L’Encyclopédie/1re édition/HACHOIR, ou HACHE-PAILLE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 20-21).
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HACHOIR, ou HACHE-PAILLE, s. m. (Man. & Maréchall.) instrument appellé par quelques auteurs coupe-paille, & dont les Espagnols, ainsi que les Allemans, font un fréquent usage ; il n’est pas généralement employé parmi nous : quelques écuyers seulement & quelques amateurs des chevaux en sont pourvûs & s’en servent très-utilement. Il est composé de trois planches formant entr’elles une sorte de gouttiere sans inclinaison, qui diminue de largeur & de hauteur, en approchant de l’extrémité où se réunit toute la méchanique de la machine ; sa longueur est d’environ trois pieds & demi ; sa plus grande largeur intérieure d’un pied ; la plus petite, de sept ou huit pouces. La paroi du fond a neuf lignes d’épaisseur ; les parois latérales faites chacune de deux pieces dans leur longueur, en ont autant dans quelques parties, & n’en ont que six dans d’autres ; leur plus grande hauteur est d’environ dix pouces & la plus petite de huit ; leur extrémité la plus étroite est entr’ouverte par une mortaise qui la traverse de part en part paralellement à sa rive perpendiculaire, & à trois pouces de cette rive. Cette mortaise qui a environ six pouces de hauteur sur huit ou neuf lignes de largeur, est armée d’une platine de fer qui en garnit tout le contour, & qui est arrêtée par des cloux. Ces deux mêmes parois sont maintenues dans leur position perpendiculaire sur celle du fond, par une piece de fer figurée comme l’embrasure d’une porte quarrée & cintrée par le haut ; le cintre excédant leur hauteur d’environ trois pouces ; & cette piece, dans ce qui forme les montans & la traverse inférieure, est arrasée avec l’intérieur de la paroi du fond & des parois latérales auxquelles elle est réunie par deux cloux à vis qui les traversent dans leurs angles. On doit observer que dans celle des deux parties des parois qui est la plus grande, la plus longue & la plus mince, les fils du bois sont couchés ; dans l’autre, qui est à-peu-près quarrée, les fils du bois sont debout : celle-ci, d’un tiers environ plus épaisse, est fortifiée par trois petites bandes de fer ; deux d’entre elles sont attachées à une de leurs extrémités, par la même vis qui attache & qui tient les montans de l’embrasure de fer, & suivant parallelement au fond & à la rive supérieure toute la largeur de la portion à-peu-près quarrée, elles vont de l’autre part se terminer sur celle qui a le plus de longueur ; la troisieme bande garnit l’épaisseur de ces portions ; & sur cette même épaisseur sont fixés deux goujons, l’un à l’extrémité postérieure, & l’autre à un tiers de longueur à compter de cette même extrémité, lesquels servent à maintenir chacun un liteau ou une traverse qui repose sur la rive supérieure de chaque paroi : quant aux bandes, elles sont clouées d’espace en espace, & elles affermissent tous les assemblages. Ces assemblages sont deux tenons avec languette entre-deux, pour la partie de la paroi latérale qui porte la mortaise, & de simples languettes : pour ce qui concerne l’autre partie, qui est unie non-seulement à la premiere, mais au fond & à une emboîture qui termine l’extrémité la plus large des parois des côtés. Cette emboîture est légerement cintrée en-dehors ; elle est assemblée par tenon avec la paroi du fond. Une petite bande de fer clouée sur l’épaisseur & supérieurement, en rend impossible la séparation d’avec les parois latérales, qui dans une partie de leur longueur, se ressentent du trait-d’arc ou du cintre leger dont j’ai parlé.

Cette gouttiere ainsi comparée est élevée d’environ un pied & demi à chaque extrémité, sur deux piés assemblés à-peu-près comme ceux des treteaux ordinaires ; ceux de l’extrémité antérieure sont assez larges pour être refendus dans une portion de leur longueur, par une mortaise d’environ neuf lignes, parallele à leurs rives antérieures, & qui en est distante d’environ autant de lignes. L’un de ces piés n’est entr’ouvert que pour recevoir l’extrémité d’une lame de bois, dont l’autre extrémité doit joüer & mouvoir de haut en bas dans la mortaise du pié qui répond au premier. Celle-ci peut parcourir ainsi un arc d’environ quarante-cinq degrés ; cette même lame est jumelée, & sa jumelle joue extérieurement : elles sont l’une & l’autre assemblées, d’une part par un boulon à vis & écrous à oreilles qui les traversent, ainsi que le pié, & qui devient le centre de leurs mouvemens ; & de l’autre, c’est-à-dire à leur extrémité mobile, par un autre boulon semblable qui les traverse encore & qui passe en même tems dans l’œil du grand couteau à-peu-près pareil à ceux dont se servent les Boulangers pour couper le pain. Le manche de ce couteau dont la lame a environ deux piés de longueur, n’offre rien de différent, si ce n’est qu’il est un peu plus incliné en contre-bas. Je remarque au surplus que les jumelles excedent la machine d’environ sept ou huit pouces, à compter du boulon qui tient le couteau ; que les boulons sont distans de l’un à l’autre d’environ un pied huit pouces, & que le centre du mouvement des jumelles est éloigné d’environ un pié deux pouces de la paroi inférieure de la gouttiere.

