L’Encyclopédie/1re édition/HUMAIN
HUMAIN, adj. (Gram.) qui appartient à la nature de l’homme. Voyez Naturel.
Le corps humain est l’objet de la Médecine. Voyez Corps & Médecine.
Epicure & ses sectateurs nient que les dieux se mêlent des choses humaines. Voyez Epicuriens.
On distingue la foi en divine & en humaine. Voyez Foi.
* Humaine espece. (Hist. nat.) L’homme considéré comme un animal, offre trois sortes de variétés ; l’une est celle de la couleur ; la seconde est celle de la grandeur & de la forme ; la troisieme est celle du naturel des différens peuples.
En passant d’un pole à l’autre, & en commençant par le nord, on trouve d’abord les Lapons Danois, Suédois, Moscovites & indépendans, les Zembliens, les Borandiens, les Samoïedes, les Tartares septentrionaux, & peut-être les Ostiaques dans l’ancien continent, les Groenlandois & les Sauvages au nord des Esquimaux. On croiroit que c’est une race d’hommes dégénérée, d’une petite stature & d’une figure bisarre. Ils ont tous le visage large & plat, le nez camus & épaté, l’iris de l’œil jaune, brun & tirant sur le noir, les paupieres retirées vers les temples ; les joues très-élevées, la bouche grande, le bas du visage étroit, les levres épaisses, la voix grêle, la tête grosse, les cheveux noirs & lissés, la peau basanée & couleur d’olive foncée. Ils sont petits, trapus & maigres : la plûpart n’ont que quatre piés de hauteur, les plus grands que quatre piés & demi. Les femmes sont aussi laides que les hommes ; leurs mamelles sont très-considérables ; elles en ont le bout noir comme du charbon : des voyageurs disent qu’elles n’ont de poil que sur la tête, & qu’elles ne sont pas sujetes à l’évacuation périodique.
Tous ces peuples laids sont grossiers, superstitieux & stupides. Les Lapons Danois consultent un gros chat noir. Les Suédois appellent le diable avec un tambour. Ils courent en patins sur la neige avec tant de vîtesse, qu’ils atteignent sans peine les animaux les plus légers. Ils ont l’usage de l’arc & de l’arbalête, & ils s’en servent très-adroitement. Ils chassent ; ils vivent de poisson sec, de la chair de renne ou d’ours, & de pain fait de la farine d’os de poisson, broyée & mêlée avec l’écorce tendre du pin ou du bouleau ; ils boivent de l’huile de baleine & de l’eau. Ils n’ont presqu’aucune idée de Dieu ni de religion. Ils offrent aux étrangers leurs femmes & leurs filles. Ils habitent sous terre ; ils s’éclairent avec des lampes pendant leur nuit, qui est de plusieurs mois. Les femmes sont habillées de peau de renne en hiver, & de peaux d’oiseaux en été. Dans cette derniere saison, ils se défendent de la piqueure des moucherons par une épaisse fumée qu’ils entretiennent autour d’eux. Ils sont rarement malades. Leurs vieillards sont robustes ; seulement la blancheur des neiges & la fumée leur affoiblissent la vûe, & il y en a beaucoup qui sont aveugles.
Les Tartares occupent un espace immense. Ils ont le haut du visage large & ridé, le nez court & gros, les yeux petits & enfoncés, les joues fort élevées, le bas du visage étroit, le menton long & avancé, la machoire supérieure enfoncée, les dents longues & séparées, les sourcils gros & couvrant l’œil, les paupieres épaisses, la face plate, le teint basané & olivâtre, les cheveux noirs, la stature médiocre, le corps fort & robuste, la barbe rare & par bouquets, les cuisses grosses, les jambes courtes. Ceux qu’on appelle Calmouques sont d’un aspect effroyable. Ils vivent de la chair du cheval, du chameau, & boivent le lait de jument fermenté avec de la farine de millet. Ils ne gardent de cheveux qu’un toupet, qu’ils laissent croître assez pour en faire une tresse de chaque côté du visage. Les femmes sont aussi laides que les hommes. Ils n’ont ni mœurs ni religion.
Le sang Tartare s’est mêlé d’un côté avec les Chinois, & de l’autre avec les Russes orientaux ; & ce mélange n’a pas tout-à-fait effacé les traits de la race primitive.
