l’objet le plus intéressant des monogrammes, est relatif aux médailles. Le pere Hardouin prétend qu’ils désignent les différens tributs qu’on payoit à l’empereur, du dixieme, du vingtieme, da trentieme, du quarantieme, & du cinquantieme. Selon lui, I marque le dixieme denier, K le vingtieme, M le quarantieme. De même le simple X dénote le dixieme, XX le vingtieme, XXX le trentieme, XXXX le quarantieme ; mais ce sentiment est abandonné de tous les savans.

Il seroit plus raisonnable de conjecturer que ces lettres dénotent le prix de la monnoie, que l’I ou l’X marquent, si vous voulez, des oboles, ou semblables petites monnoies du pays, le K ou les XX vingt, &c. comme on voit sur les ochavo d’Espagne, où le VIII. marque maravedis.

Nous avons dans le bas-Empire des monogrammes de villes, & de fleuves, comme de Ravenne, du Rhône, & de quelques autres que M. du Cange a recueillis : & dans les modernes nous avons des monogrammes de noms, comme on le peut voir dans Strada.

Il ne faut pas croire pour cela que les monogrammes soient particuliers au bas-Empire ; les médailles antiques des rois & des villes sont chargées quelquefois de plusieurs monogrammes différens, sur le même revers. Il y en a de simples qu’on devine sans peine, mais la plûpart sont encore inconnues aux plus éclairés.

Il est donc souvent fort difficile d’expliquer ces sortes de lettres à plusieurs branches, renfermant un mot entier qui est ordinairement le mot de la ville ou du prince, ou de la déité représentée sur la médaille, quelquefois encore l’époque de la ville, ou du regne du prince pour qui elle a été frappée. On en trouve grande quantité, principalement sur les médailles greques.

Les monogrammes sont parfaits, quand toutes les lettres qui composent le mot y sont exprimées ; tel est celui du Rhône dans la médaille de Justin, celui de Ravenne, & semblables ; telles sont les monnoies de Charlemagne & de ses descendans, où le revers porte Carlus en monogramme. Ils sont imparfaits quand il n’y a qu’une partie des lettres exprimées ; tel est celui de la ville de Tyr, où l’on ne trouve que la tige du T, qui est la massue d’Hercule, divinité tutélaire des Tyriens : le monogramme de cette ville est aussi souvent figuré par Y.

Il faut prendre garde à ne pas confondre les monogrammes avec les contre-marques des médailles. Les contre-marques sont toujours enfoncées, parce qu’elles sont frappées après la médaille battue ; les monogrammes battus en même tems que la médaille, y font plûtôt un petit relief. Pour les découvrir sûrement il faut beaucoup de sagacité, & une grande attention au lieu & au tems où la médaille a été frappée, à toutes les lettres qu’on peut former des différens jambages qu’on y découvre, & aux lettres qui sont répétées, où les mêmes traits servent deux ou trois fois. Tel est le monogramme de Justinien sur le revers d’une médaille grecque de Césarée, où la premiere branche qui fait I sert trois fois dans le mot ΙΟΥϹΤΙΝΙΑΝΟϹ. Le Ϲ & la lettre Ν servent deux fois. Les lettres uniques qui marquent le nom des villes, comme Π Paphos, Σ Samos, &c. ne doivent point être comptées parmi les monogrammes, ce sont de vraies lettres initiales. (D. J.)

Monogramme, (Peint. anc.) en grec μονογραμμος, en latin monogrammus dans Cicéron. Il faut entendre par ce mot de simples esquisses, des desseins où il n’y a que le trait, que nous appellons nous-mêmes aujourd’hui des traits, & c’est en ce sens que Cicéron disoit, que les dieux d’Epicure comparés à ceux de Zénon, n’étoient que des dieux monogrammes & sans action ; ce n’étoit pour ainsi dire que des ébauches de divinités. M. l’abbé d’Olivet, qui montre beaucoup de sagacité & de justesse dans l’interprétation des auteurs anciens, s’est trompé néanmoins en prenant le monogramme pour une figure d’un seul trait, il falloit plûtòt dire une figure au simple trait. La définition de Lambin, fondée sur celle que Nonius Marcellus avoit déja donnée, est plus conforme à la pratique de l’art. Monogramme, dit-il, est un ouvrage de peinture qui ne fait que de naître sous la main de l’artiste, où l’on ne voit que de simples traits, & où l’on n’a pas encore appliqué la couleur, quod solis lineis informatum & descriptum est, nullis dùm coloribus adhibitis. Voyez Traits. (D. J.)