Derriere les deux piés antérieurs est placée une pédale ; elle est assemblée mobilement par l’une de ses extrémités, dans la partie inférieure du pié opposé au côté, sur lequel se présente le manche du couteau ; son autre extrémité déborde de six pouces environ l’aplomb de la machine. De cette pédale & dans le lieu qui répond à l’aplomb du milieu, s’éleve une chaînette terminée par une lame percée de plusieurs trous, laquelle traverse un palonnier qui y est fixé par le moyen d’une goupille que l’on peut mettre, selon le besoin, dans les uns ou dans les autres de ces mêmes trous, tandis que de chaque extrémité du palonnier part une tringle qui s’y assemble à crochet, & qui percée par son bout supérieur, reçoit un boulon à écrou, qui passe dans les mortaises des parois latérales, & qui traverse en même tems une piece de bois qui remplit exactement la largeur de la gouttiere : en cet endroit cette piece de bois a environ huit pouces de longueur ; elle est traversée dans son épaisseur, qui est d’environ un pouce & demi, non dans sa moitié, car sa partie antérieure se trouve un pouce & demi de moins que sa partie postérieure. Sa portion inférieure doit présenter antérieurement un plan parallele à la paroi du fond de la gouttiere, & postérieurement un plan recourbé en contre-haut, tel à-peu-près que celui qu’offre à nos yeux la proue d’un bateau. Enfin sur l’épaisseur des parois latérales, à environ trois pouces de l’extrémité antérieure, sont fermement & inébranlablement attachés par anneaux deux chaînes de fer d’environ un pié de longueur, lesquelles sont reçûes par leur autre extrémité, dans deux autres anneaux fixement arrêtés à la traverse d’un rateau de fer ; les dents de ce rateau, au nombre de cinq, ont environ six pouces de longueur : sa traverse est moins longue d’environ un pouce & demi que la gouttiere n’est large ; elle porte un manche d’environ neuf à dix pouces de longueur dans la direction des dents.

Les noms que nous avons donnés à cet instrument en indiquent l’usage.

Placez dans la gouttiere une certaine quantité de paille de froment que vous y coucherez dans sa longueur, & qui ne débordera antérieurement que d’environ deux lignes ; engagez-en une extrémité du côté qui doit déborder sous la piece de bois qui est mobile au moyen du boulon qui la perce & qui passe dans les mortaises des parois latérales ; appuyez fortement le pié gauche sur la pédale qui répond à chaque côté à ce boulon, à l’effet d’abaisser cette même piece, & de comprimer vivement la paille engagée ; saisissez en même tems le manche du couteau avec votre main droite, tirez-le à vous, & pressez médiocrement en contre-bas ; il en résultera un mouvement composé dans la lame : les jumelles qui la portent seront en effet d’une part sollicitées à s’élever & à la laisser courir suivant sa longueur, tandis que l’impression & l’appui de la main lui donneront la facilité & la puissance de couper la paille offerte à son tranchant ; puissance néanmoins qu’elle ne peut avoir, qu’autant qu’elle rasera exactement dans son chemin la rive extérieure de l’embrasure de fer, qui n’est polie avec soin que pour que cette même lame ne soit point offensée à chaque coup de main de l’ouvrier ; chacun de ces coups étant donnés, ce même ouvrier dont la main gauche sera saisie du manche du rateau, & qui aura eu l’attention d’en tenir les dents légerement en arriere, renversera ce manche en cessant toute compression sur la pédale, & portera dès-lors la paille en-avant, proportionnément à la saillie qu’elle doit avoir en-dehors pour être coupée ; il appuyera ensuite de nouveau sur la pédale, & usera du couteau, comme il l’a fait auparavant. C’est ainsi que l’on prépare à l’animal une nourriture très-saine, pourvû que la paille ne soit point noire, grossiere, & telle qu’elle croît dans certaines provinces & dans certains cantons de ce royaume. On la mêle avec l’avoine ; on en donne le double ainsi mêlée. Il est même quelques pays où elle sert d’unique ou de principal aliment au cheval, & dans lesquels les hachoirs ou hache-paille sont armés de plusieurs couteaux par le moyen desquels on hache une plus grande quantité de paille ensemble. Nous n’avons point sous nos yeux cet instrument ; & la mémoire ne nous fournissant à cet égard rien de précis, nous n’en hasarderons pas ici la description.