L’Encyclopédie/1re édition/ANTI-HECTIQUE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 501-502).
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ANTI-HECTIQUE de la Poterie, est vulgairement appellé anti-hectique de Poterius ou de Potier, (Chimie med.) parce qu’on a confondu Michel Potier, Medecin Allemand, avec Pierre la Poterie, Medecin François, auteur de ce remede, qui est bon sur-tout contre l’éthisie ; c’est ce qui l’a fait nommer anti-hectique.

La Poterie prenoit pour le faire une partie de régule martial & deux d’étain : il prenoit trois parties de nitre pour une de régule jovial, & il se servoit d’eau de pluie pour laver son anti-hectique.

Pour faire le régule jovial, il faut mettre dans un creuset une partie de régule martial d’antimoine ; placer le creuset dans un fourneau, le couvrir, & faire du feu autour. Lorsque le régule sera fondu, on y ajoûtera deux parties d’étain fin ; & l’étain étant fondu, on remuera avec une verge de fer, ensuite on retirera le creuset du feu, & on versera dans un mortier chauffé.

Lorsque ce régule jovial sera refroidi, on le mettra en poudre fine, & on le mêlera avec autant de nitre purifié & bien sec ; ensuite on mettra dans un creuset rougi entre les charbons ardens une petite cuillerée de ce mêlange environ un gros. Il se fera une détonation qu’on laissera passer entierement, attendant que la matiere paroisse fondue dans le creuset, pour y mettre une nouvelle cuillerée du mêlange.

Tout étant employé, on laissera la matiere en fusion pendant environ un quart-d’heure ; ensuite on la retirera du feu, & on la versera dans de l’eau bouillante. On laissera tremper quelques heures, ensuite on agitera le tout, & on versera par inclination l’eau blanche ; ce qu’on réitérera jusqu’à ce que l’eau ne blanchisse plus, & qu’il ne reste que des grumeaux au fond. Enfin on laissera toutes ces lotions sans y toucher ; il se déposera au fond une poudre grise. On versera l’eau claire qui surnage, & on reversera de nouvelle eau sur la poudre pour la dessaler entierement ; ensuite on la fera secher : ce sera l’anti-hectique de la Poterie.

Il y en a qui ne veulent pas prendre le régule martial pour faire le régule jovial ; cependant on doit le préférer à tout autre pour cela, comme faisoit l’auteur. Il faut seulement avoir soin de choisir le régule martial fort beau ; & il n’en faut mettre qu’une partie avec deux parties d’étain.

On s’attache trop aujourd’hui à une couleur bleue, qu’on veut qu’ait l’anti-hectique de la Poterie ; desorte que souvent, pour conserver cette couleur, on ne décompose pas assez l’étain. Celui que faisoit l’auteur avoit d’abord une couleur grise cendrée ; ensuite il le calcinoit à un feu de réverbere, ce qui lui donnoit une couleur bleuâtre : le feu de réverbere peut tirer des couleurs des chaux métalliques.

Si on ne commençoit pas cette opération par faire le régule jovial, une partie de l’étain tomberoit au fond du creuset.

L’anti-hectique de la Poterie est une espece de diaphorétique minéral ; & il en a aussi les vertus : il est même à préférer au diaphorétique ordinaire, lorsqu’il y a complication d’hémorrhagie ou de foiblesse de poitrine. Voyez Diaphorétique, Minéral, Etain.

La Poterie donnoit son anti-hectique pour la plûpart des maladies qui viennent d’obstruction, pour le scorbut, les écrouelles, & sur-tout pour l’éthisie.

La méthode dont il se servoit pour le faire prendre, étoit d’en donner le premier jour quatre grains ; & il faisoit augmenter chacun des jours suivans d’un ou de deux grains ; desorte qu’il en faisoit prendre jusqu’à quarante, & quelquefois jusqu’à cinquante grains.

On peut dire en général que, dans les maladies longues dans lesquelles il est nécessaire de faire un long usage des remedes pour guérir, c’est une très-bonne méthode de les faire prendre d’abord en petite dose, l’augmentant de jour en jour jusqu’à une quantité proportionnée à la force de la maladie & du malade ; & après avoir fait continuer quelques jours cette même quantité, il est bon de diminuer, comme on a augmenté ; & il ne faut pas juger qu’un remede est sans effet, parce qu’il ne guérit pas les maladies dans les premiers jours du régime. Le traitement des maladies doit être différent, selon les différentes maladies : on ne doit pas traiter des maladies longues qu’on appelle chroniques, comme il faut traiter les maladies vives qu’on appelle aiguës. On est long-tems à guérir ou à mourir des maladies longues ; & au contraire on guérit ou on meurt promptement des maladies vives. On doit mettre, pour guérir une maladie, un tems proportionné à celui qu’elle a été à se former ; les maladies longues s’étant formées lentement, ne peuvent & ne doivent point être guéries ou traitées promptement. Tout le monde convient que toutes les maladies viennent plus promptement qu’elles ne passent ; & cependant presque tout le monde fait l’injustice aux Medecins de trouver mauvais qu’ils ne guérissent pas les maladies plus promptement qu’elles n’ont été à se former. Les amis des malades, en les plaignant de leur état, négligent presque toûjours de les encourager à faire constamment ce qu’il faut pour guérir ; & ils n’affermissent point leur confiance en la Medecine, au contraire. D’ailleurs, comme les maladies longues se forment d’abord sans qu’on s’en apperçoive, leur guérison est de même insensible ; desorte que le malade se fatigue de prendre des remedes, ne croyant pas en recevoir de soulagement ; & le Medecin s’ennuie de s’entendre dire que tout ce qu’on fait suivant ses conseils, est inutile : le malade & le Medecin se dégoûtent l’un de l’autre, & ils se séparent. C’est ainsi qu’il arrive souvent qu’on regarde comme incurables, des maladies que les Medecins guériroient, si le malade n’étoit pas impatient, & le public injuste. Voyez Chimie médicinale. (M)