L’Encyclopédie/1re édition/ARCADIENS

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 602-603).

* ARCADIENS, s. m. pl. (Hist. Littér.) nom d’une société de savans qui s’est formée à Rome en 1690, & dont le but est la conservation des Lettres, & la perfection de la poësie Italienne. Le nom d’Arcadiens leur vient de la forme de leur gouvernement, & de ce qu’en entrant dans cette Académie, chacun prend le nom d’un berger de l’ancienne Arcadie. Ils s’élisent tous les quatre ans un président, qu’ils appellent le gardien, & ils lui donnent tous les ans douze nouveaux assesseurs : c’est ce tribunal qui décide de toutes les affaires de la société. Elle eut pour fondateurs quatorze savans, que la conformité de sentimens, de goût & d’étude rassembloit chez la reine Christine de Suede, qu’ils se nommerent pour protectrice. Après sa mort leurs lois, au nombre de dix, furent rédigées en 1696, dans la langue & le style des douze tables, par M. Gravina ; on les voit exposées sur deux beaux morceaux de marbre dans le Serbatojo, salle qui sert d’archives à l’Académie ; elles sont accompagnées des portraits des Académiciens les plus célebres, à la tête desquels on a mis le pape Clément XI. avec son nom pastoral, Alnano Melleo. La société a pour armes une flûte couronnée de pin & de laurier ; elle est consacrée à Jesus-Christ naissant ; & ses branches se sont répandues, sous différens noms, dans les principales villes d’Italie : celles d’Aretio & de Macerata s’appellent la Forzata ; celles de Bologne, de Venise & de Ferrare l’Animosa ; celle de Sienne la Physica-critica ; celle de Pise l’Alphaja ; celle de Ravenne, dont tous les membres sont écclésiastiques, la Camaldulensis, &c. Elles ont chacune leur vice-gardien ; elles s’assemblent sept fois par an, ou dans un bois, ou dans un jardin, ou dans une prairie, comme il convient ; les premieres séances se tinrent sur le mont Palatin, elles se tiennent aujourd’hui dans le jardin du prince Salviati. Dans les six premieres on fait la lecture des Arcadiens de Rome. Les Arcadiennes de cette ville font lire leurs ouvrages par des Arcadiens. La septieme est accordée à la lecture des Arcadiens associés étrangers. Tout postulant doit être connu par ses talens, & avoir, comme disent les Arcadiens, la noblesse de mérite ou celle d’extraction, & vingt-quatre ans accomplis. Le talent de la poësie est le seul qui puisse ouvrir la porte de l’Académie à une dame. On est reçu ou par l’acclamation, ou par l’enrolement, ou par la représentation, ou par la surrogation, ou par la destination : l’acclamation est la réunion des suffrages sans aucune délibération ; elle est réservée aux Cardinaux, aux Princes & aux Ambassadeurs : l’enrôlement est des dames & des étrangers : la représentation, des éleves de ces colléges où l’on instruit la noblesse : la surrogation, de tout homme de Lettres qui remplace un Académicien après sa mort : la destination, de quiconque a mérité d’obtenir un nom Arcadien, avec l’engagement solemnel de l’Académie, de succéder à la premiere place vacante. Les Arcadiens comptent par olympiades ; ils les célebrent tous les quatre ans par des jeux d’esprit. On écrit la vie des Arcadiens. Notre des Yvetaux auroit bien été digne de cette société ; il faisoit passablement des vers ; il s’étoit réduit dans les dernieres années de sa vie à la condition de berger, & il mourut au son de la musette de sa bergere : l’Académie auroit de la peine à citer quelque exemple d’une vie plus Arcadienne, & d’une fin plus pastorale. Voyez Académie.