L’Encyclopédie/1re édition/CONTRE-APPROCHES
CONTRE-APPROCHES, subst. f. pl. dans l’Art militaire, sont des lignes ou tranchées que font les assiégés pour venir attaquer ou reconnoître les lignes des assiégeans.
La ligne de contre-approche est une tranchée que font les assiégés, depuis leur chemin couvert jusqu’à la droite & à la gauche des attaques, pour découvrir ou envelopper les travaux des ennemis. On la commence à l’angle de la place d’armes de la demi-lune qui n’est point attaquée, à cinquante ou soixante toises des attaques, & on la continue aussi loin qu’il est nécessaire pour voir l’ennemi dans ses tranchées & dans ses lignes. Cette ligne doit partir précisément du chemin-couvert & de la demi-lune, afin que si l’ennemi vient à s’en emparer, elle ne lui soit d’aucune utilité. Le gouverneur enverra souvent pendant la nuit, au moyen de cette ligne, des partis de cavalerie ou d’infanterie, pour faire quitter aux travailleurs leurs postes, & enlever si l’on peut les ingénieurs qui conduisent les travaux. Savin, nouv. écol. milit. p. 280.
La ligne de contre-approche ne se pratique guere, parce qu’elle devient trop dangereuse en s’éloignant de la place. M. Goulon propose au lieu de cette ligne, de placer pendant la nuit une rangée de tonneaux ou de gabions, en s’avançant dans la campagne à la distance de 30 ou 50 pas de l’angle saillant du chemin-couvert de la demi-lune collatérale de l’attaque, afin de pouvoir le matin enfiler la tranchée de derriere ces tonneaux. Mais pour faire cette manœuvre, il faut que l’ennemi n’ait pas de batteries tournées de ce côté-là ; autrement il culbuteroit avec son canon toute cette espece de ligne. On remplit ces tonneaux ou gabions de matiere combustible, pour être en état de les brûler lorsqu’on ne peut plus les soûtenir, & que l’ennemi vient pour s’en saisir. Celui qui est le plus près de la palissade du chemin-couvert, en doit être au moins éloigné de la longueur d’une hallebarde, afin qu’il ne puisse y mettre le feu.
M. le chevalier de Folard dit, dans son traité de la défense des places des anciens, qu’il n’y a aucun exemple formel des lignes de contre-approche depuis le siége de Belgrade par Mahomet II. en 1456, c’est-à-dire depuis environ 300 ans. Cependant elles ont été employées fort utilement au siége de Bergopzoom, en 1622. Fritach le rapporte en ces termes dans son traité de fortification.
« Au siége de Bergopzoom il y avoit quantité de contre-approches, desquelles les assiégés travaillerent tellement l’ennemi, qu’il ne s’en pouvoit approcher que d’un pié ; outre qu’ils avoient avancé dans la campagne toutes sortes d’ouvrages extérieurs, par le moyen desquels, comme aussi du secours, les Espagnols furent contraints de quitter le siége, &c. » Voilà évidemment les contre-approches en usage depuis Mahomet II. Il y a grande apparence que cet exemple n’est pas le seul. Mais quoi qu’il en soit, si l’on est en état de soûtenir une ligne de contre-approche, on le sera encore davantage de faire de bonnes sorties qui pourront faire plus de mal à l’assiégeant. Le Blond, traité de la défense des places. (Q)