L’Encyclopédie/1re édition/AMPHIBOLOGIE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 376).

AMPHIBOLOGIE, s. f. (terme de Grammaire.) ambiguité. Ce mot vient du Grec ἀμφιϐολία, qui a pour racine ἀμφὶ, préposition qui signifie environ, autour, & βάλλω, jetter ; à quoi nous avons ajoûté λόγος, parole, discours.

Lorsqu’une phrase est énoncée de façon qu’elle est susceptible de deux interprétations différentes, on dit qu’il y a amphibologie, c’est-à-dire qu’elle est équivoque, ambiguë.

L’amphibologie vient de la tournure de la phrase, c’est-à-dire de l’arrangement des mots, plûtôt que de ce que les termes sont équivoques.

On donne ordinairement pour exemple d’une amphibologie, la réponse que fit l’oracle à Pyrrhus, lorsque ce Prince l’alla consulter sur l’évenement de la guerre qu’il vouloit faire aux Romains :

Aio te, Æacida, Romanos vincere posse.

L’amphibologie de cette phrase consiste en ce que l’esprit peut ou regarder te comme le terme de l’action de vincere, ensorte qu’alors ce sera Pyrrhus qui sera vaincu ; ou bien on peut regarder Romanos comme ceux qui seront vaincus, & alors Pyrrhus remportera la victoire.

Quoique la langue Françoise s’énonce communément dans un ordre qui semble prévenir toute amphibologie ; cependant nous n’en avons que trop d’exemples, surtout dans les transactions, les actes, les testamens, &c. nos qui, nos que, nos il, son, sa, se, donnent aussi fort souvent lieu à l’amphibologie : celui qui compose s’entend, & par cela seul il croit qu’il sera entendu : mais celui qui lit n’est pas dans la même disposition d’esprit ; il faut que l’arrangement des mots le force à ne pouvoir donner à la phrase que le sens que celui qui a écrit a voulu lui faire entendre. On ne sauroit trop répéter aux jeunes gens, qu’on ne doit parler & écrire que pour être entendu, & que la clarté est la premiere & la plus essentielle qualité du discours. (F)