L’Encyclopédie/1re édition/EXIGUER

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EXIGUER, (Jurisprud.) qu’on dit aussi exiger ou exequer, terme dont on se sert dans les coûtumes de Nivernois, Bourbonnois, Berry, Sole, & autres lieux ou les baux à cheptel sont en usage, pour exprimer que l’on se départ du cheptel, & que l’on demande exhibition, compte & partage des bestiaux qui avoient été donnés au preneur à titre de cheptel.

Quelques-uns tirent ce mot ab exigendis rationibus, à cause qu’au tems de l’exigue ou résolution du cheptel, le bailleur & le preneur entrent en compte ; mais cette étymologie n’est pas du goût de Ragueau, lequel en son glossaire au mot exiguer, dit que c’est è stabulis educere pecudes ; que chez les Romains on se servoit de ce mot exigere, pour dire faire sortir les bestiaux de l’étable, & qu’en effet lorsqu’on veut se départir du cheptel, on fait sortir les bestiaux de l’étable du preneur auquel on les avoit confiés.

La coûtume de Bourbonnois, art. 553, dit que quand bêtes sont exigées & prises par le bailleur, le preneur a le choix, dans huit jours de la prisée à lui notifiée & déclarée, de retenir les bêtes ou de les délaisser au bailleur pour le prix que celui-ci les aura prisées.

M. Despommiers dit sur cet article, n°. 3 & suivans, qu’en simple cheptel selon la forme de l’exiguë prescrite en cet article, soit que le bailleur ou le preneur veulent exiguer, le preneur doit commencer par rendre le nombre de bêtes qu’il a reçûes selon l’estimation ; après quoi on partage le profit & le croît si aucun y a ; que l’estimation ne transfere pas au preneur la propriété des bestiaux ; qu’elle est faite uniquement pour connoître au tems de l’exiguë s’il y a du profit ou de la perte ; que cette estimation est si peu une vente, qu’on a soin de stipuler dans les baux à cheptel, que le preneur au tems de l’exiguë sera tenu de rendre même nombre & mêmes especes de bestiaux qu’il a reçûs, & pour le même prix.

Cet auteur remarque encore que l’exiguë du bétail donné en cheptel avec le bail de métairie, ne se fait pas à volonté ; qu’on ne peut le faire qu’après l’expiration du bail de métairie, le cheptel étant un accessoire de ce bail.

A l’égard du simple cheptel, la coûtume de Berry, tit. xvij. art. 1 & 2, dit que le bailleur & le preneur ne peuvent exiguer avant les trois ans passés, à compter du tems du bail, & si le bail est à moitié, avant les cinq ans.

Celle de Nivernois, ch. xxj. art. 9. dit que le bailleur peut exiguer, demander compte & exhibition de son bétail, & icelui priser une fois l’an, depuis le dixieme jour devant la nativité de S. Jean-Baptiste jusqu’audit jour exclus, & non en autre tems. Que si le preneur traite mal les bêtes, le bailleur les peut exiguer toutes fois qu’il y trouvera faute sans forme de justice, sauf toutefois au preneur de répéter ses intérêts au cas que le bailleur a tort, ou en autre tems que le coûtumier. Mais, comme l’observe Coquille sur l’art. 9, du ch. xxj. de la coûtume de Nivernois, cela dépend de la regle générale des sociétés, qui défend de les dissoudre à contre-tems, & ne veut pas non plus que l’on soit contraint de demeurer en société contre son gré.

Ainsi la clause apposée dans le cheptel, que le bailleur pourra exiguer toutes fois & quantes, doit être interprétée benignement & limitée à un tems commode ; desorte que le bailleur ne peut exiguer en hyver, ni au fort des labours ou de la moisson.

Coquille à l’endroit cité, remarque encore que la faculté d’exiguer toutes fois & quantes, doit être réciproque & commune au preneur, qu’autrement la société seroit léonine.

Lorsqu’un métayer après l’expiration de son bail est sorti du domaine ou métairie sans aucun empêchement de la part du propriétaire, ce dernier n’est pas recevable après l’an à demander l’exiguë ou remise de ses bestiaux, quoiqu’il justifie de l’obligation du preneur ; n’étant pas à présumer que le maître eût laissé sortir son métayer sans retirer de lui les bestiaux, & qu’il eût gardé le silence pendant un an.

Mais quand les bestiaux sont tenus à cheptel par un tiers, l’action du bailleur pour demander l’exiguë dure 30 ans.

La coûtume de Nivernois, ch. xxj. art. 10. porte qu’après que le bailleur aura exigué & prisé les bêtes, le preneur a dix jours par la coûtume pour opter de retenir les bêtes suivant l’estimation, ou de les laisser au bailleur ; que si le preneur garde les bestiaux, il doit donner caution du prix, qu’autrement le bailleur le pourra garder pour l’estimation.

L’article 11. ajoûte que quand le preneur a fait la prisée dans le tems à lui permis, le bailleur a le même tems & choix de prendre ou laisser les bestiaux.

La coûtume de Berry dit que si le bétail demeure à celui qui exiguë & prise, il doit payer comptant ; que si le bétail demeure à celui qui souffre la prisée, il a huitaine pour payer.

L’article 551. de la coûtume de Bourbonnois charge le preneur qui retient les bestiaux de donner caution du prix, autrement les bêtes doivent être mises en main tierce. Voyez Cheptel. (A)