L’Encyclopédie/1re édition/ARGONAUTES

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* ARGONAUTES, s. m. pl. (Myth.) c’est ainsi qu’on appella les princes Grecs, qui entreprirent de concert d’aller en Colchide conquérir la toison d’or, & qui s’embarquerent pour cet effet sur le navire Argo, d’où ils tirerent leur nom. On croit qu’ils étoient au nombre de cinquante-deux ou de cinquante-quatre, non compris les gens qui les accompagnoient. Jason étoit leur chef ; & l’on compte parmi les principaux, Hercule, Castor & Pollux, Laerte pere d’Ulisse, Oilée pere d’Ajax, Pelée pere d’Achille, Thesée & son ami Pirithoüs. Ils s’embarquerent au Cap de Magnesie en Thessalie ; ils allerent d’abord à Lemnos, de-là en Samothrace ; ils entrerent ensuite dans l’Hellespont, & côtoyant l’Asie mineure, ils parvinrent par le Pont-Euxin jusqu’à Æa capitale de la Colchide ; d’où après avoir enlevé la toison d’or, ils revinrent dans leur patrie après avoir surmonté mille dangers. Cette expédition précéda de trente-cinq ans la guerre de Troie, selon quelques-uns, & selon d’autres de quatre-vingts-dix ans. A l’égard de l’objet qui attira les argonautes dans la Colchide, les sentimens sont partagés. Diodore de Sicile croit que cette toison d’or tant prônée, n’étoit que la peau d’un mouton que Phrixus avoit immolé, & qu’on gardoit très-soigneusement, à cause qu’un oracle avoit prédit que le Roi seroit tué par celui qui l’enleveroit. Strabon & Justin pensoient que la fable de cette toison étoit fondée sur ce qu’il y avoit dans la Colchide des torrens qui rouloient un sable d’or, qu’on ramassoit avec des peaux de mouton, ce qui se pratique encore aujourd’hui vers le Fort-Louis, où la poudre d’or se recueille avec de semblables toisons, lesquelles quand elles en sont bien remplies peuvent être regardées comme des toisons d’or. Varron & Pline prétendent que cette fable tire son origine des belles laines de ce pays, & que le voyage qu’avoient fait quelques marchands Grecs pour en acheter avoit donné lieu à la fiction. On pourroit ajoûter que comme les Colques faisoient un grand commerce de peaux de marte & d’autres pelleteries précieuses, ce fut peut-être là le motif du voyage des argonautes. Palephate a imaginé, on ne sait sur quel fondement, que sous l’embleme de la toison d’or on avoit voulu parler d’une belle statue d’or, que la mere de Pelops avoit fait faire, & que Phrixus avoit emportée avec lui dans la Colchide. Enfin Suidas croit que cette toison étoit un livre en parchemin, qui contenoit le secret de faire de l’or, digne objet de l’ambition, ou plûtôt de la cupidité non-seulement des Grecs, mais de toute la terre ; & cette opinion que Tollius a voulu faire revivre, est embrassée par tous les Alchimistes. Hist. des argon. par M. l’abbé Bannier. Mém. de l’Académie des Belles-lettres, tom. XII. (G)