L’Encyclopédie/1re édition/COMMANDE ou COMMENDE
COMMANDE ou COMMENDE, (Mat. bénéfic.) signifie garde-dépôt. Donner un bénéfice en commende, c’est donner en garde à un séculier un bénéfice régulier, lequel ne peut être conféré en titre qu’à un régulier, suivant la regle secularia secularibus, reguria regularibus, qui étoit la discipline observée dans les premiers siecles de l’Église.
Quelques-uns rapportent l’établissement des commendes à Urbain II. d’autres à Clément V. d’autres encore à Léon IV. mais l’usage en paroît encore plus ancien.
En effet on voit que dès le tems du troisieme concile d’Orléans, tenu sous Childebert en 538, les évêques donnoient à des clercs séculiers les monasteres qui étoient dans leurs dioceses, de même qu’ils leur donnoient des cures & des chapelles, & que l’évêque avoit le pouvoir de conserver au clerc qu’il avoit mis à la tête d’un monastere, la part qu’il avoit dans les revenus de l’église séculiere à laquelle il étoit attaché, ou de l’obliger à se contenter de ce qu’il pourroit avoir du monastere.
S. Grégoire le grand qui siégeoit sur la fin du sixieme siecle, admettoit qu’il y a des cas où la charité, qui est au-dessus des regles, autorise l’usage de donner des monasteres en commende à des clercs séculiers : Paulin évêque de Tour en Sicile, s’étant retiré en Sicile, ce saint pontife lui donna la conduite d’un monastere, comme le desiroit l’évêque du lieu.
Du tems de Clotaire, S. Leger étant archidiacre de Poitiers, eut par l’ordre de son évêque l’administration de l’abbaye de S. Maixent, qu’il gouverna pendant six ans.
On voit par-là que le pape n’étoit pas le seul qui conférât des bénéfices réguliers en commende, que les évêques en conféroient aussi sous le même titre.
Les princes donnerent même les abbayes à des laïcs : Charles Martel maire du palais fut le premier qui disposa ainsi des abbayes, de même que les dixmes, en faveur des princes & seigneurs, pour les récompenser de la dépense qu’ils avoient faite dans la guerre contre les Sarrasins. C’est de-là que vinrent les noms d’abbates milites, ou abbi-comites : ceux-ci établissoient un doyen ou prieur pour gouverner des moines. Ces especes de commendes laïques continuerent sous les rois, leurs enfans, & sous leurs successeurs, jusqu’à Hugues Capet, qui rétablit les élections dans les églises & monasteres, & restitua autant qu’il fut possible les revenus qui avoient été pris par les derniers rois de la race Carlovingienne.
Pour ce qui est des commendes ecclésiastiques, elles n’ont jamais été pratiquées parmi nous pour les évêchés ni pour les cures, mais seulement pour les abbayes & les prieurés, tant simples que conventuels.
Les commendes ecclésiastiques ne furent introduites que pour l’utilité de l’Église, c’est pourquoi le commendataire n’avoit pas la joüissance, mais seulement l’administration des fruits : d’abord la commende ne duroit que jusqu’à la provision ; ensuite on la donna pour un tems limité, quelquefois assez long. Le pape défendit aux évêques de donner un bénéfice en commende pour plus de six mois : mais la loi ne fut point pour le législateur ; les papes donnoient en commende jusqu’à ce que le commendataire eût acquis les qualités nécessaires. Enfin en 1350 les papes, sans permettre aux évêques de donner en commende pour plus de six mois, en donnerent à vie. Discip. de Frapaolo, p. 148.
Tant que les papes & les évêques en conférant des bénéfices réguliers en commende, n’ont eu en vûe que le bien de l’Église & celui des monasteres, les peres & les conciles n’ont point condamné cet usage : mais vers les viij. & jx. siecles elles dégénérerent en abus ; & lorsqu’on vit que ces commendataires laissoient tomber en ruine les monasteres, que le service divin étoit abandonné, les religieux sans chef, & manquant du nécessaire, l’Église s’est élevée fortement contre les commendes, par rapport au mauvais usage que les commendataires en faisoient, & a ordonné en différentes occasions que les abbayes ne seroient plus conférées qu’à des réguliers : c’est ce que l’on trouve dans le concile de Thionville, tenu en 844.
