L’Encyclopédie/1re édition/FORTERESSE

FORTERESSE, s. f. (Fortificat.) c’est un nom général dont on appelle toutes les places fortifiées, soit par la nature, soit par l’art.

Ainsi les villes fortifiées, les châteaux, les citadelles, &c. sont des forteresses. M. Maigret a donné un traité de la sûreté & conservation des états par le moyen des forteresses, dans lequel il explique leur utilité, leur nombre, & leur situation, pour assûrer les frontieres & l’intérieur d’un état. « Si l’on ne connoît pas bien, dit cet auteur, l’utilité, ou pour mieux dire tous les différens usages des forteresses, on peut négliger d’en faire dans des endroits ou on en pourroit tirer de grands avantages. Si on ignore la quantité précisément nécessaire, on se jettera dans des dépenses inutiles, & quelquefois préjudiciables ; ou pour épargner on laissera un passage ouvert à l’ennemi : si on ne sait pas bien distinguer la force que la nature a donnée a de certains lieux, on en méprisera où avec peu de dépense on feroit une place plus forte que ne pourroient faire tous les ouvrages inventés par les plus habiles ingénieurs ; ou bien on entreprendra d’en fortifier que l’art ne peut jamais mettre en état de faire une bonne défense. Si on peche dans la grandeur d’une forteresse, dans la figure, dans la solidité & dans la construction de ses ouvrages, elle ne produira jamais tout l’effet qu’on auroit pû s’en être promis ». Préface du livre de M. Maigret.

On peut appliquer à la situation & au nombre des forteresses nécessaires pour la défense des états, la premiere maxime de la Fortification, c’est-à-dire qu’elles doivent être disposées de maniere qu’elles ferment tous les passages par où l’ennemi pourroit faire entrer ses armées dans le pays.

Il faut beaucoup de connoissances du pays, pour juger de la situation la plus avantageuse des forteresses ; & des différens intérêts des princes, pour n’en point construire dans des lieux ou il est à présumer qu’on ne les laissera point subsister, & où elles donneroient trop de jalousie aux puissances voisines. A peine la forteresse de Montroyal étoit-elle construite, qu’il fallut la raser, en conformité du traité de Riswick en 1697. (Q)