Il y a parmi les Russes ou Moscovites beaucoup de visages Tartares, des corps quarrés, des cuisses grosses & des jambes courtes.
Les Chinois ont les membres bien proportionnés, sont gros & gras, ont le visage large & rond, les yeux petits, les sourcils grands, les paupieres élevées, le nez petit & écrasé, la barbe éparse & par épis. Ceux qui habitent les provinces méridionales sont bruns & d’un teint plus basané que les autres. Les habitans du milieu de l’empire sont blancs : au reste, ces caracteres varient ; mais en général ces peuples sont mols, pacifiques, indolens, superstitieux, soumis, esclaves & cérémonieux.
Les Japonois sont assez ressemblans aux Chinois, quant à la figure ; mais altiers, aguerris, adroits, vigoureux, inconstans & vains, capables de supporter la faim, la soif, le froid, le chaud & la fatigue ; ils sont d’un caractere fort différent.
Les Chinois & les Japonois sont dans l’usage d’empêcher le pié de croître à leurs femmes par des moyens violens, ensorte qu’elles ne peuvent marcher.
Les habitans du pays froid, stérile & montueux d’Yeço, voisins des Chinois & des Japonois, sont grossiers, brutaux, sans mœurs & sans arts, ont le corps court & gros, les cheveux longs & hérissés, les cheveux noirs, le front plat, le teint jaune, le corps & même le visage velus, & sont paresseux & mal-propres.
Les Cochinchinois, dont la contrée est plus montueuse & plus méridionale que la Chine, sont plus basanés & plus laids que les Chinois.
Les Tunquinois, dont le pays est meilleur, & qui vivent sous un climat moins chaud, sont mieux faits & moins laids que les Cochinchinois.
Les Siamois, les Péguans, les habitans d’Aracan, de Laos, &c. sont assez ressemblans aux Chinois ; ils ne different plus ou moins que par la couleur.
Le goût pour les grandes oreilles est commun à tous les peuples de l’orient, & les uns les ont longues naturellement, les autres les allongent par art.
Ces peuples ne different gueres des Chinois, & tiennent encore des Tartares les yeux petits, le visage plat & la couleur olivâtre ; mais en descendant vers le midi, les traits commencent à changer & à se diversifier.
Les habitans de la presqu’isle de Malaca & de l’isle de Sumatra sont noirs, petits, vifs, bien proportionnés, braves & fiers.
Ceux de Java, voisins de Sumatra & de Malaca, tiennent des Chinois ; ils ont seulement la couleur rouge, mêlée de noir des malais. Il faut cependant en excepter les Chacrelas. Ceux-ci sont blonds & blancs, ont les yeux foibles, ne peuvent supporter le grand jour, & ne voyent bien que la nuit.
On prétend que dans l’isle de Mindoro & dans l’isle Formose il y a des hommes à queue : ce fait est suspect ; mais un autre fait qui ne l’est pas, c’est qu’il n’est permis aux femmes mariées d’avoir des enfans qu’à 35 ou 37 ans. Si elles deviennent grosses plûtôt, les prêtresses les foulent aux piés & les font avorter.
Aux isles Mariannes ou des Larrons, les hommes sont très-grands, très-robustes & très-grossiers ; ils ne vivent que de racines, de fruits & de poisson, & cependant ils parviennent à l’extrême vieillesse.
Au midi des isles Mariannes, & à l’orient des Moluques, on trouve la terre des Papous & la nouvelle Guinée. Les Papous sont noirs comme les Caffres, ont les cheveux crêpus, le visage maigre & laid. Parmi ces Papous si noirs, il y a des hommes blonds & blancs.
Les Mogols & les autres peuples de la presqu’isle de l’Inde ressemblent aux Européens pour la taille & les traits ; mais ils en different plus ou moins par la couleur. Les Mogols sont olivâtres.
Les Bengalois sont plus jaunes que les Mogols. Ils sont beaux & bien faits. Leurs femmes passent pour les plus lascives de l’Inde.
Les habitans de la côte de Coromandel sont plus noirs que les Bengalois & moins civilisés. Ceux de la côte de Malabar sont encore plus noirs.
