L’Encyclopédie/1re édition/CHANTEAU

CHANTEAU, s. m. (Jurispr.) dans quelques coûtumes & anciens auteurs, signifie part ou plûtôt partage : c’est en ce dernier sens qu’il y est dit que le chanteau part le villain. La coûtume de la Marche rédigée en 1521, porte, article 153. qu’entre hommes tenant héritages serfs, ou mortaillables, le chanteau part le villain ; c’est-à-dire, continue le même article, que quand deux ou plusieurs desdits hommes, parens, ou autres qui par avant étoient communs, font pain séparé par maniere de déclaration de vouloir partir leurs meubles, ils sont tenus & réputés divis & séparés quant aux meubles, acquêts, conquêts, noms, dettes, & actions.

La coutume d’Auvergne, chap. xxvij. article 7. porte que par ladite coûtume ne se peut dire ni juger aucun partage, avoir été fait entre le conditionné (c’est l’emphitéote main-mortable) & ses freres au retrait lignager par la seule demeure, séparé dudit conditionné & de ses autres freres ou parens, par quelque laps de tems que ce soit, s’il n’y a partage formel faît entre ledit conditionné & ses freres ou lignagers, ou commencement de partage par le partement du chanteau.

La disposition de cette coûtume fait connoître que le terme de chanteau ne signifie pas toûjours un partage de tous les biens communs, mais que le chanteau, c’est-à-dire une portion de quelque espece de ces biens qui est possédée séparément par un des mortaillables ou autres communiers, fait cesser la communauté qui étoit entre eux, tant pour ces biens que pour tous les autres qu’ils possedent par indivis.

Le terme de chanteau peut aussi être pris pour pain séparé, car chanteau en général est une portion d’une chose ronde ; & comme les pains sont ordinairement ronds, le vulgaire appelle une piece de pain, chanteau ; & de-là dans le sens figuré, on a dit chanteau pour pain à part ou séparé. En effet, dans plusieurs coûtumes, le feu, le sel, & le pain, partent l’homme de morte-main ; c’est-à-dire, que quand les communiers ont leur feu, leur sel, ou leur pain à part, ils cessent d’être communs, quoiqu’ils n’ayent pas encore partagé les biens communs entre eux. Voyez la coûtume du duché de Bourgogne, art. 90. Celle du Comté, art. 99. Celle de Nivernois, tit. viij. art. 13.

Il résulte de ces différentes explications que cette façon de parler, le chanteau part le villain, signifie que le moindre commencement de partage entre communiers fait cesser la communauté, quoiqu’ils possedent encore d’autres biens par indivis. Voyez la pratique de Masuer, tit. xxxij. art. 20. Le gloss. de M. de Lauriere, au mot Chanteau. (A)

* Chanteau, (Tailleur.) c’est ainsi que ces ouvriers appellent les especes de pointes qu’ils sont obligés d’ajoûter sur les côtés d’un manteau ou autre vêtement semblable, entre les deux lés du drap, tant pour lui donner l’ampleur nécessaire, que pour l’arrondir.

* Chanteau, (Tonnell.) c’est entre les pieces du fond d’un tonneau ou autres vaisseaux ronds, celle du milieu, qui n’a point de semblable, & qui est terminée par deux segmens de cercles égaux.