L’Encyclopédie/1re édition/FALCADE

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FALCADE, s. f. (Manége.) action provoquée par la subtilité avec laquelle, dans une allure prompte & pressée, le cavalier retenant le devant & diligentant le derriere, oblige ce même derriere à des tems si courts, si subits, & si près de terre, que les hanches coulent en quelque façon ensemble, les piés qui terminent l’extrémité postérieure parvenant jusqu’à la ligne de direction du centre de gravité du cheval.

Rien n’est plus capable d’en ruiner les reins & les jarrets. Ces parties vivement & fortement employées dans les falcades, ne doivent point être sollicitées & assujetties à des mouvemens de cette nature, qu’elles n’ayent acquis le jeu, la souplesse, & la facilité qu’ils exigent. Quand on supposeroit même dans l’animal une grande legereté d’épaule & de tête, une obéissance exacte, beaucoup de sensibilité, toute l’aisance & toute la franchise qu’il est possible de desirer, il seroit toûjours très-dangereux de le soûmettre fréquemment à de pareilles épreuves ; on l’aviliroit incontestablement, ou on le détermineroit enfin à forcer la main & à fuir.

Les effets que produisent les falcades multipliées sur des chevaux nerveux, faits, & confirmés, nous indiquent tout ce que nous aurions à redouter de ces leçons hasardées sur des chevaux qui n’auroient ni vigueur, ni ressource, qui pécheroient par l’incapacité de leurs membres, que l’âge n’auroit point encore fortifiés, & auxquels le travail & l’exercice n’auroient point suggéré l’intelligence des différens mouvemens de la main, du trot uni, du galop soûtenu, de l’arrêt, du reculer, du partir, &c.

Elles ne peuvent être aussi que très-préjudiciables à ceux qui montrent de la fougue & de l’appréhension, comme à ceux qui tiennent du ramingue, qui retiennent leurs forces en courant, qui sont disposés à parer sans y être invités, qui parent court & sur les épaules, quoiqu’ils soient naturellement relevés & legers à la main à toute autre action ; car souvent l’imperfection des reins & des jarrets occasionne des fautes contraires ; c’est ainsi qu’un cheval dont ces parties sont foibles n’ose consentir à l’arrêt, tandis qu’un autre cheval dans lequel nous observons la même foiblesse, mais plus de vivacité & plus d’ardeur, pare en employant tout-à-coup toute la résolution dont il est doüé, comme s’il cherchoit à hâter la fin de la douleur que lui cause la violence du parer. Celui-ci ne se rassemble que trop. Bien loin de lui demander de falquer en parant, on doit exiger qu’il forme son arrêt lentement, en traînant, pour ainsi dire, en rallentissant insensiblement son action, & en évitant que le derriere se précipite.

Du reste l’arrêt du galop précédé de deux ou trois falcades appropriées à la nature de l’animal, & proportionnées à sa vigueur & à sa force, allegerit son devant, rend les mouvemens de l’arriere-main infiniment libres, accoûtume les hanches à accompagner les épaules, assûre la tête & la queue, & perfectionne enfin l’appui. Communément on prévient le moment de l’arrêt par l’accélération ou l’accroissement de la vîtesse de cette allure. La falcade après une course violente, est d’autant moins pénible qu’elle est presque naturelle ; le derriere embrassant beaucoup de terrein à chaque tems, il ne s’agit que de rabattre les hanches, en les contraignant par le port réitéré de la main à soi dans l’instant où elles se détachent de terre ; si l’action de la main est en raison des effets qu’elle doit opérer, & que les aides des jambes du cavalier viennent au secours de la croupe que les aides peu mesurées de la main pourroient trop rallentir, le cheval falquera inévitablement. Je dois ajoûter que l’instant précis de l’arrêt, est celui de la foulée du devant ; soudain les piés de derriere s’approchent, & le mouvement naturel qui suivra cette action étant la rélevée de ce même devant, l’animal assujetti déjà par les falcades ne pourra que parer entierement sur les hanches.

On peut encore faire falquer un cheval, sans préméditer de l’arrêter. Si du petit galop je passe à un galop plus pressé, & que j’augmente ou que je fortifie de plus en plus cette allure, je rentrerai dans le premier mouvement, & j’appaiserai la vivacité de la derniere action par deux ou trois falcades, qui disposeront mon cheval à une allure plus soûtenue, plus cadencée, plus lente, & plus sonore. Aussi voyons-nous que dans les passades, & lorsque nous parvenons à leurs extrémités, nous demandons deux ou trois falcades à l’animal, pour le préparer à fournir tout de suite la volte, ses forces étant unies.

Je ne me rappelle pas, au surplus, quel est l’auteur qui recommande des pesades au bout de la ligne droite & avant d’entamer cette volte : je suis assûré d’avoir lû cette maxime dans Fréderic Grisone ou dans Cæsar Fiaschi. Le fait n’est point assez important pour que je me livre à l’ennui de parcourir de nouveau leur ouvrage ; j’observerai seulement que cette action est superflue, puisqu’on peut sans y avoir recours asseoir le cheval, & le disposer par conséquent à l’accomplissement parfait de la volte. En second lieu, celui que l’on auroit habitué à des pesades avant d’effectuer l’action de tourner, pour peu qu’il fût renfermé s’éleveroit simplement du devant & seroit sujet à s’arrêter. Enfin cette habitude seroit d’autant plus dangereuse, que si l’on considere que les passades constituent toute la manœuvre que des cavaliers pratiquent dans un combat singulier, on sera forcé d’avoüer que les pesades feroient perdre un tems considérable au cheval, & pourroient dans une circonstance où tous les instans sont prétieux, coûter la vie à quiconque se conformeroit à ce principe. (e)