Les coûtumes de ces différens peuples de l’Inde sont bisarres. Les Banianes ne mangent de rien de ce qui a vie. Ils craignent de tuer un insecte. Les Naires de Calicut sont au contraire tous chasseurs ; ils ne peuvent avoir qu’une femme, mais leurs femmes peuvent prendre autant de maris qu’il leur plaît. Il y a des hommes & des femmes parmi ces derniers qui ont les jambes monstrueuses.
Les habitans de Ceylan ressemblent assez à ceux de la côte de Malabar.
Les Maldivois olivâtres sont bien faits.
Les habitans de Cambaye ont le teint gris.
Les Persans, voisins des Mogols, en sont peu différens. Il y a dans la Perse beaucoup de belles femmes, mais elles y sont amenées des autres contrées.
Les peuples de la Perse, de la Turquie, de l’Arabie, de l’Egypte & de toute la Tartarie peuvent être regardés comme une même nation.
Les Arabes vivent misérablement. Ils n’ont des peuples policés que la superstition. Les Egyptiens sont grands, & leurs femmes petites.
Les peuples qui habitent entre le 20 & le 30 ou 35 degré de latitude Nord dans l’ancien continent, depuis l’empire du Mogol jusqu’en Barbarie, & même depuis le Gange jusqu’aux côtes occidentales de Maroc, ne sont pas fort différens les uns des autres. Les hommes en général y sont bruns & basanés, assez beaux & bien faits. Si l’on examine ceux qui habitent sous un climat plus tempéré, on trouvera que les hommes des provinces septentrionales du Mogol & de la Perse, les Arméniens, les Turcs, les Géorgiens, les Mingreliens, les Circassiens, les Grecs & tous les peuples de l’Europe sont les plus blancs, les plus beaux & les mieux proportionnés de la terre ; & que, quoiqu’il y ait fort loin de Cachemire en Espagne, & de la Circassie en France, il ne laisse pas d’y avoir une singuliere ressemblance entre ces peuples si éloignés les uns des autres, mais situés à peu-près à une égale distance de l’équateur.
Les Cachemiriens sont beaux ; le sang est encore plus beau en Géorgie qu’à Cachemire. Les femmes de Circassie sont renommées pour leurs charmes, & c’est à juste titre. Les Mingreliens ne le cedent en rien à ces peuples. Tous ces peuples sont blancs.
Les habitans de la Judée ressemblent aux autres Turcs ; ils sont seulement plus bruns que ceux de Constantinople. Il en est de même des Grecs ; ceux de la partie septentrionale sont fort blancs ; ceux des îles ou provinces méridionales sont bruns. En général, les femmes greques sont plus belles & plus vives que les femmes turques.
Les Grecs, les Napolitains, les Siciliens, les habitans de Corse, de Sardaigne, & les Espagnols, situés à peu-près sous un même parallele, sont assez semblables pour le teint ; mais plus basanés que les François, les Anglois, les Allemands, les Polonois, les Moldaves, les Circassiens, & les autres habitans du Nord de l’Europe jusqu’en Laponie, ou l’on trouve une autre espece d’hommes.
Les Espagnols sont maigres & assez petits. Ils ont la taille fine, la tête belle, les traits réguliers, les yeux beaux, les dents assez bien rangées, mais le teint jaune & basané.
Les hommes à cheveux noirs ou bruns commencent à être rares en Angleterre, en Flandre, en Hollande, & dans les provinces septentrionales de l’Allemagne. On n’en trouve presque point en Dannemarck, en Suede, en Pologne.
Les Goths sont de haute taille ; ils ont les cheveux lisses, blonds, argentés, & l’iris de l’œil bleuâtre.
Les Finois ont le corps musculeux & charnu, les cheveux blonds, jaunes & longs, & l’iris jaune-foncé.
Les Suédoises sont fécondes, & les hommes y vivent long-tems.
L’homme est plus chaste dans les pays froids que dans les climats méridionaux. On est moins amoureux en Suéde qu’en Espagne ou en Portugal, & cependant les Suédoises font plus d’enfans. On a appellé le Nord officina gentium.
Les Danois sont grands & robustes, d’un teint vif & coloré. Les femmes danoises sont blanches, assez bien faites, & fécondes.
