L’Encyclopédie/1re édition/ISMAÉLITE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 926).
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ISMAÉLITE, s. m. & f. (Hist.) descendant d’Ismael. On appelle ainsi spécialement dans les histoires anciennes & modernes, les Arabes qui sont de la postérité d’Ismaël, fils d’Abraham & d’Agar, servante de Sara. Ismaël épousa une égyptienne dont il eut douze enfans, qui s’emparerent de l’Arabie, la partagerent entre eux, & furent la tige des Ismaélites, des Agaréniens, des Arabes, des Sarrasins, &c.

Tous ces peuples idolatres pousserent la superstition, au rapport d’Euthymius Zigabenus, jusqu’à honorer de leur culte une pierre qu’ils nommoient brachthan ; & quand on leur en demandoit la raison, les uns répondoient que c’étoit à cause qu’Abraham avoit connu Agar sur cette pierre ; les autres, parce qu’il y avoit attaché son chameau, en allant immoler Isaac.

Cette pierre adorée par les Arabes, & qu’ils prenoient pour le dieu Mars, étoit toute noire & toute brute : ridetis temporibus priscis, Persas fluvium coluisse, informem Arabæ lapidem colunt, dit Arnobe ; hé comment ne le diroit-il pas ? Lui-même avoue qu’avant sa conversion, il avoit adoré de semblables pierres, comme si elles eussent eû quelque vertu divine ; si quando conspexeram lucubratum lapidem, & ex olivi unguine sordidatum, tanquam inesset vis presens, adulabar, astabam, ce sont ses propres termes.

La mere des dieux que les Phrygiens adoroient avec un zele tout particulier, n’étoit qu’une simple pierre ; ils ne donnerent qu’une pierre aux ambassadeurs romains qui souhaitoient d’établir à Rome le culte de cette divinité, dit Tite-Live, l. XXIX. c. xj.

Quelque blâmable que fût l’idolatrie de ceux qui adorerent la pierre dont Jacob fit un monument, qu’il oignit, & qu’il crut devoir consacrer à Dieu, cette idolatrie étoit plus tolérable que celle des descendans d’Ismaël ; car la pierre de Jacob lui avoit servi de chevet pendant une nuit qu’il avoit passé pour ainsi dire avec Dieu ; tant les songes & les visions qui l’occuperent, représentoient des choses célestes ! Les Ismaélites ne pouvoient pas tenir le même langage de leur prétendue pierre d’Agar. Scaliger a ramassé une grande érudition au sujet de la pierre de Jacob, dans ses observations sur Eusebe, n°. 2150 ; mais le savant Pocock n’est pas moins curieux dans ses recherches sur la pierre du culte des descendans d’Ismaël ; consultez cet auteur dans ses notes, in specimine hist. arab. p. 113 ; je n’en veux extraire qu’un mot.

La pierre noire qu’ils vénerent, dit-il, est placée dans un des coins du temple de la Mecque, & est élevée à près de trois coudées de terre. Ils supposent que c’étoit l’une des pierres précieuses du paradis ; qu’elle fut envoyée à Abraham lorsqu’il bâtissoit le temple, & que ce fut l’ange Gabriel qui la mit entre ses mains. Elle avoit été au commencement plus blanche que la neige, mais elle devint noire à ce qu’ils prétendent, pour avoir été touchée par une femme qui avoit ses mois, ou comme disent quelques arabes, à force d’avoir été touchée & baisée.

Il y a une autre pierre considérable à la Mecque toute blanche, & non moins vénérée ; celle-ci passe pour être le sépulchre d’Ismaël, & est placée dans une espece de parquet, proche les fondemens du temple.

Après tout les Ismaëlites ne sont pas les seuls peuples chez lesquels les pierres ayent reçus des honneurs divins ; c’est-là, je pense, une des premieres idolatries du monde, avant que l’art de la Sculpture fut connu, on représenta les dieux par de simples pierres, & les bœtyles furent les plus anciennes idoles. Voyez Bœtyles. (D. J.)