L’Encyclopédie/1re édition/CYATHE

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CYATHE, s. m. (Hist. anc.) en latin cyathus, en grec κύαθος, de κύειν, verser : c’étoit un très-petit gobelet avec lequel on mesuroit le vin ou l’eau que l’on versoit dans les tasses, & cette mesure étoit la douzieme partie du septier ; ainsi le septier (sextarius) étoit une mesure composée de douze cyathes. Auguste bûvoit à la fois deux cyathes de vin, & sa plus grande mesure pour tout un repas étoit le septier. On ne dit pas combien il y mettoit d’eau.

Le cyathe étoit par rapport au septier ce que l’once étoit par rapport à l’as ou à la livre ; c’est pourquoi on donnoit aux parties du septier les mêmes noms qu’aux parties de l’as. La douzieme partie du septier étoit donc un cyathus ou uncia, & ainsi de suite.

Le cyathe étoit fait pour verser le vin & l’eau dans des tasses. L’usage de ce petit gobelet avoit son incommodité. Celui qui versoit à boire étoit obligé pour remplir une seule tasse, poculum, de puiser à plusieurs reprises, & jusqu’à neuf ou dix fois dans le crater qui étoit un grand vaisseau plein de vin. Le bûveur s’impatientoit ; le vin même versé de ce grand vaisseau dans le cyathe, reversé du cyathe dans la tasse, pouvoit s’éventer. Pour remédier à tous ces petits inconvéniens, on inventa l’usage des tasses inégales. On en fit faire de petites, de moyennes, & de grandes : les petites étoient le sextans, qui tenoit deux cyathes ; le quadrans, trois cyathes ; le triens, quatre cyathes : les moyennes étoient le quincunx, qui tenoit cinq cyathes ; le semis ou l’hémine, six cyathes ; le septunx, sept cyathes ; le bes, huit cyathes : les grandes étoient le dodrans, qui contenoit neuf cyathes ; le dextans, dix cyathes ; le deunx, onze cyathes.

Les Grecs aussi bien que les Romains ont fait usage & du cyathe & de tasses inégales. Athenée introduit un homme qui se fait verser dix cyathes de vin dans une seule tasse ; & voici comme il le fait parler : « Echanson, apporte une grande tasse ; verses-y les cyathes qui se boivent à ce que l’on aime ; quatre pour les personnes qui sont ici à table, trois pour l’amour ; ajoûte encore un cyathe pour la victoire du roi Antigonus. Holà, encore un pour le jeune Démétrius. Verse présentement le dixieme en l’honneur de l’aimable Vénus ». Voilà dix cyathes versés dans une seule tasse pour être bûs en un seul coup.

Chez les Romains, du tems de Martial, lorsqu’on vouloit boire à un ami ou à sa maîtresse, on demandoit autant de cyathes qu’il y avoit de lettres au nom de la personne à qui l’on alloit boire. Voilà pourquoi Horace a dit :

Qui musas amat impares,
Ternos ter cyathos attonitus petet
Vates,
&c. Od. XIX. lib. iij.

« Un poëte qui fait sa cour aux muses, ne se fera point prier dans son enthousiasme pour boire en un seul coup un verre de neuf cyathes ». Il ne dit pas boire neuf fois, mais boire neuf cyathes en une seule fois. Voyez Sanadon sur Horace, & la dissert. de M. Boivin le cadet, dans les Mém. de l’académie des Inscript. tom. I.

On ne se servoit pas seulement chez les Grecs & les Romains de cyathes pour mesurer l’eau & le vin à table, mais en général pour mesurer toutes les substances liquides, & même les seches. La Medecine en faisoit un grand usage ; aussi les anciens medecins en parlent très-souvent. Galien qui a écrit des mesures des liquides, en marquant leur proportion entre elles par la quantité d’huile ou de vin que chacune contenoit, dit (de pond. & mens. ch. jv.) que le cyathe tenoit douze dragmes d’huile, treize dragmes & un scrupule de vin, d’eau, de vinaigre, & dix-huit dragmes de miel. Nos medecins font aujourd’hui le cyathe d’une once & demie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.