Les Ingriens & les Carliens qui habitent les provinces septentrionales de la Moscovie, sont vigoureux & robustes. Ils ont pour la plûpart des cheveux blonds, & ressemblent assez aux Finois.
Il suit de ce qui précede, que la couleur dépend beaucoup du climat, sans en dépendre entierement. Il y a différentes causes qui doivent influer sur la couleur, & même sur la forme des traits ; telles sont la nourriture & les mœurs.
Achevons de parcourir l’Afrique. Les peuples qui sont au-delà du tropique, depuis la mer Rouge jusqu’à l’Océan, sont des especes de Maures, mais si basanés qu’ils paroissent presque tous noirs ; ils sont mêlés de beaucoup de mulâtres.
Les negres du Sénégal & de Nubie sont très-noirs, excepté les Ethiopiens & les Abyssins. Les Ethiopiens sont olivâtres ; ils ont la taille haute, les traits du visage bien marqués, les yeux beaux & bien fendus, le nez bien fait, les levres petites & les dents blanches. Les Nubiens ont les levres grosses & épaisses, le nez épaté, & le visage fort noir.
Il y a sur les frontieres des deserts de l’Ethiopie un peuple appellé Acridophages ou mangeurs de sauterelles. Ils vivent peu. Cette nourriture engendre dans leurs chairs des insectes qui les dévorent. Après avoir vêcu d’insectes, ils en sont mangés.
En examinant les différens peuples qui composent les races noires, on y remarque autant de variétés que dans les races blanches ; mêmes nuances du brun au noir que du blanc au brun.
Les habitans des îles Canaries ne sont pas des negres, ils n’ont de commun avec eux que le nez applati. Ceux qui habitent le continent de l’Afrique à la hauteur de ces îles, sont des Maures assez basanés, mais appartenans à la race des blancs. Les habitans du Cap blanc sont encore des Maures. Ces Maures s’étendent jusqu’à la riviere du Sénégal, qui les sépare d’avec les negres. Les negres sont au midi, & absolument noirs.
Les Maures sont petits, maigres & de mauvaise mine, avec de l’esprit & de la finesse. Les Negres sont grands, gros, bien faits, mais niais & sans génie.
Il y a au nord & au midi du fleuve, des hommes qu’on appelle Foules, qui semblent faire la nuance entre les Maures & les Negres. Les Foules ne sont pas tout-à-fait noirs comme les Negres, mais ils sont bien plus bruns que les Maures.
Les îles du cap Verd sont toutes peuplées de Mulatres, venus des premiers Portugais & des Negres qui s’y trouverent ; on les appelle Negres couleur de cuivre.
Les premiers Negres qu’on trouve sont sur le bord méridional du Sénégal ; on les nomme Jalofes. Ils sont tous fort noirs, bien proportionnés, d’une taille assez avantageuse, & moins durs de visage que les autres Negres. Ils ont les mêmes idées de la beauté que nous ; il leur faut de grands yeux, une petite bouche, des levres fines & un nez bien fait, mais la couleur très-noire & fort luisante. A cela près, leurs femmes sont belles, mais elles donnent cependant la préférence aux blancs.
L’odeur de ces Negres du Sénégal est moins forte que celle des autres Negres. Ils ont les cheveux noirs, crépus, & comme de la laine frisée. C’est par les cheveux & la couleur qu’ils different principalement des autres hommes.
Si le nez est épaté, si les levres sont grosses par artifice en quelques contrées, il est certain que dans d’autres ces traits sont donnés par la nature.
Les Négresses sont fort fécondes. Les Negres de Gorée & du cap Verd sont aussi bien faits & très-noirs. Ceux de Sierra-leona ne sont pas tout-à-fait si noirs que ceux du Sénégal. Ceux de Guinée, quoique sains, vivent peu. C’est une suite de la corruption des mœurs.
Les habitans de l’île de Saint-Thomas sont des Negres semblables à ceux du continent voisin. Ceux de la côte de Juda & d’Arada sont moins noirs que ceux du Sénégal & de Guinée. Les Negres de Congo sont noirs, mais plus ou moins. Ceux d’Angola sentent si mauvais lorsqu’ils sont échauffés, que l’air des endroits où ils ont passé en reste infecté pendant plus d’un quart d’heure.
