L’Encyclopédie/1re édition/CALMAR ou CALEMAR, CORNET

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 562-563).
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CALMAR ou CALEMAR, CORNET, loligo, s. m. (Hist. nat. Zoologie) animal du genre des animaux mous, mollia. M. Needham, de la société royale de Londres, nous en a donné la description dans ses nouvelles observations microscop. Voici ce que nous en avons tiré. Le calmar est assez ressemblant à la seche & au polype de mer, & il a comme eux, un réservoir plein d’une liqueur noire comme de l’encre : le corps est allongé ; la partie qui porte le nom d’os dans la seche n’est point dans le calmar ; il y a en place une substance élastique, fine, transparente, ressemblante à du talc, pliée suivant la longueur de son grand axe dans l’état naturel, & de la figure d’un ovale allongé, lorsqu’elle est étendue. Cette substance est placée immédiatement entre la partie intérieure du dos ou de l’étui de l’animal, & les intestins qu’elle renferme dans sa cavité. Le calmar a dix cornes ou bras rangés à égale distance les uns des autres, autour d’une levre disposée en cercle & ridée, qui renferme un bec composé de deux pieces de substance analogue à la corne, & de deux parties crochues emboîtées l’une dans l’autre, & mobiles de droit à gauche. L’ouverture qu’elles laissent entre elles, est perpendiculaire au plan qui passe par les deux yeux, qui sont placés de chaque côté de la tête assez près l’un de l’autre, & au-dessous de la racine des bras de l’animal. Ces bras ne sont pas tous de la même longueur ; il y en a deux qui sont aussi longs que l’animal, tandis que les autres sont beaucoup plus petits : la grosseur de ceux-ci diminue peu à peu depuis la racine jusqu’à l’extrémité qui est terminée en pointe ; leur côté intérieur est convexe, & garni de plusieurs rangées de petits suçoirs mobiles. Il y a sur le côté extérieur deux plans qui forment un angle en se réunissant. Les deux bras les plus longs sont cylindriques, excepté à leur extrémité, qui a la même forme que les petits bras, & qui est garnie de suçoirs ; la substance de tous ces bras est assez semblable à celles des tendons des animaux, & fort élastique.

Chaque suçoir tient au bras de l’animal par un pédicule ; lorsqu’ils sont étendus ils ressemblent en quelque sorte au calice d’un gland : dans la contraction, le pédicule s’éleve conjointement avec une membrane fine, qui environne un anneau cartilagineux, garni de petits crochets ; ces crochets s’attachent à ce qu’ils touchent, & ensuite l’animal retire le pédicule & les crochets pour retenir sa proie. C’est par ce moyen que s’opere la succion qui est faite en même tems par plus de mille suçoirs différens : on en a compté plus de cent à l’un des petits bras, & plus de cent vingt à l’extrémité des longs bras : mais leur nombre ne peut être déterminé au juste, parce qu’ils sont à peine sensibles à l’extrémité des petits bras. Le diametre des plus grands suçoirs dans un de seize pouces est de trois dixiemes de pouce, & leur profondeur est à peu près égale au diametre.

Il y a au-dedans de la cavité du bec une membrane garnie de neuf rangées de dents, qui en s’élargissant par le haut & en se contournant par le bas, forme en même tems une langue & un gosier. Le corps du calmar est un étui cartilagineux, garni de deux nageoires ; il y a immédiatement au-dessous du bec un conduit ou canal en forme d’entonnoir ouvert par les deux bouts, qui donne issue à une liqueur noire, qui trouble l’eau lorsque l’animal la répand : cette liqueur étant exposée à l’air, se condense & devient une substance dure & fragile comme du charbon ; & ensuite elle peut se dissoudre dans l’eau. Vers le milieu de Décembre, M. Needham remarqua près de la racine du réservoir, qui renferme la liqueur noire, deux sacs membraneux d’une figure ovale, d’un quart de pouce de diametre ; ils étoient remplis d’une matiere gluante où étoit contenu le frai de l’animal. A la vûe simple on n’y distinguoit que de petites taches d’une belle couleur de cramoisi : mais à l’aide du microscope on voyoit des œufs très-différens les uns des autres, pour la grandeur & pour la figure : les deux côtés du canal par où passe la liqueur noire sont soûtenus & écartés l’un de l’autre par deux cartilages paralleles & cylindriques. On voit au-dessus du cartilage gauche deux tuyaux fortement adhérens l’un à l’autre, quoique leurs cavités soient séparées : peut-être servent-ils de conduit au frai lorsqu’il sort ; au moins il est certain qu’il y a dans le corps du calmar mâle, deux vaisseaux de la même nature, & situés de la même maniere par lesquels l’animal fait sortir sa laite.

Ce fut au milieu de Décembre que M. Needham découvrit, pour la premiere fois, quelqu’apparence de la laite & des vésicules qui la renferment ; avant ce tems il n’avoit trouvé aucun vestige de semence dans les mâles, ni de frai dans les femelles. Les deux conduits de la semence étoient bien visibles : mais ils ne se terminoient point en un long réservoir ovale, étendu parallelement à l’estomac, & occupant plus de la moitié de la longueur de l’animal ; ces parties se forment & accroissent à mesure que la semence approche de son degré de maturité. Les vaisseaux qui la contiennent sont rangés par paquets, plus ou moins éloignés des conduits déférens.

