L’Encyclopédie/1re édition/EPIPHORE

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EPIPHORE, s. m. (Med.) Epiphora est un terme qui vient du grec ἐπιφορὰ, de ἐπιφέρειν, cum impetu ferre, porter avec impétuosité. Il est employé en différens sens.

1°. Il signifie, généralement pris, toute sorte de transport contre nature d’humeurs dans quelque partie du corps que ce soit, & particulierement du sang, selon Scribomus Largus, n. 243 ainsi il peut être appliqué à toute tumeur inflammatoire.

2°. On appelle plus spécialement epiphora, selon Galien, l. IV. de C. M. S. C. cap. vij. &c. une fluxion inflammatoire qui se fait sur les yeux ; ce qui est la même chose que l’ophthalmie. V. Ophthalmie.

3°. La signification la plus reçue du mot épiphore, est appliquée au flux de larmes habituel, causé par un relâchement des canaux excrétoires des glandes, dans lesquelles se fait la secrétion de cette humeur : ces canaux n’offrant pas assez de résistance à l’impulsion des fluides qu’ils reçoivent dans leur cavité, il s’y fait une dérivation des parties voisines ; ils en sont abreuvés en trop grande quantité, n’ayant pas la force de les retenir ; il s’en fait un écoulement proportionné, & par conséquent immodéré respectivement à l’état naturel : c’est un vrai diabete des glandes lacrymales ; l’humeur dont elles regorgent se répand sur la surface de l’œil, & sur le bord de la paupiere inférieure en plus grande abondance, que les points lacrymaux n’en peuvent recevoir, pour la porter dans la cavité des narines : elle se ramasse conséquemment vers le grand angle de l’œil, & s’écoule hors de la gouttiere sur la surface extérieure de la paupiere & des joues, ensorte que les yeux paroissent toûjours mouillés & pleurans, tant que dure ce vice, qui est quelquefois incurable, « ceux qui y sont sujets, dit Maitre-Jan, dans son traité des maladies de l’œil, part. III. chap. iij. ont ordinairement la tête grosse & large, sont d’un tempérament phlegmatique, & travaillés souvent de fluxions sur les yeux ».

Les collyres astringens sont les seuls topiques qu’il convient d’employer contre le relâchement qui cause l’épiphore. On peut avoir recours aux vesiccatoires appliqués derriere les oreilles à la nuque, pour faire diversion à l’humeur qui engorge les glandes lacrymales. Le cautere au bras peut aussi satisfaire à la même indication ; mais ce qui est plus propre à la remplir, c’est l’usage réitéré des purgatifs qui ont de l’astriction, comme la rhubarbe. L’évacuation par la voie des selles est en général plus propre qu’aucun autre moyen, à détour,er la matiere de fluxions qui se font sur les yeux, ou sur les parties qui en dépendent. Hippocrate l’avoit éprouvé sans doute, lorsqu’il a dit que le cours-de-ventre à celui qui a une fluxion sur les yeux, est très-salutaire, lippienti profluvio alvi corripi, bonum. Aphor. xvij. sect. 6. Ainsi on doit imiter la nature, c’est-à-dire suppléer à son défaut, par les secours de l’art, pour procurer une évacuation de cette espece dans le cas dont il s’agit, dont l’utilité est autant constatée par l’expérience, que l’autorité de celui qui l’assûre est bien établie par l’exactitude & la vérité de ses observations. Voyez Fluxion. (d)