L’Encyclopédie/1re édition/EBENE
EBENE, s. m. (Hist. nat.) est une sorte de bois qui vient des Indes, excessivement dur & pesant, propre à recevoir le plus beau poli ; c’est pour cela qu’on l’employe à des ouvrages de mosaïque & de marqueterie, &c. Voyez Bois, Mosaïque, &c.
Il y a trois sortes d’ébenes ; les plus en usage parmi nous, sont le noir, le rouge & le vert : on en voit de toutes ces especes dans l’île de Madagascar, où les naturels du pays les appellent indifféremment hazon mainthi, c’est-à-dire bois noir. L’île de Saint-Maurice, qui appartient aux Hollandois, fournit aussi une partie des ébenes qu’on employe en Europe.
Les auteurs & les voyageurs ne sont point d’accord sur l’arbre dont on tire l’ébene noir ; suivant quelques-unes de leurs observations, on pourroit croire que c’est une sorte de palmier. Le plus digne de foi est M. de Flacourt, qui a résidé pendant plusieurs années à Madagascar en qualité de gouverneur. Il nous assûre que cet arbre devient très-grand & très-gros ; que son écorce est noire, & ses feuilles semblables à celles de notre myrte, d’un verd-brun foncé.
Tavernier nous atteste que les habitans des Isles ont soin d’enterrer leurs arbres lorsqu’ils sont abattus, pour les rendre plus noirs. Le P. Plumier parle d’un autre arbre d’ébene noir qu’il a découvert à Saint Domingue, & qu’il appelle spartium portulacæ foliis aculeatum ebeni materiæ. L’île de Candie produit aussi un petit arbrisseau connu des Botanistes sous le nom d’ebenus cretica.
Pline & Dioscorides disent que le meilleur ébene vient d’Éthiopie, & le plus mauvais, des Indes ; Théophraste préfere au contraire celui des Indes. De toutes les couleurs d’ébenes, le noir est le plus estimé. L’ébene le plus beau est noir comme jayet, sans veine & sans écorce, très-pesant, astringent, & d’un goût âcre.
Son écorce infusée dans de l’eau, est, dit-on, bonne pour la pituite & les maux vénériens ; c’est ce qui a fait que Matthiolus a pris le guaïac pour une sorte d’ébene. Lorsqu’on en met sur des charbons allumés, il s’en exhale une odeur agréable. L’ébene verd prend aisément feu, parce qu’il est gras : lorsqu’on en frotte une pierre, elle devient brune. C’est de ce bois que les Indiens font les statues de leurs dieux & les sceptres de leurs rois. Pompée est le premier qui en ait apporté à Rome, après avoir vaincu Mithridate. Aujourd’hui que l’on a trouvé tant de manieres de donner la couleur noire à des bois durs, on employe moins d’ébene qu’autrefois.
L’ébene verd se trouve à Madagascar, à Saint-Maurice, dans les Antilles, & sur-tout dans l’île de Tobago. L’arbre qui le produit est très-touffu ; ses feuilles sont unies, & d’un beau verd : sous sa premiere écorce il y en a une seconde, blanche, de la profondeur de deux pouces ; le reste, jusqu’au cœur, est d’un verd foncé, tirant sur le noir : quelquefois on y rencontre des veines jaunes. L’ébene ne sert pas seulement aux ouvrages de mosaïque, on l’employe encore dans la teinture, & la couleur qu’on en tire est un très-beau verd.
Quant à l’ébene rouge, appellée aussi grenadille, on n’en connoît guere que le nom.
Les Ebénistes, les Tabletiers, &c. font souvent passer pour de l’ébene le poirier & d’autres bois, en les ébénant ou leur donnant la couleur noire de l’ébene. Pour cet effet ils se servent d’une décoction chaude de noix de galles, de l’encre à écrire, d’une brosse rude, & d’un peu de cire chaude qui fait le poli ; d’autres se contentent de les chauffer ou brûler. Dict. de Comm. de Trévoux, & Chambers.
Ebene fossile, (Hist. nat.) Agricola & quelques autres Naturalistes ont donné ce nom à une espece de terre alumineuse fort noire, à cause de sa ressemblance avec le bois d’ébene. Peut-être aussi est-ce une espece de terre bitumineuse, analogue au jayet. (—)