L’Encyclopédie/1re édition/ACCOUCHEUSE

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ACCOUCHEUSE s. f. femme qui fait profession d’accoucher. Habile Accoucheuse. On dit plûtôt Sage-Femme. (L)

* Il y a des maladies, dit Boerhaave, qui viennent de causes toutes particulieres & qu’il faut bien remarquer, parce qu’elles donnent lieu à une mauvaise conformation. Les principales sont l’imagination de la mere, l’imprudence de l’Accoucheuse, &c. Il arrive fort souvent, ajoûte son Commentateur, M. de la Metrie, « que ces femmes rendent les corps mous des enfans tout difformes, & qu’elles gâtent la figure de la tête en la maniant trop rudement. Delà tant de sots dont la tête est mal faite, oblongue ou angulaire, ou de toute autre forme différente de la naturelle. Il vaudroit mieux pour les femmes, ajoûte M. de la Metrie, qu’il n’y eût point d’Accoucheuses. L’art des accouchemens ne convient que lorsqu’il y a quelque obstacle : mais ces femmes n’attendent pas le tems de la nature ; elles déchirent l’oeuf, & elles arrachent l’enfant avant que la femme ait de vraies douleurs. J’ai vû des enfans dont les membres ont été luxés dans cette opération ; d’autres qui en ont eu un bras cassé. Lorsqu’un membre a été luxé, l’accident restant inconnu, l’enfant en a pour le reste de la vie. Lorsqu’il y a fracture, le raccourcissement du membre l’indique. Je vous conseille donc, lorsque vous pratiquerez, de réprimer ces téméraires Accoucheuses ». Voyez Inst. de Boerhaave.

Je me crois obligé par l’intérêt que tout honnête homme doit prendre à la naissance des citoyens, de déclarer que poussé par une curiosité qui est naturelle à celui qui pense un peu, la curiosité de voir naître l’homme après l’avoir vû mourir tant de fois, je me fis conduire chez une de ces Sages-femmes qui font des éleves & qui reçoivent des jeunes gens qui cherchent à s’instruire de la matiere des accouchemens, & que je vis là des exemples d’inhumanité qui seroient presque incroyables chez des barbares. Ces Sages-femmes, dans l’espérance d’attirer chez elles un plus grand nombre de spectateurs, & par conséquent de payans, faisoient annoncer par leurs émissaires qu’elles avoient une femme en travail dont l’enfant viendroit certainement contre nature. On accouroit ; & pour ne pas tromper l’attente, elles retournoient l’enfant dans la matrice, & le faisoient venir par les piés. Je n’oserois pas avancer ce fait si je n’en avois pas été témoin plusieurs fois, & si la Sage-femme elle-même n’avoit eu l’imprudence d’en convenir devant moi, lorsque tous les assistans s’étoient retirés. J’invite donc ceux qui sont chargés de veiller aux désordres qui se passent dans la société, d’avoir les yeux sur celui-là.