« L’étui extérieur est transparent, cartilagineux, & élastique ; son extrémité supérieure est terminée par une tête arrondie, qui n’est autre chose que le sommet même de l’étui, contourné de façon qu’il ferme l’ouverture, par où l’appareil intérieur s’échappe dans le tems de son action.

» Au-dedans est renfermé un tube transparent, qui est elastique en tous sens, comme il est aisé de s’en convaincre par les phénomenes qu’il offre ; ce tube fait effort pour passer par les ouvertures qu’il trouve : quoiqu’il ne soit pas par-tout également visible, diverses expériences prouvent cependant qu’il renferme la vis, le suçoir, le barillet & la substance spongieuse qui s’imbibe de la semence. La vis en occupe le haut & fait sortir au-deçà de sa partie supérieure, deux petits ligamens par lesquels elle est adhérente, aussi bien que tout le reste de l’appareil, auquel elle est jointe, au sommet de l’étui extérieur. Le suçoir & le barillet sont placés au milieu de ce tube ; la substance spongieuse dilate sa partie inférieure, & est jointe au barillet par une espece de ligament.

» Plusieurs de ces vaisseaux parvenus à leur maturité, & débarrassés de cette matiere gluante qui les environne pendant qu’ils sont dans le réservoir de la laite, agissent dans le moment qu’ils sont en plein air ; & peut-être que la légere pression qu’ils souffrent en sortant, suffit pour les déterminer à cela : cependant la plûpart peuvent être placés commodément pour être vûs au microscope, avant que leur action commence ; & même pour qu’elle s’exécute, il faut humecter avec une goutte d’eau l’extrémité supérieure de l’étui extérieur, qui commence alors à se développer, pendant que les deux petits ligamens qui sortent hors de l’étui se contournent & s’entortillent en différentes façons ; en même tems la vis monte lentement, les volutes qui sont à son bout supérieur se rapprochent & agissent contre le sommet de l’étui. Cependant celles qui sont plus bas arrivent aussi, & semblent être continuellement suivies par d’autres qui sortent du piston. M. Needham dit qu’elles semblent être suivies, parce qu’il ne croit pas qu’elles le soient en effet ; ce n’est qu’une simple apparence produite par la nature du mouvement de la vis. Le suçoir & le barillet se meuvent aussi suivant la même direction ; & la partie inférieure qui contient la semence s’étend en longueur, & se meut en même tems vers le haut de l’étui : ce qu’on remarque par le vuide qu’elle laisse au fond. Dès que la vis avec le tube dans lequel elle est renfermée, commence à paroître hors de l’étui, elle se plie, parce qu’elle est retenue par ses deux ligamens ; & cependant tout l’appareil intérieur continue à se mouvoir, lentement & par degrés, jusqu’à ce que la vis, le suçoir, & le barillet soient entierement sortis. Quand cela est fait, tout le reste saute dehors en un moment ; le suçoir se sépare du barillet ; le ligament apparent qui est au-dessous de ce dernier, se gonfle & acquiert un diametre égal à celui de la partie spongieuse qui le suit. Celle-ci, quoique beaucoup plus large que dans l’étui, devient encore cinq fois plus longue qu’auparavant ; le tube qui renferme le tout s’étrécit dans son milieu, & forme ainsi deux especes de nœuds distans environ d’un tiers de sa longueur, de chacune de ses extrémités ; ensuite la semence s’écoule par le barillet, & elle est composée de petits globules opaques, qui nagent dans une matiere sereuse, sans donner aucun signe de vie, & qui sont précisément tels qu’on les a vûs, quand ils étoient répandus dans le réservoir de la semence. La partie comprise entre les deux nœuds paroît être frangée ; quand on l’examine avec attention, on trouve que ce qui la fait paroître telle, c’est que la substance spongieuse, qui est en dedans du tube, est rompue & séparée en paralleles à peu près égales.

» Quelquefois il arrive que la vis & le tube se rompent précisément au-dessus du suçoir, lequel reste dans le barillet ; alors le tube se ferme en un moment, & prend une figure conique, en se contractant autant qu’il est possible par-dessus l’extrémité de la vis ; ce qui démontre qu’il est très-élastique en cet endroit, & la maniere dont il s’accommode à la figure de la substance qu’il renferme, lorsque celle-ci souffre le moindre changement, prouve qu’il l’est également par-tout ailleurs. »

On sait par les fragmens d’alimens que l’on a trouvés dans l’estomac du calmar, qu’il se nourrit d’animaux, & entre autres de pélamides & de melettes, qui sont de petits poissons, dont il y a grand nombre dans les bas-fonds, près de l’embouchure du Tage. Voyez les nouvelles observations microscopiques.

On a distingué deux sortes de calmars, le grand & le petit, celui-ci est aussi appellé casseron ; il differe de l’autre en ce qu’il est plus petit, & que l’extrémité de son corps est plus pointue.

Le nom du calmar vient de la ressemblance qu’on lui a trouvée avec un encrier, sur-tout pour la liqueur noire qui est dans le corps de l’animal, & que l’on prendroit pour de l’encre. Rondelet. (I)