L’Encyclopédie/1re édition/AVERNE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 869).

AVERNE, s. m. chez les anciens, se disoit de certains lieux, grottes, & autres endroits dont l’air est contagieux, & les vapeurs empoisonnées ou infectées ; on les appelle aussi mephites. Voyez Humide, Exhalaison, &c.

On dit que les avernes sont fréquens en Hongrie, ce que l’on attribue au grand nombre de ses mines. Voyez Mine & Minéral. La grotte de Cani, en Italie, est célebre. Voyez Grotte, Exhalaison, &c.

Le plus fameux averne étoit un lac proche de Baïès, dans la Campanie ; les Italiens modernes l’ont appellé pago di tripergola.

Les anciens disent que les vapeurs qu’il exhale sont si pernicieuses, que les oiseaux ne peuvent le passer en volant, & qu’ils y tombent morts. Cette circonstance jointe à la grande profondeur du lac, fit imaginer aux anciens, que c’étoit une entrée de l’enfer ; c’est pourquoi Virgile y fait descendre Enée par cet endroit.

Proche de Baïes, dit Strabon, est le golfe de Lucrine, où est le lac de l’averne. C’étoit-là que les anciens croyoient qu’Ulysse avoit, suivant Homere, conversé avec les morts, & consulté les manes de Tirésias ; là étoit l’oracle consacré aux ombres, qu’Ulysse alla voir & consulter sur son retour. L’averne est un lac obscur & profond, dont l’entrée est fort étroite du côté de la baie ; il est entouré de rochers pendans en précipice, & n’est accessible qu’aux navires sans voile ; ces rochers étoient autrefois couverts d’un bois impénétrable, dont la profonde obscurité imprimoit une horreur superstitieuse, & l’on croyoit que c’étoit le séjour des Cimmeriens, nation qui vivoit en de perpétuelles ténebres. Voyez Cimmerien.

Avant que de faire voile vers cet endroit horrible, on sacrifioit aux dieux infernaux pour se les rendre propices ; dans ces actes de religion, l’on étoit assisté de prêtres, qui demeuroient & exerçoient leurs fonctions proche de l’averne. Au dedans étoit une fontaine d’eau pure, qui se déchargeoit dans la mer ; on n’en buvoit jamais, parce que l’on étoit persuadé que c’étoit un écoulement du Styx. En quelqu’endroit proche de cette fontaine étoit l’oracle ; les eaux chaudes qui sont communes dans ce pays, faisoient penser aux habitans qu’elles sortoient du Phlégéton. Recherches sur la vie d’Homere. sect. 11. (G)