Jean VIII. président au concile de Troyes sous le regne de Louis le Begue, y fit recevoir une constitution, qui en conformité d’un précédent concile de Rome, portoit que les abbayes, terres, & fonds de l’Église, ne seroient plus donnés qu’à ceux qui seroient capables de les posséder suivant les canons. Le concile de Troley tenu sous Charles le Simple, s’expliqua encore plus clairement sur ce point : après s’être élevé fortement contre l’abus que l’on avoit fait des commendes, il ordonna que l’on observeroit exactement la regle de S. Benoît, qui veut que les religieux choisissent un d’entre eux pour gouverner le monastere en qualité d’abbé.
L’usage des commendes laïques cessa, comme nous l’avons dit, du tems de Hugues Capet, mais l’abus des commendes continua encore par rapport aux ecclésiastiques : les évêques, soit de leur autorité ou de celle du pape, retenoient encore les abbayes sous le titre de commende ; & il arriva fréquemment dans les xij. & xiij. siecles que les évêques titulaires en la Terre-sainte en étant chassés par les infideles, le pape leur donnoit d’autres évêchés ou des monasteres en commende perpétuelle.
Des cardinaux & autres prélats demanderent ces monasteres en commende, sous prétexte d’y mettre la réforme ; ce qu’ils ne firent point.
Les commendes devinrent très-communes dans le xjv. siecle, tandis que le saint siége étoit à Avignon : Clément V. les avoit tellement multipliées, qu’il crut ne pouvoir réparer le tort que sa trop grande facilité avoit fait à l’Église, qu’en révoquant lui-même toutes les commendes qu’il avoit accordées. Benoît XII. révoqua celles de Jean XXII. son prédécesseur ; & Innocent VI. celles de Benoît XII. Elles furent néanmoins rétablies par Urbain VI. & par Boniface IX. mais seulement pour un tems. Paul II. en 1462 les rendit perpétuelles.
Le cinquieme concile de Latran tenu en 1512, défendit que les monasteres qui n’étoient point en commende y fussent donnés à l’avenir : mais le pape s’étant reservé la faculté d’y déroger, l’usage des commendes continua comme auparavant : il sembloit encore abrogé, du moins pour la France, par le concordat fait en 1516 entre Léon X. & François I. cependant les choses sont restées sur le même pié.
Le concile de Trente & les conciles provinciaux qui ont été tenus depuis, notamment celui de Rouen en 1581, & celui de Reims en 1583, se sont contentés de faire des vœux pour le rétablissement de l’ancienne discipline.
Il y a présentement en France deux sortes de commendes, qui ne sont plus pour un tems comme autrefois, mais à vie.
Les premieres sont celles des abbayes & des prieurés conventuels, auxquels le Roi nomme en vertu du concordat.
Les autres sont des prieurés simples ou conventuels, qui sont à la nomination des princes, cardinaux, abbés, & autres qui ont des indults du pape enregistrés & reconnus au parlement pour les donner en commende. Mais comme les provisions en commende sont contre la disposition du Droit canonique, & que le pape seul peut dispenser de l’inhabilité des personnes, il n’y a que lui qui puisse conférer en commende avec la pleine disposition des fruits.
Au reste la commende ne change point le bénéfice de nature, quelque tems qu’il ait été possédé en commende.
Un bénéfice autrefois en commende, qui est depuis retourné en regle, c’est-à-dire qui a été conféré à un régulier, ne peut plus être possédé en commende sans obtenir une nouvelle dispense du pape.
On distingue encore deux sortes de commendes, savoir la commende libre, & la commende decretée.
La commende libre est celle à laquelle le pape n’a apposé aucune restriction, de maniere que le bénéfice peut passer d’un bénéficier à un autre à titre de commende sans nouvelle dispense du pape, lequel en ce cas ne peut refuser de le conférer en commende.
La commende decretée est lorsque dans les provisions données par le pape d’un bénéfice régulier, il y a le decret irritant ou clause que le bénéfice retournera en regle par la démission, résignation, ou décès du titulaire, cedente vel decedente.
