L’Encyclopédie/1re édition/FONDAMENTAUX

FONDAMENTAUX, (Articles) Théolog. ce mot reçoit dans la Théologie catholique, un sens différent de celui qu’on lui donne parmi les Hétérodoxes. Les théologiens catholiques ont entendu sous le nom d’articles fondamentaux, ceux dont la foi explicite est nécessaire au salut ; ensorte qu’on ne peut pas même les ignorer sans être hors de l’Eglise & de la voie du salut : & par opposition ils reconnoissent aussi des articles non-fondamentaux qu’on peut ignorer, ou, ce qui est la même chose, croire de foi implicite sans être en danger de salut.

Les Protestans ont appellé articles fondamentaux, généralement ceux dont la foi, soit explicite, soit implicite, est nécessaire au salut ; & non-fondamentaux, ceux qu’on peut, disent-ils, se dispenser de croire, ou même nier expressément, malgré l’autorité des différentes sociétés chrétiennes qui voudroient en prescrire la croyance.

On pourroit encore appeller articles fondamentaux, les dogmes principaux de la doctrine chrétienne, ceux qui tiennent plus fortement à tout l’édifice de la religion ; & quelques-uns ont ces qualités-là, sans être de foi explicite. Mais la distinction des articles fondamentaux & non-fondamentaux expliquée ainsi, ne souffre aucune difficulté en Théologie.

Ces définitions une fois établies, je dis 1o. il y a dans la doctrine catholique des dogmes fondamentaux en ce sens, qu’on est obligé de les croire de foi explicite ; & d’autres qu’on peut ignorer sans danger pour le salut. Toutes les sociétés chrétiennes conviennent de ce principe. Cependant l’Église catholique n’a pas déterminé bien précisément quels sont les dogmes fondamentaux en ce sens-là. On ne peut pas regarder les symboles comme ne contenant que des dogmes de cette nature. Voyez dans l’article Foi, foi explicite & foi implicite, & l’article Symbole.

2o. La distinction des articles fondamentaux & non-fondamentaux dans le deuxieme sens, n’est pas recevable ; parce que tous les dogmes définis par l’Église catholique sont fondamentaux ; au moins est-ce en ce sens, qu’on ne peut en nier aucun, lorsqu’on conçoit la définition sur laquelle il est appuyé, sans être hors de la voie du salut. Cela suit des principes de l’autorité & de l’unité de l’Église. Voyez Eglise.

C’est dans ce dernier sens que les théologiens conciliateurs, Erasme, Cassander, Locke, dans l’ouvrage qui a pour titre, le Christianisme raisonnable, ont employé la distinction des articles fondamentaux & non-fondamentaux.

Le ministre Jurieu s’en est aussi servi dans son système de l’Église, pour prouver que les églises protestantes d’Angleterre, d’Allemagne, de France, de Danemark, &c. ne sont qu’une même Église universelle. Il se fonde sur ce que ces églises conviennent dans la même profession de foi générale sur les articles fondamentaux, quoique divisées entr’elles sur quelques points qui ne ruinent pas le fondement : à quoi il ajoûte quelques regles, pour discerner ce qui est fondamental de ce qui ne l’est pas.

En combattant les théologiens conciliateurs qui ont voulu rapprocher les sociétés séparées entr’elles & même avec la catholique, on n’a pas, ce me semble, distingué avec assez de soin les sens différens du mot fondamental. Par exemple, M. Nicole dans son livre de l’unité de l’Église, en attaquant Jurieu, s’arrête seulement à lui prouver que les églises réformées ne peuvent regarder ce qui les unit comme fondamental, & ce qui les divise comme non fondamental, qu’elles n’ayent une idée distincte de ce qu’on appelle un article fondamental, & que cela est impossible. Il semble, dit-il, que ce soit la chose du monde la plus claire & la plus commune, la plus uniformément entendue ; cependant la vérité est qu’on ne sait ce qu’on dit, qu’on n’a aucune notion distincte de ce qu’on appelle article fondamental, & que ce qu’on se hasarde quelquefois d’en dire, est étrangement confus & rempli d’équivoque, &c. Il prouve ensuite que les regles que donne Jurieu pour le discernement des vérités fondamentales, sont absolument insuffisantes.

Cette méthode d’argumenter de l’auteur de l’unité de l’Église, fournissoit au ministre une réponse assez plausible. Il auroit pû dire que les articles fondamentaux étoient ceux que les théologiens catholiques regardent comme de foi explicite ; qu’il distingueroit ceux-là par les mêmes caracteres que les Catholiques employeroient pour ceux-ci ; que l’autorité de l’Église ne donnoit aucun moyen de plus pour faire ce discernement, puisqu’elle ne décide pas quels sont précisément & uniquement les dogmes qu’il faut croire explicitement, & quels sont ceux pour lesquels la foi implicite suffit.

A quoi il auroit ajoûté, que ces dogmes de foi implicite pouvoient être niés sans danger pour le salut, quoique définis par quelques sociétés chrétiennes.

Pour enlever absolument aux Réformés cette ressource, & rappeller la question à son véritable état, il falloit tout de suite les obliger de prouver qu’ils ont pû nier sans danger pour le salut un dogme reçû dans l’Église universelle, dans l’Église qu’ils ont quitté par un schisme ; prétention absolument insoûtenable, & que nos théologiens ont suffisamment combattue. Voyez Eglise.