L’Au delà et les forces inconnues/Un vaudevilliste spirite

Société d’éditions littéraires et artistiques (p. 100-104).


UN VAUDEVILLISTE SPIRITE


Le spiritisme veut accaparer les miracles de l’Evangile. — Une conviction retentissante.


J’ai reçu du spirituel vaudevilliste M. Albin Valabrègue, qui est aussi un croyant convaincu, une lettre trop typique pour qu’elle ne trouve pas sa place dans ce livre où les opinions les plus diverses sont rassemblées. — La voici :



« Mon cher confrère,


» Je lis vos articles avec plus que de l’intérêt. Pour moi, le christianisme est absolument incompréhensible sans le spiritisme.

» Jésus est le médium de Dieu ou des Esprits intermédiaires de Dieu que l’Evangile a raison d’appeler de ce nom unique : le Saint-Esprit. Le Christ a « déclaré qu’il ne parlait pas de lui-même ». Il a causé avec Moïse et Elie matérialisés et a été vu également après sa mort par les disciples.

» La résurrection de Jésus est le fait le plus « matériel » du monde pour nous autres spirites.

» Ces apôtres qui, du vivant du Christ, le renient ou l’abandonnent et qui, après sa mort, deviennent sublimes martyrs par médiumnité, saint Paul transformé, etc., etc., tout cela est à nous.

» L’Eglise nous condamne ? Nous, nous préparons son triomphe en travaillant au règne de l’homme d’Amour, du Grand Juif auquel l’avenir appartient plus encore que le passé.

» Tout à vous,

» Albin Valabrègue. »

M. Albin Valabrègue exprime dans cette lettre des propositions qu’a longuement développées dans ses livres et ses conférences un autre propagateur du spiritisme, M. Léon Denis.

Mais je doute que l’un et l’autre arrivent ainsi à contenter à la fois et surtout à concilier les chrétiens et les spirites…

En tout cas, il devenait presque nécessaire, après cette déclaration, de demander à l’heureux auteur de Coralie et Cie comment sa conviction s’était établie et par quels états d’âme a pu passer un vaudevilliste parisien pour aboutir d’un scepticisme universel et léger à d’aussi graves croyances où la mort devient la clef de la religion et de la vie.

M. Albin Valabrègue, tout en se réservant de raconter lui-même plus tard l’histoire des modifications de son moi, nous a écrit les aveux suivants qui se terminent par un éclatant acte de foi spirite.



« Mon cher confrère,


» En matière de spiritisme, j’ai bouche close, mais, soyez tranquille, on ne perdra rien pour attendre.

» Le spiritisme est pour moi de toute évidence.

» Il n’est pas de fait matériel, de vérité mathématique, qui soient prouvés davantage.

» Tant que j’ai pu opposer à la vérité spirite une des hypothèses avancées par les anti-spirites, j’ai adopté le côté de l’hypothèse, mais le jour est venu où subconscient, télépathie, hallucination, etc… ont dû capituler devant ces deux faits indéniables :

1° La matérialisation totale d’un mort reconnu.

2° L’observation quotidienne, pendant deux années consécutives, d’un médium d’une probité irréprochable, non salarié, niant énergiquement le spiritisme, et apportant tous les jours la preuve qu’il incarnait dix ou douze esprits, différant entre eux de mentalité, de style, et quelquefois d’écriture !

» Vous pouvez douter, en face du spiritisme, comme j’ai douté moi-même pendant tant et tant d’années ! Vous pouvez me dire qu’après trente ans de crédulité, je suis capable d’imiter Flammarion et de reprendre mon doute. C’est bien possible. Un cerveau humain est peu de chose.

» L’ignorant seul peut répondre de l’avenir en matière de convictions ! Le prince de Ligne a dit ce mot charmant… « S’instruire, c’est se contredire. »

« Je conclus : En l’an de disgrâce 1902, je jure devant Dieu et devant les hommes que l’âme est immortelle et que nous pouvons communiquer avec les morts. »

» Valabrègue. »