L’Encyclopédie/1re édition/ENTETEMENT

ENTETEMENT, s. m. (Morale.) l’entêtement est une forte attache à son sentiment, qui rend insensible aux raisons de ceux qui veulent nous persuader le contraire.

L’entêtement naît de l’orgueil, c’est-à-dire de la trop bonne opinion que l’on a de soi-même, ou d’un défaut de capacité dans l’esprit, quelquefois aussi d’une dialectique vicieuse. Un entêté est toujours prévenu en sa faveur, & en garde contre les opinions des autres ; il ne cherche qu’à éluder la force des meilleures raisons, par des distinctions frivoles & de mauvais subterfuges. Il croiroit se déshonorer, s’il se relâchoit de ses sentimens. Il n’envisage les oppositions qu’il éprouve en les soutenant, que comme des effets d’un mauvais vouloir qu’on a contre lui. L’entêtement dans un homme du monde passe pour une grossiereté qui le fait mépriser ; c’est un vice opposé aux qualités sociales. Dans un homme en place, l’entêtement rend son gouvernement tiranique & devient la source de mille injustices. Un dévot prend son entêtement pour du zele. Il regarde ceux qui sont opposés à son sentiment, comme les ennemis de la religion, il les hait & les persécute.

Il ne faut pas confondre la fermeté avec l’entêtement, l’homme ferme soutient & exécute avec vigueur ce qu’il croit vrai & conforme à son devoir, après avoir murement pesé les raisons pour & contre. L’entêté n’examine rien, son opinion fait sa loi.

L’opiniâtreté ne differe de l’entêtement, que du plus au moins. On peut réduire un entêté en flattant son amour propre, jamais un opiniâtre, il est infléxible & arrêté dans ses sentimens. L’hérésie est un attachement opiniâtre à son sentiment.

D’où il résulte, que l’entêtement comme l’opiniâtreté, sont des vices du cœur ou de l’esprit, quelquefois aussi d’une mauvaise méthode de raisonner.

La maniere artificielle de raisonner que l’on a introduite dans l’école a perverti le sens de la raison. On peut l’appeller la chicanne du raisonnement, elle n’a servi qu’à perpétuer les disputes & à faire des entêtés. La forme de ses raisonnemens diverge les rayons de la lumiere naturelle, qui saisit plus promptement & plus sûrement la vérité, lorsque ses rayons sont réunis sous un seul point de vûe. Article de M. Millot, curé de Loisey, diocèse de Toul.