Quoiqu’en général les Negres aient peu d’esprit, ils ne manquent pas de sentiment. Ils sont sensibles aux bons & aux mauvais traitemens. Nous les avons réduits, je ne dis pas à la condition d’esclaves, mais à celles de bêtes de somme ; & nous sommes raisonnables ! & nous sommes chrétiens !
On ne connoît guere les peuples qui habitent les côtes & l’intérieur des terres de l’Afrique depuis le cap Negre jusqu’au cap des Voltes. On sait seulement que les hommes y sont moins noirs, & qu’ils ressemblent aux Hottentots dont ils sont les voisins.
Les Hottentots ne sont pas des Negres, mais des Cafres, qui se noircissent avec des graisses & des couleurs. Cependant ils ont les cheveux laineux & frisés. On pourroit les regarder dans la race des noirs comme une espece qui tend à se rapprocher des blancs, ainsi que dans la race des blancs, les Maures comme une espece qui tend à se rapprocher des noirs.
Les femmes des Hottentots sont petites. Elles ont une excroissance de chair ou de peau dure & large, qui commence au-dessus de l’os pubis, & qui leur tombe jusqu’au milieu des cuisses comme un tablier. L’usage est de ne laisser aux hommes qu’un testicule.
Les Hottentots ont tous le nez épaté & les levres grosses. On dit qu’une petite fille enlevée de chez ce peuple, & nourrie en Hollande, y devint blanche.
Les habitans de la terre de Natal sont moins malpropres & moins laids que les Hottentots. Ils ont cependant les cheveux frisés & le nez plat.
Ceux de Sosola & du Monomotapa sont encore mieux que ceux de Natal ; & les peuples de Madagascar & de Mozambique, quoique noirs, ne sont pas Negres.
Il paroît que les Negres proprement dits, sont différens des Cafres, qui sont des noirs d’une autre espece ; mais ce qui acheve de résulter de ces observations, c’est que la couleur est principalement un effet du climat, & que les traits dépendent des usages.
L’origine des noirs a fait de tous les tems une grande question. Les anciens les regardoient comme la derniere nuance des peuples basanés. Voyez l’article Negres.
Nous allons considérer les différens peuples de l’Amérique, comme nous avons considéré ceux des autres parties du monde.
Au nord de l’Amérique on trouve des especes de Lapons semblables à ceux d’Europe & aux Samoïedes d’Asie. Ceux du détroit de Davis sont petits, olivâtres, à jambes courtes & grosses, & voisins comme en Europe, d’une espece grande, bien faite, & blanche, avec un visage fort régulier.
Les sauvages de la baie d’Hudson & du nord de la terre de Labrador, ne paroissent pas de la même race. Ils sont laids, petits, mal faits, & ont le visage presque couvert de poil, comme les habitans du-pays d’Yeço.
Les sauvages de terre neuve ressemblent assez à ceux du détroit de Davis.
Les sauvages du Canada & de toute la profondeur des terres, jusqu’aux Assiniboils, sont grands, forts, robustes & bien faits. Ils ont tous les cheveux & les yeux noirs, les dents blanches, le tein basané, peu de barbe, & presque point de poil en aucune partie du corps ; rien de plus ressemblant qu’eux aux Tartares orientaux : aussi sont-ils sous la même latitude.
Les peuples de la Floride, du Mississipi, & des autres parties méridionales de l’Amérique septentrionale, sont plus basanés que ceux du Canada, sans cependant être bruns. Les Apalachites, voisins de la Floride, sont grands & bien proportionnés, ont les cheveux noirs & longs, & la couleur olivâtre.
Les naturels des îles Lucaies sont moins basanés que ceux de Saint-Domingue & de l’île de Cube.
Les Caraibes ont la taille belle, sont beaux, forts, dispos & sains. Quelques uns ont le front & le nez applatis ; mais c’est par un caprice d’altérer la figure humaine, assez général chez tous les sauvages. Leurs dents sont belles, leurs cheveux longs & lisses, leurs dents bien rangées, & leur tein olivâtre. Ils aiment la liberté au point qu’ils se laissent mourir plutôt que de servir. Leurs femmes sont petites, ont les yeux noirs, le visage rond, les dents blanches & l’air gai, au contraire des hommes qui sont tristes & mélancoliques.
