L’Encyclopédie/1re édition/ANTHRACOSE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 497).

ANTHRACOSE, s. f. (terme de Chirurgie.) Anthrax ou charbon des paupieres, est une tumeur d’un rouge livide, qui cause une tension considérable aux paupieres & aux parties voisines, accompagnée de fievre, de douleur, & de pulsation. Cette tumeur est accompagnée de dureté & d’une si grande chaleur, qu’il s’y forme une croûte noire, une vraie escarre, comme si le feu y eût passé. L’érésipele de la face & la tuméfaction des glandes parotides sont souvent des accidens de cette maladie.

On attribue la cause de l’anthrax des paupieres à un sang grossier, brûlé, & dépouillé de son véhicule. Il n’arrive guere qu’en été aux pauvres gens de la campagne, mal nourris & continuellement exposés à des travaux fatiguans & aux injures de la saison. On a observé que cette maladie étoit plus commune quand les secheresses sont très-grandes ; & qu’elle affectoit particulierement les personnes qui passent les jours entiers à scier les blés.

La cure de cette maladie ne demande point de délai : dès qu’on s’apperçoit de la formation de la pustule, il faut saigner le malade, lui donner des lavemens rafraîchissans, & lui faire boire des émulsions. On applique dans le commencement sur la partie malade des compresses trempées dans de l’eau de sureau, dans laquelle on fait fondre un peu de nitre.

Si l’inflammation ne s’appaise pas & que l’escarre se forme, on l’incise avec une lancette, & on lave avec une lotion faite avec l’onguent égyptiac dissous dans le vin & l’eau-de-vie. Si la tumeur est considérable, on scarifie les parties tuméfiées à la circonférence de l’escarre, & l’on applique des cataplasmes émolliens & résolutifs. Ces secours secondés de la saignée, qui est le spécifique de toutes les maladies inflammatoires, bornent les progrès de l’escarre dont on prévient la chûte avec des onguens digestifs : on travaille ensuite à mondifier & cicatriser l’ulcere. V. Ulcere. Il faut avoir soin dans les pansemens de cet ulcere de tenir la peau étendue, pour que la cicatrice ne fronce pas la paupiere & ne cause point de difformité. Le Chirurgien doit aussi prendre toutes les mesures convenables, pour que l’œil ne soit point éraillé ; ce qui est assez difficile, lorsque l’escarre a été grande & qu’elle s’est formée près du bord de la paupiere. (Y)