Celui qui possede un bénéfice en commende decretée, ne peut le résigner en commende libre ; cependant s’il y avoit eu trois titulaires qui eussent successivement possédé en commende, le quatrieme ne seroit pas obligé de faire mention du decret irritant.
Quand un bénéfice possédé en commende vient à vaquer, le collateur ordinaire peut y pourvoir en titre, c’est-à-dire le conférer à un régulier.
Un séculier pourvû en commende se faisant religieux, son bénéfice vaque par sa profession. Voyez la bib. can. t. II. p. 159. Duperray, moyens can. t. II. chap. xj. pag. 328. Dumolin, de public. resig. n. 302. Loüet, ibid. Fuet, liv. III. ch. ij. Le diction. de Brillon, au mot bénéfice, § commend. Le tr. des lois ecclésiast. de M. d’Héricourt, aux différens endroits indiqués dans la table, aux articles abbayes & abbés commendataires. Et la jurispr. canon. au mot commende. (A)
Commande ou Commende, (Jurisprudence.) en la coûtume de Bayonne, titre iij. article 1. signifie dépôt.
Commande, en quelques coûtumes, est un droit qui se leve sur les serfs affranchis par leur seigneur. Coût. de Chateauneuf, art. 22. la charte de l’an 1278, ch. lxviij. des coût. locales de Berry.
Commande, est aussi en quelques lieux la taille dûe par des hommes de condition servile ; elle est ainsi nommée dans l’article 28. des coûtumes locales de Château-Mellian en Berry, & dans la charte d’affranchissement des habitans de Gournay, de l’an 1278, publiée par la Thaumassiere entre ses anciennes coûtumes, part. I. ch. lxxjv. p. 109.
Droit de commande, en l’ancienne coûtume de Mehun en Berry, art. 2. tit. ij. est le droit que le seigneur prend chacun an sur les veuves de condition servile, durant leur viduité, pour reconnoissance & conservation de son droit de servitude ; il est de deux deniers parisis par an. Dans la coûtume de Châteauneuf locale de Berry, titre ij. art. 22. ce droit se leve sur les femmes serves mariées à autres qu’à ceux de la condition & servitude du seigneur ; ce droit y est de quatre deniers par an. Voyez Lauriere, glossaire, au mot Commande.
Commande, en matiere bénéficiale, voyez Commende.
Commande de bestiaux, est un contrat par lequel on donne à un laboureur ou à un pasteur une certaine quantité de bétail, tels que bœufs, vaches & moutons, à la charge que le preneur les nourrira & en jouira comme un bon pere de famille, & qu’au bout d’un certain tems il le représentera afin que le bailleur préleve dessus l’estimation, & que le surplus ou le croît se partage entre lui & le preneur. Quelques-uns considerent ce contrat comme une vente, d’autres comme une société, d’autres enfin comme un loüage. Cette question est amplement traitée par Revel sur les statuts de Bugey. Voyez Cheptel. (A)
Commande, (Commerce.) ordre, commission qu’un marchand donne à son commissionnaire de lui acheter, vendre ou négocier des marchandises. Dictionn. de Comm. de l’Acad. Franç. & Trév.
Commande, se dit aussi des ouvrages que les Manufacturiers, Marchands ou Artisans font ou font faire par ordre exprès ; ce qui les distingue des ouvrages fabriqués pour la boutique ou le magasin, qui se vendent au premier venu. On dit une étoffe de commande, &c. Dictionn. de Comm. & Trév.
Commande, (Marine.) ce mot est crié par l’équipage pour répondre au maître, qui a appellé de la voix ou du sifflet pour quelque commandement qu’il va faire. (Z)
Commande, (Marine.) c’est ainsi qu’on appelle de petites cordes de merlin, dont les garçons de navire sont toûjours munis à la ceinture afin de s’en pouvoir servir au besoin ; elles servent à serrer les voiles, & à renforcer les autres manœuvres. Elles sont faites de deux fils à la main dans le bond. On les appelle autrement rabans. Il y a des commandes de palans. (Z)