Les naturels du Mexique sont bien faits, dispos, bruns & olivâtres. Ils ont peu de poils, même aux sourcils ; cependant les cheveux longs & fort noirs.
Les habitans de l’isthme de l’Amérique sont de bonne taille & d’une jolie tournure ; mais ils ont le tein basané, ou de couleur de cuivre jaune ou d’orange, & les sourcils noirs comme le jais. Parmi eux il y a des individus blancs, mais d’un blanc de lait. Ils ont la peau couverte d’un duvet blanc, les paupieres en forme de croissant dont les pointes tournent en bas ; la vûe si foible, qu’ils ne sortent & ne voient que la nuit. Voilà les analogues des Chacrelas de Java, & des Bédas de Ceylan. Ces blancs naissent de peres & de meres couleur de cuivre ; ce qui feroit penser que les Chacrelas & les Bédas viennent aussi de peres & de meres basanés, sur-tout après les exemples qu’on a parmi les Negres, de blancs nés de peres & de meres noirs. Ce qu’il y a de bizarre, c’est que cette variété n’a lieu que du noir au blanc, & non du blanc au noir. Il n’arrive point chez les blancs qu’il naisse des individus noirs.
Les peuples des Indes orientales, de l’Afrique & de l’Amérique où l’on trouve ces hommes blancs, sont tous sous la même latitude. Autre singularité.
Le blanc paroît donc être la couleur primitive de la nature, que le climat, la nourriture & les mœurs alterent, & font passer par le jaune & le brun, & conduisent au noir.
Les hommes d’un blond blanc ont les yeux foibles, & souvent l’oreille dure. On prétend que les chiens blancs, sans aucune tache, sont sourds ; & en effet il y en a des exemples.
Les Indiens du Pérou sont de couleur de cuivre, comme ceux de l’isthme, à moins qu’ils n’habitent des lieux élevés ; alors ils sont blancs. Ceux de la terre ferme, le long de la riviere des Amazones & le continent de la Guiane, sont basanés, rougeâtres, plus ou moins clairs, excepté les Arras, qui sont presque aussi noirs que les Negres.
Les sauvages du Brésil sont à peu-près de la taille des Européens, mais plus forts, plus robustes & plus dispos. Ils ont peu de maladies, vivent long-tems, ont la tête grosse, les épaules larges, les cheveux longs, & sont basanés.
Les habitans du Paragai ont la taille assez belle & assez élevée, le visage un peu long & la couleur olivâtre. Ils sont sujets à une espece de lepre qui leur couvre tout le corps, sans les incommoder beaucoup.
Les Indiens du Chili sont d’un basané de cuivre rouge, mais non mêlé de blanc & de noir, comme les Mulatres qui viennent d’un blanc & d’une Négresse, ou d’une blanche & d’un Negre ; du reste ce sont des hommes vigoureux.
C’est à l’extrémité du Chili, vers les terres Magellaniques, qu’on place une race gigantesque appellée les Paragons ; on leur donne jusqu’à neuf à dix piés de hauteur. Mais la hauteur commune de l’homme étant de cinq piés, elle ne s’étend guere qu’à un pié au-dessus ou au-dessous.
De ce qui précede il suit que dans tout le nouveau continent que nous venons de parcourir, il n’y a qu’une seule & même race d’hommes, plus ou moins basanés. Les Américains sortent d’une même souche. Les Européens sortent d’une même souche. Du nord au midi on apperçoit les mêmes variétés dans l’un & l’autre hémisphere. Tout concourt donc à prouver que le genre humain n’est pas composé d’especes essentiellement différentes. La différence des blancs aux bruns vient de la nourriture, des mœurs, des usages, des climats ; celle des bruns aux noirs a la même cause. Voyez l’article Negres.
Il n’y a donc eu originairement qu’une seule race d’hommes, qui s’étant multipliée & répandue sur la surface de la terre, a donné à la longue toutes les variétés dont nous venons de faire mention ; variétés qui disparoîtroient à la longue, si l’on pouvoit supposer que les peuples se déplaçassent tout-à-coup, & que les uns se trouvassent ou nécessairement ou volontairement assujettis aux mêmes causes qui ont agi sur ceux dont ils croient occuper les contrées. Voyez l’Histoire naturelle de Mrs. de Buffon & d’Aubanton.