L’Encyclopédie/1re édition/FRIVOLITÉ

◄  FRITZLEAR
FROC  ►

FRIVOLITÉ, s. f. (Morale.) elle est dans les objets, elle est dans les hommes. Les objets sont frivoles, quand ils n’ont pas nécessairement rapport au bonheur & à la perfection de notre être. Les hommes sont frivoles, quand ils s’occupent sérieusement des objets frivoles, ou quand ils traitent legerement les objets sérieux. On est frivole, parce qu’on n’a pas assez d’étendue & de justesse dans l’esprit pour mesurer le prix des choses, du tems, & de son existence. On est frivole par vanité, lorsqu’on veut plaire dans le monde, où on est emporté par l’exemple & par l’usage ; lorsqu’on adopte par foiblesse les goûts & les idées du grand nombre ; lorsqu’en imitant & en répétant, on croit sentir & penser. On est frivole, lorsqu’on est sans passions & sans vertus : alors pour se délivrer de l’ennui de chaque jour, on se livre chaque jour à quelque amusement, qui cesse bien-tôt d’en être un ; on se recherche sur les fantaisies, on est avide de nouveaux objets, autour desquels l’esprit vole sans méditer, sans s’éclairer ; le cœur reste vuide au milieu des spectacles, de la philosophie, des maîtresses, des affaires, des beaux arts, des magots, des soupers, des amusemens, des faux-devoirs, des dissertations, des bons mots, & quelquefois des belles actions. Si la frivolité pouvoit exister long-tems avec de vrais talens & l’amour des vertus, elle détruiroit l’un & l’autre ; l’homme honnête & sensé se trouveroit précipité dans l’ineptie & dans la dépravation. Il y aura toûjours pour tous les hommes un remede contre la frivolité ; l’étude de leurs devoirs comme hommes & comme citoyens.