L’Encyclopédie/1re édition/ANCHOIS

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ANCHOIS. s. m. (Hist. nat.) encrasicholus, poisson de mer que l’on a mis au nombre des aphyes ; il est de la longueur du doigt, & quelquefois un peu plus long : ce poisson est sans écailles, sa bouche est grande, l’extrémité des mâchoires est pointue ; elles n’ont aucunes dents, mais elles sont faites en forme de scie ; les oüies sont petites & doubles, le cœur est long & pointu, le foie rouge & tacheté, le ventre est fort mou & se corrompt promptement ; on y trouve une grande quantité d’œufs rouges. Ce poisson est charnu, & il n’a point d’arrêtes, excepté l’épine du dos, qui est fort menue. On sale les anchois, après leur avoir ôté la tête & les entrailles. Rondelet. Voyez Poisson. (I)

* La pêche la plus abondante des anchois se fait en hyver sur les côtes de Catalogne & de Provence, depuis le commencement de Décembre jusqu’à la mi-Mars ; on en prend encore en Mai, Juin, Juillet, tems où ils passent le détroit de Gibraltar pour se retirer dans la Méditerranée. On en trouve aussi à l’ouest d’Angleterre & du pays de Galles. Ils ont cela de commun avec les sardines, qu’ils nagent en troupe, fort serrés, & que la lumiere est un attrait pour eux. Aussi les Pêcheurs ne manquent pas de leur présenter cet appât. Ils allument des flambeaux dans leurs nacelles ou chaloupes pendant la nuit ; les anchois accourent à l’instant, & se jettent en nombre prodigieux dans les filets qui leur sont tendus. Quand une pêche est finie, on leur coupe la tête, on leur ôte le fiel & les boyaux, on les sale, & on les met en baril.

Les anchois frais peuvent se manger frits ou rôtis : mais ils sont meilleurs & d’un plus grand usage, salés. Comme ils n’ont point d’autres arrêtes que l’épine du dos, qui est mince & déliée, elle ne blesse point, & n’empêche pas qu’on ne les mange entiers.

Cette excellente sauce que les Grecs & les Latins nommoient garum, & à laquelle ils donnoient l’épithete de très-précieuse, n’étoit autre chose que des anchois confits, fondus & liquéfiés dans leur saumure, après en avoir ôté la queue, les nageoires, & les arrêtes. Cela se faisoit ordinairement en exposant au soleil le vaisseau qui les contenoit ; ou bien quand ils en vouloient avoir plus promptement, ils mettoient dans un plat des anchois sans les laver, avec du vinaigre & du persil, & exposoient ensuite le plat sur la braise bien allumée, remuoient le tout jusqu’à ce que les anchois fussent fondus ; & ils nommoient cette sauce acetogarum. On se servoit du garum & de l’acetogarum pour assaisonner d’autres poissons, & quelquefois même la viande.

La chair des anchois ou cette sauce que l’on en fait, excite l’appétit, aide la digestion, atténue les humeurs crasses, & fortifie l’estomac. Aldrovand prétend même qu’elle est bonne pour la fievre : mais un savant Medecin de notre siecle dit qu’il en faut user sobrement, parce qu’elle échauffe, raréfie les humeurs, & les rend acres & picotantes.